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Sénégal: le défi d'un homme, le silence de l'UA, la résistance d'un peuple

Feb 16, 2012

Par Franklin Cudjoe et Japheth omojuwa

À l'âge de 93 ans, le président Abdoulaye Wade a décidé de briguer à nouveau la présidence du Sénégal. Il pourrait ainsi terminer en 2019 encore sept autres années de « mandat ». Il y a cependant trois « si » pour que cela se concrétise. Si le peuple du Sénégal permet à Abdoulaye Wade de voir sonsouhait exaucé de pouvoir se présenter à nouveau ce mois de Février, s'il sort ensuite vainqueur des urnes, et enfin s’il vivra assez longtemps pour arriver à la fin de son mandat.

Pour un homme qui a été candidat à la présidentielle quatre fois à partir
de 1978 avant de finalement prendre ses fonctions en 2000, on peut estimer
qu’il ne manque pas de volonté pour se maintenir face à une opposition
croissante et aux manifestations dans les rues et les villes du Sénégal.
Wade n'a cependant pas entamé cette année son processus de maintien à la
présidence sénégalaise : l’année dernière déjà il avait cherché à se rendre
la tâche plus facile en proposant des modifications à la constitution. La
modification proposée était de réduire à 25% le pourcentage nécessaire à un
candidat pour remporter les élections dès le premier tour, au lieu de 50 %
auparavant. En substance, M. Wade ne voit rien de mal à ce que 25 % de la
population décident qui serait le président cette année. Cet épisode remonte
à Juin dernier, mais les manifestations et le rejet de cette idée par les
populations ont arrêté Wade. Il semble cependant que le peuple du Sénégal
doive à nouveau tenir tête à son président.

Alors que les structures et les fondations de la démocratie sont menacés au
Sénégal, les dirigeants africains se délectent encore de la célébration d'un
nouveau « cadeau » de la Chine à l'Afrique : le nouveau bâtiment de l'Union
africaine en Éthiopie qui a coûté 200 millions de dollars, et le dévoilement
de la statue de Kwame Nkrumah en ce même lieu. Fait caractéristique d'une
organisation qui semble ne jamais comprendre les choses quand il le faut,
l'UA est restée muette sur les événements du Sénégal.

Ironie du sort, M. Wade lui-même avait inauguré une statue à 27 millions de
dollars au Sénégal, symbolisant les luttes collectives des Africains contre
les régimes autoritaires en Afrique. Considéré comme un nouvel éléphant
blanc, ce pur gaspillage du monument de la renaissance africaine entrepris
par le Président Wade a également connu une baisse de popularité lorsque le
président Wade a affirmé qu'il était en droit toucher 35 % de tous les
bénéfices touristiques que la statue génère parce que l'idée était sa «
propriété intellectuelle ».

Abdoulaye Wade n'a pas manqué d’aide. La Cour constitutionnelle du Sénégal a
déclaré le 27 Janvier que M. Wade pourrait briguer un troisième mandat,
soutenant que son premier mandat, qui a débuté en 2000, ne comptait pas en
vertu de la nouvelle Constitution de 2001. Alors que le 26 Février 2012,
date de l'élection décrétée par le président du Sénégal Abdoulaye Wade, le
23 Novembre 2010, approche, le chemin s’annonce tortueux et, sans doute
influencé par des événements à travers le monde arabe et le Moyen-Orient, le
Sénégal pourrait entrer dans une bataille de longue haleine entre les
gouvernés et le gouvernant.

La Place de l'Obélisque au centre de Dakar pourrait devenir la version
sénégalaise de la place Tahrir en Égypte, alors que les manifestants visent
à balayer l'ambition du président Wade. « Wade Dégage ! », voici la voix qui
résonne dans la rue et alors que les jours passent, son écho se propage à
travers le continent et le monde. Il reste à voir si le président Abdoulaye
Wade, un homme ne manquant pas d'amis influents en Occident et en Afrique,
cédera à la voix de son peuple et ne se présentera pas aux élections à l'âge
vénérable de 85, quelque 12 ans après son premier mandat.

Pour le Sénégal, longtemps considéré comme l'un des pays les plus pacifiques
et stables de l'Afrique, 2012 semble être l'année qui va définir son chemin
vers l'avenir. L’état de droit sera le dernier fil qui pourra tenir unie
cette fière nation africaine. Quand un peuple se sent floué à chaque jour
qui passe alors qu’un seul homme cherche à se maintenir au pouvoir, la
résistance ne peut que devenir plus forte. Les candidats de l'opposition ne
sont pas près à faire profil bas, les gens sont déjà dans la rue, les
arrestations de membres de l'opposition se multiplient, au moins un policier
a été tué – et un bébé vient juste d’être tué. Et l'interdiction faite au
chanteur sénégalais Youssou N'Dour, musicien auteur-compositeur de renommée
internationale, de se présenter aux élections par le même tribunal qui a
permis au président Abdoulaye Wade de se présenter, ajoute une triste
tonalité à la crise au Sénégal.

La quête illégitime et impopulaire d'un seul homme pour le pouvoir ne
justifie pas de retourner tout un pays. Nous appelons le président Abdoulaye
Wade, après un règne de douze ans qui se termine cette année, à prendre le
chemin de l'honneur et permettre aux populations de décider pour le Sénégal
l'homme qu'elles souhaitent voir les conduire.

 

Franklin Cudjoe est le Directeur exécutif du think tank ghanéen IMANI,
Conseiller principal et chroniqueur à AfricanLiberty.org. Japheth omojuwa est assistant à IMANI et responsable d’AfricanLiberty.org.

Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org

 

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