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Mohamed Diakité: «Le blanchiment d’argent est une réalité en Guinée»

Apr 18, 2012

Dans le dossier qui oppose la banque primaire Orabank et l’Etat-guinéen qui l’accuse de faire du blanchiment d’argent, Mohamed Diakité, économiste et financier est souvent cité par la dite banque qui l’accuse d’avoir trimbalé son DGA devant le tribunal de première instance de Kaloum. Toute chose qui aura provoquée l’ire de la FESABAG, dont les membres avaient menacé de fermer portes et guichets à ses clients, le 16 avril. Votre site, AfricaLog.com a rencontré M. Diakité pour qu’il relate sa version des faits.

AfricaLog.com : Quels sont les éléments que vous détenez dans le dossier qui oppose Orabank à l’Etat?


Mohamed Diakité:
Comme vous l’avez appris sur les ondes, le Secrétaire général de la FESABAG a fait une déclaration pour dire que le Directeur général d’Orabank est perturbé dans son travail, séquestré de manière flagrante. C’est une déclaration qui n’a aucun fondement juridique, une déclaration fantaisiste.

Pour ce cas précis que nous poursuivons en Tribunal de première instance avec le Ministère public à la demande des services du Secrétariat général à la Présidence chargé des services spéciaux, du grand banditisme et de l’ anti drogue qui a mené l’enquête jusqu’au bout et qui a dressé un rapport, lequel a été adressé au procureur du Tribunal de première instance de Kaloum, dans les formes régulières.

Il s’agit d’une activité commerciale dont une société genevoise qu’on appelle Société Aiglon SA m’a choisi afin que je sois leur fondé de pouvoir, pour gérer les fonds qu’elle mettra à la disposition de la Compagnie guinéenne de Coton pour la soutenir alors qu’elle était en faillite en 2005. Aiglon a mis les moyens financiers à la disposition de la compagnie à travers ce compte qui a été ouvert à Orabank. Plusieurs dizaines de milliards ont été gérés dans ce compte, dont je suis signataire. Jusqu’à la fin de l’opération, le compte est resté avec un solde débiteur de près 5 milliards 800 millions de francs guinéens. Ce solde débiteur a été de façon fantaisiste, représentée par Orabank comme étant une créance sous la Guinéenne de coton. Cependant, quand on parle de créances, on parle des droits des obligations qui signifient l’existence d’un contrat, d’une convention ou d’un accord. Quand on a été informé qu’Orabank a fait un contrat de cession de créances sur notre compte, nous avons réagi par courrier. Personnellement, étant le fondé du pouvoir de Aiglon SA et Manager de la Guinéenne de Coton, parce que le solde est sous ma signature, j’ai saisi Orabank pour attirer son attention sur le caractère illégal de cette opération. Mais elle ne m’a pas écouté. Cette opération a eu lieu en juin 2010. Nous avons attendu l’après élection pour engager la procédure judiciaire contre Orabank. C’est ainsi que nous avons porté plainte. Ils ont pris ce compte, pour créer une opération financière appelée Cession de créances. Je tiens à préciser que cette opération est irrégulière, elle devait se faire dans les règles de l’art. C’est-à-dire, il doit exister la créance et pour qu’il y ait créance il faut qu’il y ait une obligation. Et nous, la Guinéenne de Coton et moi, étant le fondé du pouvoir de Aiglon SA qui a géré le compte, avons estimé que la Guinéenne de Coton n’a aucune dette vis-à-vis de la société Orabank. On leur a demandé de fournir le titre de créance qui peut les permettre de la vendre en notre nom. Depuis le mois de mai 2009, Orabank a été incapable de fournir un titre de créance. Pour nous, c’est une opération virtuelle. C’est-à-dire une opération qui n’a pas de base légale pour soutenir la réalité. Tout de suite, l’opération rentre dans le cadre de la loi 010, relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux en République de Guinée…

Le Secrétaire général de la FESABAG a dit que le Gouvernement a estimé que le dossier est vide…

