«Le pouvoir du Président Alpha Condé n’a rien apporté aux Guinéens»

Est-ce le début du désamour entre le Président Alpha et l'Imam Mamadou Saliou? Couac entre le politique et le religieux ?

«Le pouvoir du Président Alpha Condé n’a rien apporté aux Guinéens», a déclaré vendredi, le Premier Imam de la Mosquée Fayçal de Conakry.

Ces propos font actuellement la Une de l’actualité dans la capitale guinéenne. El hadj Mamadou Saliou Camara a été confirmé à son poste de Premier imam de la mosquée Fayçal par le Président Alpha Condé à son accession au pouvoir.

Les relations entre les deux hommes sont (ou étaient) telles que le second a nommé le premier, en plus de ses fonctions de Grand Imam de la mosquée Fayçal, aux fonctions de Co-président du Comité de Réflexion sur la Réconciliation Nationale.

Même à la Présidence de la République, les deux Co-président ont leur photo en poster. Jusqu’à quand, désormais? Serait-on tenter de se poser la question au regard de la nouvelle donne créée par l’imam.

Mais depuis quelques jours, ce qui paraissait comme un simple sermon, est en train de prendre une nouvelle tournure dans les interprétations des uns et des autres. Il aura fallu qu’un journal de la place s’en fasse écho et qu’une radio libre passe un extrait de l’intervention de l’Imam, pour que les supputations commencent. Chaque partie cherchant soit à préciser les idées de l’imam ou à en donner une interprétation de nature à brouiller les relations entre le religieux et le Chef de l’Etat. Et le sermon est dans presque tous les téléphones portables.

L’Imam El hadj Mamadou Saliou Camara est bien connu pour ses sorties en phase avec le coran. Cependant sans aucune exagération. Ce qui fait qu’il est parmi les religieux les plus appréciés de la Guinée.

Son crédo: «je fais ou dis au Président Condé ce que j’ai fait ou dit à ses prédécesseurs», dixit El hadj Saliou.

On se souvient de la sortie médiatique de l’imam lors de certains de ses prêches en invitant le Premier Magistrat du pays à «faire attention dans les nominations que beaucoup qualifient d’ethnocentristes», ou bien quand il conseille aux "à côtés" du Chef de l’Etat à le conseiller sur ce qui est bien pour le pays et les fils du pays.

Votre site AfricaLog a eu accès au document sonore du prêche du vendredi saint de l’Imam El hadj Mamadou Saliou Camara:

«Mes frères et sœurs en Islam, le Très Haut nous commande de ne pas nous détourner des réalités d’intérêt général au point d’encourir Sa colère. Toutefois, Dieu nous invite à la patience face à certaines réalités et de trouver pacifiquement les solutions aux problèmes que nous rencontrons.

Son Envoyé, Muhammad (PSL) dit qu’on ne franchira jamais les portes du Paradis si on ne s’aime pas réciproquement. On a vu ici les politiciens monter et descendre ensemble afin d’aller vite aux élections présidentielles. Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. Cette unité était-elle de façade ? Ou bien créée pour dissuader les citoyens guinéens ?

Si vous ne faites pas attention, les citoyens vont se détourner en refusant de vous accorder leurs voix lors des prochaines échéances. Car, ils auront compris le double langage que vous leur tenez. Un fossé entre vos promesses et vos réalisations.

Chers sœurs et chers frères en Islam, Dieu a dit : "Pourquoi vous faites des promesses que vous n’êtes pas capables de tenir ?"

Nous, nous voulons l’unité des fils et des filles pour faire avancer et développer notre pays. Entendez-vous afin de développer ce pays.

Entendez-vous pour qu’on face avancer notre pays à l’image des autres pays du continent et du monde entier. Le pouvoir est un mandat de cinq ans. Si vous voulez, vous pouvez vous entendre en le confiant à quelqu’un d’entre vous. Tout cela est possible s’il y a l’entente et l’unité.

On vous voit souvent à la télévision en train de discuter des problèmes de la Guinée. On vous voit monter et descendre ensemble. Cependant, dès que quelqu’un d’entre vous a le pouvoir, il ne veut plus le contact des autres. Pourquoi ?

C’est vous qui avez dit que vous voulez être Président de la République de Guinée. Le Tout Puissant aussi a exaucé votre souhait d’être élu par les Guinéens. Donc, vous devez vous donner la main pour développer la Guinée».

Après cette parabole, l’Imam d’interpeler le Chef de l’Etat:

«Aujourd’hui, mon Professeur Alpha Condé, c’est toi le Président de la République, le père de la nation guinéenne. Tu dois appeler les autres leaders politiques pour vous asseoir autour d’une même table pour dialoguer afin de décrisper la situation sociopolitique dans le pays. Vous devez discuter des problèmes d’intérêt national pour aider les Guinéens à sortir de la crise.

Ceux qui sont à tes côtés comme Conseillers, ils ne te conseillent pas, ils t’induisent en erreur. Ils te disent de ne pas accepter le contact des autres leaders politiques. Ils te disent de ne pas dialoguer, de ne pas te donner la main aux autres. Tout cela, c’est la tromperie.

