Après presque 30 ans à la tête de l'Egypte, Hosni Moubarak devrait finir ses jours en détention. L'ancien raïs a été condamné samedi à la prison à vie après la mort de centaines de manifestants lors des 18 jours du soulèvement qui l'a poussé à la démission l'an dernier.
Premier dirigeant renversé lors du Printemps arabe à être jugé dans son propre pays, Hosni Moubarak n'a en revanche pas été condamné pour corruption, à l'instar de ses deux fils, acquittés tout comme six anciens responsables de la sécurité égyptienne. Ce verdict en demi-teinte a suscité rapidement des manifestations de protestation dans les rues du Caire et d'Alexandrie.
A 84 ans, Hosni Moubarak a été reconnu coupable de complicité de meurtres et tentatives de meurtres pour n'avoir pas empêché la répression meurtrière des manifestations contre son régime, au cours desquels près de 900 protestataires ont été tués, pour la plupart abattus par les forces de l'ordre ou écrasés par des véhicules de police. L'ancien président encourait la peine de mort.
Son ancien ministre de l'Intérieur Habib el-Adly a lui aussi été condamné à la prison à vie pour les mêmes chefs. Six anciens responsables de la sécurité égyptienne ont en revanche été acquittés, parmi lesquels le général Ismaïl el-Chair, ancien chef de la police du Caire.
Hosni Moubarak comparaissait aussi pour corruption, mais les faits ont été déclarés prescrits. Ses deux fils Gamal, un temps son héritier putatif, et Alaa, un riche homme d'affaires, également jugés pour corruption, ont été acquittés. Mais un autre procès les attend, cette fois pour délit d'initiés. Ces poursuites ont été lancées quelques jours seulement avant le verdict, laissant penser a posteriori qu'elles visaient peut-être à apaiser à la colère suscitée par leur acquittement.
Caché derrière ses lunettes noires, l'ancien chef d'Etat est resté impassible lors de l'énoncé du verdict, derrière la grille de fer du box des accusés. Ses fils, les yeux cernés, semblaient nerveux, l'aîné Alaa récitant à voix basse des sourates du Coran.
Selon des responsables de la sécurité, Hosni Moubarak a ensuite fait un malaise dans l'hélicoptère qui l'emmenait vers l'hôpital de la prison de Torah dans le sud du Caire, où le procureur général a ordonné qu'il soit incarcéré. C'est là que sont détenus ses fils et des dignitaires de son régime.
D'après ces sources, Hosni Moubarak ne voulait pas descendre de l'hélicoptère et a tenté de résister.
Depuis son placement en détention en avril dernier, M. Moubarak avait été retenu dans plusieurs hôpitaux militaires, mais jamais dans un hôpital pénitentiaire. Jusqu'à l'ouverture de son procès, le 3 août dernier, il était hospitalisé dans sa station balnéaire favorite de Charm el-Cheikh sur la mer Rouge, puis à la périphérie du Caire. Ses médecins ont rapporté qu'il était dans un état de faiblesse et avait perdu du poids en refusant de s'alimenter. Il souffre également selon eux d'une grave dépression.
La télévision d'Etat avait diffusé en direct les images de l'arrivée de Hosni Moubarak, acheminé en ambulance de l'hélicoptère jusqu'à l'école de police de la périphérie du Caire transformée en salle d'audience. Vêtu d'une combinaison beige, allongé sur une civière, il tentait de protéger son visage de l'oeil des caméras.
Avant d'annoncer la sentence, le juge Ahmed Rifaat a dénoncé les "30 ans d'obscurité" du règne d'Hosni Moubarak, un "sombre cauchemar" qui n'a pris fin que lorsque les Egyptiens sont descendus dans la rue. "Ils ont demandé pacifiquement la démocratie aux dirigeants qui contrôlaient étroitement le pouvoir".
Le magistrat, qui présidait sa dernière audience avant sa retraite, a jugé qu'Hosni Moubarak et son ministre de l'Intérieur n'avaient rien fait pour empêcher les forces de sécurité de tuer des protestataires lors des premiers jours des manifestations de masse qui se sont succédées entre le 25 janvier et le 11 février 2011, date de la démission du président égyptien.
Après l'énoncé du verdict, des avocats des familles de victimes, furieux de l'acquittement des fils Moubarak et des six responsables de la sécurité, se sont mis à scander des slogans assurant que "le peuple veut nettoyer le système judiciaire". Certains brandissaient des banderoles proclamant que "le verdict de Dieu, c'est l'exécution".
A l'extérieur de l'école de police, la foule a d'abord accueilli la condamnation avec joie, certains tombant à genou pour prier, d'autres dansant, le poing levé, ou tirant des coups de feu en l'air. Mais la tension est vite montée, quelques accrochages se produisant, alors que des milliers de policiers anti-émeutes, casqués et armés de boucliers, tenaient à l'écart du bâtiment les manifestants, pour la plupart des anti-Moubarak.
Plus tard, des milliers de personnes sont descendues sur la place Tahrir du Caire, épicentre de la contestation devenu le symbole de la révolution égyptienne, et aussi dans le centre d'Alexandrie sur la côte nord. Ils dénonçaient un procès ressemblant à une "mise en scène" et l'acquittement des généraux. "Exécutez-les! Exécutez-les!", criaient les manifestants à Alexandrie.
Depuis la chute de Moubarak, les poursuites engagées contre relativement peu de hauts responsables du régime et leurs fidèles ont semblé surtout motivées par le souci de calmer l'opinion publique. Les nombreux policiers inculpés de meurtres de manifestants ont été soit acquittés, soit condamnés à des peines légères, suscitant la colère des familles des victimes et des groupes de jeunes pro-démocrates à l'origine du soulèvement.
La condamnation de l'ancien raïs est intervenue dans un climat de tensions politiques, avant le second tour de la présidentielle qui doit opposer le dernier Premier ministre d'Hosni Moubarak, Ahmed Shafiq, au candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, les 16 et 17 juin prochain. – AfricaLog avec agence