Le Secrétaire général de la FESABAG est libre de dire que le gouvernement a dit que le dossier est vide. Je me pose la question de savoir s’il comprend la procédure en termes d’examen des dossiers qui sont dans la phase contentieuse. Je me demande quel membre du Gouvernement peut se permettre de dire : Oui, tel dossier est vide, tel autre ne l’est pas. Parce que la consistance ou la non consistance d’un dossier relève essentiellement à la compétence de la justice. Dès lors que les services du Colonel Tiegboro ont saisi le Tribunal de façon régulière dont je me suis constitué en partie civile pour soutenir ma cause et celle de l’Etat, pour moi c’est un dossier plein de réalités. La BCRG peut le dire, parce qu’elle suivait le dossier. Maintenant, si la BCRG dit que le dossier est vide, je la comprendrais. Parce qu’elle ne souhaiterait pas qu’il y ait des investigations sur les opérations de blanchiment d’argent en son sein. Elle fait partie des sujets assujettis au contrôle du blanchiment en République de Guinée. Donc, pour moi le dossier est consistant. Je suis même surpris qu’il prenne assez de temps devant les tribunaux. Normalement le DG d’Orabank devrait être privé de sa liberté de se déplacer, dès lors que la justice a constaté l’existence d’une double opération sur le même compte, sur le même débit, sur les mêmes montants. Deux fois ces montants ont été cédés à deux cessionnaires différents. Sur place, le délit est établi. Et le monsieur devrait être écroué et placé sous mandat à la Maison centrale. Mais nous observons la justice. Il y a tout un lobbying, toute une équipe qui observe cette procédure. Depuis une semaine, nous sommes en train de voir comment les instances de la CEDEAO, de l’Union africaine, de la Banque mondiale et du FMI vont s’intéresser à la Guinée. Parce qu’avant l’avènement de la Troisième République, la Guinée était considérée comme un pays où le blanchiment d’argent avait atteint un niveau incontrôlable et un pays où les capitaux d’origine criminelle flots à grande vitesse. Je me dis s’il y a un premier cas, il sera exemplaire. Rassurez-vous que Monsieur Diakité, qui a exercé plus de 15 ans au sommet de l’Etat, qui a audité la plupart des dirigeants en action ou en retraite, ne saurait poursuivre un dossier vide.

Le blanchisseur pour agir, crée plusieurs sociétés qu’il doit contrôler. A travers les enquêtes, nous avons compris que la Société de recouvrement des actifs financiers de droit de Luxembourg, créée le 27 mai 2010, est détenue à 100% par l’actionnaire majoritaire de la société Orabank-Guinée. Cela veut dire que le gestionnaire d’Orabank est propriétaire de la société Luxembourgeoise, c’est-à-dire qu’il a la mainmise sur les deux. C’est pourquoi, il y a eu cession de créances sans qu’il n’y ait de support légal à la créance. Parce que personne ne regarde de dans, c’est la même personne qui achète et qui vend. C’est ce qu’on appelle auto-cession en matière de technique de blanchiment d’argent parmi tant d’autres techniques.

On parle aussi d’usurpation de titre de l’autorité de l’Etat qu’Orabank se serait adjugé…

Orabank est détenteur d’un contrat de bail commercial d’un domaine de l’Etat qui se situe dans la zone de Yimbaya, (commune de Matoto, à l’est de Conakry Ndlr). Ce domaine est de plusieurs hectares et a deux grands bâtiments de plus de 4 000 m2. Dans le contrat de Cession de créances avec la société luxembourgeoise, Orabank a fait ressortir dans ce contrat qu’elle est propriétaire de ces bâtiments et qu’elle peut les vendre et retourner cet argent au Cessionnaire luxembourgeois. Dès lors qu’Orabank n’est pas propriétaire de ces bâtiments, elle n’a pas le droit d’insérer la propriété-là dans un contrat commercial dans lequel elle doit se faire des sous sur le dos de l’Etat. Cela est prévu dans le Code pénal guinéen. C’est de l’usurpation de titre de l’autorité de l’Etat.
Le Secrétaire général de la FESABAG dit également que l’ORDEF a été saisi du dossier mais qu’à un moment donné il l’a abandonné, car il serait vide…