Tous ceux qui sont à tes côtés, s’ils sont patriotes, ils doivent te faire comprendre que : "c’est toi qui es le Président de la République. Hier, tu n’étais pas le Président de la République, aujourd’hui, c’est toi le chef de l’Etat, demain, ça ne sera pas toi". C’est ce qui devrait être leurs conseils vis-à-vis de ta personne».

L’Imam d’inviter à l’entente:

«Dieu a dit qu’on ne rentrera jamais au paradis si on ne s’aime pas réciproquement. Donc, il faut que l’on s’aime mutuellement pour développer ensemble notre pays.

Le prophète Muhammad (PSL) a dit qu’il y a des choses qu’on doit faire pour nous aimer entre nous. C’est pour vous dire chers compatriotes et coreligionnaires que ce pays n’ira jamais de l’avant sans le dialogue et la paix.

Quiconque vous dit que son ethnie seule peut développer la Guinée, il n’aura pas dit la vérité. Les sossos et les maninkas seuls ne peuvent développer la Guinée. Les soussous et les peulhs seuls ne peuvent pas développer la Guinée. Il en est de même pour les peulhs et les maninkas. Les kpèlès et les kissiens ne peuvent pas non plus développer seuls notre pays. Autrement dit, aucune région ne peut développer à elle seule la Guinée, quels qu’en soient la richesse, le nombre ou le pouvoir qu’elle détiendrait.

Il faut l’entente et l’unité de tous les fils de la Basse-Guinée, de la Moyenne- Guinée, de la Haute-Guinée et de la Guinée-Forestière pour développer la Guinée dans l’intérêt des Guinéens».

Il va paraphraser le Président de la République en ces termes:

«La Guinée, c’est comme une voiture à quatre roues motrices qui ne peuvent se déplacer sans les autres. Donc, celui qui dit à un Président de la République qu’il peut développer la Guinée avec une seule région, il lui aurait menti. Car, à la fin de son mandat, ce sont les mêmes personnes qui diront qu’il n’a rien fait pendant son magistère».

Face aux nominations obéissant au faciès, l’Imam de conseiller:

«Chers compatriotes et coreligionnaires, abandonnons l’ethnocentrisme et arrêtons le régionalisme, car ils ne nous mèneront nulle part. Cessez de nommer ou d’aider les personnes issues uniquement de votre région. Dieu est contre ces pratiques qui ne favorisent pas la paix dans un pays».

L’imam d’envoyer un message direct au Président de la République:

«Mes chers compatriotes et coreligionnaires, la pauvreté frappe aujourd’hui de plein fouet tout le monde. Les Guinéens souffrent depuis des années. Ils manquent de moyens pour subvenir à leurs besoins fondamentaux.

C’est pourquoi, lors de l’élection présidentielle, ils ont espéré sortir de cette misère en votant pour le candidat Alpha Condé qui est un "Professeur". Ce n’est pas tout le monde qui a un diplôme de "Professeur". Car quand on est "Professeur", c’est que l’on connait toutes les solutions pour sortir un pays de la misère et de la pauvreté.

Les Guinéens ont voté pour lui, pensant qu’il pouvait sortir la Guinée de cette crise qui n’a que trop duré. Hélas! Les Guinéens n’ont connu la misère absolue qu’après cette élection présidentielle, parce qu’aujourd’hui, on sait comment les choses se passent dans le pays et comment les Guinéens vivent pour subvenir à leurs besoins.

Aujourd’hui, tous les Guinéens le savent, qu’ils le disent ou pas, que la pauvreté et la misère ont gagné le terrain dans notre pays. Les causes de cette situation résident dans la mésentente et la désunion qu’on connait actuellement entre les populations guinéennes».

Il va poursuivre en évoquant le bilan du Chef de l’Etat:

«Le Président Alpha Condé est au pouvoir, il y a presque deux ans. Combien de routes a-t-il pu faire de 2010 à nos jours? Les Guinéens ont-ils eu de l’eau et de l’électricité ? La Guinée a-t-elle avancé?

Mes chers compatriotes et coreligionnaires, il faut avouer que depuis l’avènement du Président [Alpha Condé, ndlr] au pouvoir, rien n’a été fait dans le pays. Son pouvoir n’a rien apporté aux Guinéens. Donc, le bilan du professeur est globalement négatif.

Aujourd’hui, tout le monde compte sur les élections législatives pour la mise en place d’une Assemblée nationale afin d’éviter qu’on n’échoue encore lamentablement.

Mes chers compatriotes et coreligionnaires, Dieu demande d’être unis entre nous pour développer notre pays dans l’intérêt de tous ses habitants. Car, nous sommes tous les mêmes fils d’Adam répartis en plusieurs ethnies qui doivent se donner la main pour aller de l’avant».

Contrairement à d’autres de ses serments, ce sont ceux des autres imams de la hiérarchie qui sont diffusés et rediffusés ces jours-ci à la télévision d’Etat.

Sans commentaire.

AfricaLog.com

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