«Les centrales syndicales se donneront le droit d’aller en grève générale et illimitée …». Dans l’après-midi du samedi, 10 décembre 2011, le Président de la République a reçu les représentants des travailleurs syndiqués de la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), de sa direction générale, de l’Inspection générale du travail, la Ministre du Travail et de la Fonction publique ainsi que les représentants des syndicats USTG et CNTG auxquels sont affiliés les travailleurs de la CBG.
L’objet de l’audience était l’annonce au Chef de l’Etat des raisons qui ont poussé les travailleurs de cette boîte à aller en grève, les termes des négociations pour qu’ils reviennent sur leur décision, tout en insistant sur le fait que «les travailleurs de la CBG sont les moins payés du secteur des mines et de la géologie du pays.»
Avec la contribution de la CBG au budget national, ces travailleurs se considèrent ainsi comme «des laissés-pour-compte» parmi les travailleurs de ce secteur.
Ainsi, dans l’édition du journal télévisé du samedi, 10 décembre 2011, les téléspectateurs avertis ont été surpris de voir, au-delà du compte-rendu du reporter, que parmi le staff qui représentait les syndicalistes, figurait en bonne place, et même en très bonne place, Yamoussa Touré, candidat au poste de Secrétaire général du bureau confédéral de la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée (CNTG). Il est actuellement, à sa demande, en position de procès au tribunal du travail face à son challenger Ahmadou Diallo.
Il aura même le privilège de parler au nom des deux syndicats auxquels sont affiliés ces travailleurs avec qualité de "Secrétaire général de la CNTG".
Extrait: «Monsieur le Président [de la République], le résultat obtenu prouve à suffisance que la sève nourricière du mouvement syndical est le dialogue social», a déclaré Yamoussa Touré.
Selon des informations dignes de foi, le Professeur Alpha Condé a même saisi l’occasion de cette rencontre pour évoquer la situation qu’il qualifie de «pagaille ainsi créée à la CNTG…»
Et beaucoup ont vu en cette audience la position clairement exprimée des Autorités pour le camp de Yamoussa Touré. Et il n’en fallait pas plus d’ailleurs pour les différentes centrales syndicales (CNTG, USTG, ONSLG, UDTG, CGSL, CGTG, UGTG, SIFOG) de regretter cet état de fait.
Confirmation du trésorier de la CNTG, El hadj Barry, lors d’un entretien hier, mardi 13 décembre: «Ce qui est irritant, c’est, avant-hier [samedi, 10 décembre, ndlr], quand nous avons vu Yamoussa [Touré] se faire recevoir par le Premier magistrat de la Guinée [le Président Alpha Condé, ndlr], en qualité de Secrétaire général de la CNTG, pendant que lui-même [Yamoussa Touré, ndlr] il a porté plainte au Tribunal du travail qui n’est pas compétent. Nous avons dit "trop, c’est trop ; il faut qu’on se lève".»
C’est donc ce qui va amener les centrales syndicales, citées plus haut, à se réunir le lundi, 12 décembre 2011, avec pour «seul point inscrit à l’ordre du jour : l’examen de la situation créée à la CNTG.»
Au terme de 7 (sept) heures d’horloge de conclave, elles vont produire deux documents: une déclaration et une lettre d’information à l’adresse du Secrétaire général de l’association des magistrats de Guinée. Des documents dont copies sont parvenues à la rédaction d’AfricaLog.com.
Dans leur déclaration, les centrales syndicales parlent d’«immixtion insidieuse de l’Etat dans les activités de la CNTG lors de son 16ème Congrès tenu les 22, 23 et 24 septembre 2011 au Palais du peuple».
Après avoir condamné les «actes de violation, de barbarie et de vandalisme perpétrés contre tous les travailleurs de Guinée et leur bourse du travail» et au regard de certaines réalités dont l’audience du Chef de l’Etat au cours de laquelle Yamoussa Touré était considéré comme le Secrétaire général de la CNTG, les centrales syndicales ont tiré la conséquence. Comme première mesure, elles «exigent à la CNTG et à son Secrétariat exécutif légitimement élu le 24 septembre 2011 au Palais du peuple de se retirer de la procédure judiciaire actuellement en cours au tribunal du travail et demandent audit tribunal de se dessaisir de ce dossier conformément aux articles 263 et 376 du Code du travail de la République de Guinée de par son incompétence en la matière.»
Il faut souligner qu’il y a actuellement un procès, suite à «la plainte formulée par El hadj Yamoussa Touré au Tribunal du travail».
Pour donner plus de lisibilité à la déclaration des centrales syndicales, le trésorier de la CNTG, M. Barry, apporte les précisions suivantes: «C’est nous fondant sur les articles 263 et 376 du Code du travail, que nous avons dit que le camarade Yamoussa bénéficie de largesses de l’administration publique depuis la campagne. On lui a donné un véhicule VA [véhicule administratif, ndlr] 4x4, il a sillonné tout le pays. Il a eu de l’argent, il a eu les médias d’Etat à sa disposition, ils ont dit ce qu’ils veulent à la télévision d’Etat, malgré l’argent que nous avons payé à la RTG [radio télévision d’Etat, ndlr], malgré les injonctions du CNC (Conseil National de la Communication), nos images ne sont pas passées. Donc, c’est dire que si l’Etat avait accepté d’être neutre, on aurait terminé ce différend.»
Le trésorier de la CNTG, El hadj Barry confirme par ailleurs, l’existence d’une menace de grève: «La menace de grève existe bel et bien, puisqu’hier [lundi, 12 décembre, ndlr] les centrales syndicales de la Guinée se sont retrouvées à la bourse du travail, nous avons demandé que l’administration publique cesse de s’immiscer dans les affaires syndicales de la Guinée. Dans le cas contraire, nous avons écrit bel et bien, si ce n’est pas respecté, nous allons en grève sur toute l’étendue du territoire national. On l’a dit et c’est écrit dans la déclaration. La date de la grève n’est pas fixée encore. La balle est dans le camp du gouvernement guinéen.»
Sur les chances de réussite de la grève, El hadj Barry est plutôt confiant : «L’autre-là, Yamoussa, il a l’appui du gouvernement, nous avons l’appui des travailleurs de Guinée. Vous verrez quand on va lancer la grève, vous verrez sur le terrain. Il ne représente absolument rien sur le terrain.»
Dans le second document, c’est-à-dire la lettre d’information à adressée au Secrétaire général de l’association des magistrats de Guinée, «le bureau confédéral de la CNTG » attire «votre attention sur ce qui suit : le samedi, 10 décembre 2011, le camarade Yamoussa Touré candidat démissionnaire du congrès du 24 septembre 2011 s’est fait recevoir par le 1er magistrat de la Guinée à la Présidence de la République en qualité de Secrétaire général de la CNTG pourtant non élu à ce poste malgré la plainte qu’il a déposée au tribunal du travail à la recherche d’une éventuelle légitimité. Que le tribunal soit compétent ou pas, nous pensons que cette attitude [du Président de la République, ndlr] est de nature à l’orienter [le tribunal du travail, ndlr] en faveur du plaignant en désarroi et de saper l’indépendance de la justice de notre pays.»
Quel sera le prochain épisode et pour quand ? Wait and see.
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