Quand on est à la tête d’une institution, il y a des propos qu’on ne doit pas tenir. On doit se respecter et respecter les autres. L’ORDEF a mené cette enquête pendant cinq mois. Les auditions ont eu lieu pendant trois mois. Après un rapport a été établi, et a été adressé au procureur de la République près le tribunal de Première instance de Kaloum. La conclusion de ce rapport disait ceci : Au vu de la loi 010, des dispositions du Code pénal, au vu des pièces versées dans le dossier au cours de l’enquête, Orabank serait responsable de blanchiment de capitaux d’origine illicite en République de Guinée. Si M. Sow dit que l’ORDEF a classé ce dossier, moi je suis surpris. Ce n’est pas moi qui ai déposé ce dossier au Tribunal, c’est le Secrétaire général à la Présidence chargé des services spéciaux, du grand banditisme qui en est le patron, qui a transmis le dossier au tribunal.

On parle de personne morale et de personne physique…

Monsieur Sow de la FESABAG qui dit que c’est la personne morale qui est incriminée mais on nous convoque la personne physique… Je dirai que M. Sow a désappris ses cours de droit pénal ou de procédure pénal. Dès lors qu’une personne morale est incriminée dans une affaire pénale, la personne morale est animée par une personne physique. C’est-à-dire ce sont les dirigeants sociaux qui sont tout de suite appelé à répondre pénalement. Dans une procédure pénale, il y a la responsabilité pénale et la responsabilité civile. Dans ce cas précis, ceux qui ont géré l’affaire pour le compte de la banque sont appelés les dirigeants sociaux qui doivent assurer la responsabilité pénale. La responsabilité civile consistera à payer les dommages et intérêts causés à l’Etat guinéen.

S’il dit aujourd’hui que M. Diallo Abdoul (le DGA Adjoint d’Orabank Ndlr) est toujours au tribunal, qu’il ne peut pas travailler, ce qu’il ne veut pas vivre en Guinée. Un directeur d’une société bancaire peut être inculpé et être incarcéré à tout moment s’il est établi qu’il est fautif, qu’il a pris part dans la gestion des affaires. On ne peut pas enfermer la banque. La loi même ne le dit ni en Guinée, ni aux Etats-Unis et partout ailleurs. C’est la personne qui anime la banque qui va prendre la responsabilité. Quand vous allez lire la loi 010, il y a ce qu’on appelle la circonstance aggravante. La circonstance aggravante pour les dirigeants sociaux d’Orabank aujourd’hui c’est quoi ? C’est avoir utilisé les services de la banque. C’est-à-dire ils se sont servis de la facilité que les procure leur profession pour procéder à ces opérations virtuelles de cession de créances. Je persiste là-dessus. Retenez bien que ce n’est pas la seule. Cette opération de créances liées à la Compagnie guinéenne de Coton a été faite en 2007 sur le même compte, sur le même montant et sur la même société. En 2009, on a vendu à la maison mère à Lomé. En 2010, on a vendu à la nouvelle société Luxembourgeoise. Qu’est-ce que ça veut dire ? On peut continuer à recycler les mêmes écritures comptables ? Moi, je dirai non. Je pense que les responsables d’Orabank doivent avoir les pieds sur terre et la FESABAG doit comprendre que les techniques d’alors qui consistaient à provoquer des grèves intempestives, des grèves insensées… Je vous promettais que si aujourd’hui la FESABAG faisait ce débrayage-là, elle allait assumer la responsabilité pénale. Et nous les corporations de consommateur des services bancaires, on allait porter plainte contre la FESABAG et les dirigeants de la Banque centrale. Parce que la Banque centrale ne peut pas s’asseoir et que des gens se permettent d’interrompre comme ça le service public, un service public universel, sans motif valable. Parce que c’est ni prévu dans le Code de travail, ni dans la réglementation bancaire.

Qu’est-ce que vous souhaitez maintenant?

Que justice soit faite. Nous, nous appartenons au groupe de Guinéens qui croient à l’avenir de ce pays, au changement de ce pays. J’estime que la pratique qui se passe à Orabank n’est pas unique, elle est large. Mon souhait est que justice soit rendue de façon impartiale. J’invite les autorités à renforcer les enquêtes dans les différents établissements bancaires de la place. Parce qu’apparemment le blanchiment d’argent est une réalité en Guinée. Ce n’est pas moi qui le dit, ce cas précis en est un exemple.

Propos recueillis par Mamadou Siré Diallo

 

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