Le 2 juin, le Président guinéen Alpha Condé, devant des citoyens réunis au Palais du peuple, avait promis: «Je vous garantie que la semaine prochaine, je vais balayer beaucoup de cadres aux Finances, au Budget, à la Banque centrale et à la Fonction publique. Tous les cadres qui sont coupables de vols, non seulement ils vont être radiés, mais ils vont être sévèrement condamnés. Pendant que le peuple serre la ceinture, souffre, eux, ils veulent piller la Guinée. Comment on peut imiter la signature du Ministre des Finances pour aller sortir 13 milliards à la Banque Centrale ? » Et de réitérer sa volonté de lutter contre l’impunité: «Alors, la mafia organisée aux Finances, au Budget, à la Banque Centrale, à la Fonction publique, on va couper leur tête… Attendez, d’ici le dimanche prochain, vous verrez mes décisions. Vous savez que le Premier ministre est un imam. Il a beaucoup pitié, il m’a fatigué, fatigué. Que le Premier ministre veuille protéger ou pas, maintenant c’est son problème. Cette semaine, je vais balayer tous ces gens. Aucun cadre ne sera protégé, aucun. Si on ne met pas fin à cette mafia, que ce soit votre cousin, votre fils, votre frère, s’il est de dedans, il va partir. Et s’il a volé, il ira en prison…»
Et les Guinéens ont jubilé, espéré. Mais après une semaine, leur espoir fond comme du beurre au soleil. Au lieu que des gros bonnets perchés au sommet de l’administration, présumés coupables tombent, le Président Alpha Condé n’a pris qu’une série de décrets pour limoger en masse des cadres à la LONAGUI (Loterie nationale de Guinée), à l’Administration des Grands projets, au ministère des Finances, celui du Budget et à la Banque centrale.
Pour précision, au ministère des Finances, au Budget et à la Banque centrale, neuf agents de l’administration ont été révoqués de leurs fonctions et mis à la disposition de la Justice. Ce sont: Ousmane Camara, payeur général du Trésor, Cheick Sidibé, chef service visa du Trésor, Mohamed Fofana, chef pool comptabilité, Balla Moussa Mara, directeur adjoint de l’Agence principale de la BCRG. Mme Hadja Hawa Condé, secrétaire particulière de M. le gouverneur de la BCRG, Mathurin Millimono, directeur de la société Mill Impression, Seydouba Diakité, planton à la direction nationale des Investissements publics, El Hadj Amadou Diouldé Diallo, également planton à la direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique, Ibrahima Sory Condé de la Division d’études budgétaires de la direction nationale du Budget. Et plus d’un observateur a écarquillé les yeux du fait que ce soit un décret qui limoge un planton. Même s’il se dit qu’aux ministères des Finances et du Budget qu’il y a des plantons qui sont des patrons ayant à leur actif de nombreuses villas à travers la ville de Conakry et peut-être à l’arrière pays.
Le Président Alpha Condé avait promis de faire un «remaniement» ? Sa promesse a du mal à se concrétiser, du moins jusqu’au moment où nous mettions en ligne. Tellement les têtes qu’il a coupées sont minimes par rapport aux attentes des populations étonnées de voir des hauts responsables en liberté alors qu’ils sont présumés coupables dans l’affaire dite «des 13 milliards» de francs guinéens.
Le Président n’ignore cependant pas que les Guinéens qui lui ont confié une mission pendant 5 ans depuis son investiture le 22 décembre 2010, sont devenus exigeants. Lorsqu’on leur promet de balayer de l’administration tous les prédateurs, ils jettent leur regard autour de leur Présidence de la République, à la Primature, aux ministères, aux Directions nationales, avant de penser de loin aux plantons. C’est du sommet de la hiérarchie qu’il faudra commencer les sanctions et non à la base, estiment les Guinéens.
En tous cas, nul n’ignore que la corruption gangrène l’administration guinéenne au point qu’il y a des ministres surnommés à tort ou à raison «10% ». Du fait que sur chaque marché public, ces ministres, réclameraient 10% d’intérêt en échange de leur signature. Mais comme le décret présidentiel pour sanctionner de tels comportements se fait attendre, des ministres sont satisfaits, d’autres ont peur au point que dans un quartier de la haute banlieue Est de Conakry, l’un d’eux a été aperçu avec un taureau noir à bord de son véhicule. Le véhicule ministériel et son étrange passager ont disparu dans une villa. Deux heures après, selon des affirmations, tous les habitants dudit quartier ont été servis de gros morceaux de viande. Au crépuscule, le véhicule de son Excellence est ressorti tranquille, mais vide.
Mahamadou Issoufou, le Président nigérien a dit le 9 juin à son homologue et frère guinéen, Alpha Condé, de donner la confiance au peuple de Guinée qui n’a pas foi en ses dirigeants depuis des années. Peut-être l’attente des Guinéens ne sera plus longue. Mahamadou Issoufou s’adressant à Alpha Condé, a dit: «Je sais combien tu es attaché à ton peuple et à ses aspirations les plus profondes, lui qui a tant subi et tant souffert dans sa chaire des affres de la dictature et de l’injustice. Il te revient aujourd’hui de lui donner confiance, confiance comme il a tant besoin pour se projeter vers l’avenir... » Le Président Alpha Condé a du peut-être flairer cette déclaration de Mahamadou Issoufou, surtout qu’il sait que l’intervalle durant lequel il avait promis de sévir contre les cadres indélicats de son gouvernement, a expiré?
En tous cas, le Président Alpha Condé, pour l’occasion avait encore une fois dit au peuple de Guinée de patienter: «Aujourd’hui, les gens sont trop pressés, mais quand on a pris un Etat en déliquescence, détruit par la corruption, il faut du temps pour le redresser. C’est pourquoi les peuples doivent être patients… ».
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