Les Libyens élisaient samedi leur première assemblée nationale après des dizaines d'années de dictature sous Mouammar Kadhafi mais le scrutin a été perturbé notamment dans l'Est, foyer de la révolution, par des militants autonomistes.
Huit mois après la fin du conflit armé qui a provoqué la chute puis la mort de Mouammar Kadhafi, quelque 2,7 millions d'électeurs sont appelés à choisir les 200 membres du Congrès national général, où les islamistes espèrent remporter le même succès que leurs voisins tunisiens et égyptiens.
La Commission électorale a annoncé qu'une centaine de bureaux de vote, sur un total de 1.554, n'avaient pu ouvrir leurs portes en raison d'actes de sabotages, notamment dans l'Est.
Au total, 92% des bureaux de vote sont ouverts, a affirmé un haut responsable électoral à Tripoli, expliquant que la commission électorale cherchait des solutions pour les bureaux concernés mais que le scrutin ne serait pas reporté dans ces régions.
Les bureaux de vote resteront ouverts jusqu'à 20H00 (18H00 GMT), et les résultats préliminaires devraient être annoncés à partir de lundi ou mardi, selon la Commission électorale.
A Tripoli comme à Benghazi, les bureaux de vote voyaient passer un flot constant d'électeurs ravis de participer au premier scrutin national après plus de quarante ans de règne de Mouammar Kadhafi.
Ma joie est indescriptible. C'est un jour historique, a déclaré Fawziya Omran, 40 ans, en patientant devant le bureau de vote de l'école Ali Abdullah Warith, dans le coeur de la capitale.
Je me sens un citoyen libre, s'est réjoui Ali Abdallah Derwich, 80 ans, venu en chaise roulante.
Certains électeurs étaient venus avec les drapeaux noir, rouge et vert de la révolution, et les mosquées diffusaient à toute puissance les Allah Akbar (Dieu est le plus grand) tandis que les rues résonnaient des concerts de klaxons.
La joie était tout aussi palpable à Benghazi, malgré les appels au boycott et au sabotage du scrutin lancés par les partisans de l'autonomie.
J'ai le sentiment que ma vie a été gâchée jusqu'à présent, mais maintenant mes enfants auront une vie meilleure. Tout ce dont ils ont besoin, c'est d'une impulsion, et je crois que les nouveaux dirigeants donneront cette impulsion, a déclaré Hueida Abdul Sheikh, 47 ans, parmi les premières à aller voter.
Nouvelle période de transition
En votant dans sa ville de Baïda (est), Moustapha Abdeljalil, le président du Conseil national de transition (CNT au pouvoir) qui doit s'effacer devant la nouvelle assemblée, a estimé que la situation était excellente.
Avec 3.702 candidats et plus de 100 partis en lice, les pronostics sont difficiles, mais trois formations sortent du lot: les islamistes du Parti de la justice et de la construction (PJC), issu des Frères musulmans, ceux d'Al-Watan, dirigés par l'ex-chef militaire controversé de Tripoli Abdelhakim Belhaj, et les libéraux réunis dans une coalition lancée par l'ex-Premier ministre du CNT Mahmoud Jibril.
La semaine précédent le scrutin a été marquée par des tensions dans l'Est, qui ont culminé vendredi avec la mort d'un fonctionnaire de la commission électorale, tué par un tir à l'arme légère sur l'hélicoptère à bord duquel il se trouvait au sud de Benghazi.
Auparavant, des partisans de l'autonomie avaient sommé plusieurs importants terminaux pétroliers de l'Est de cesser leurs opérations jusqu'à la fin du scrutin.
Ils entendent dénoncer la répartition des sièges au sein de l'assemblée nationale (100 sièges pour l'Ouest, 60 pour l'Est et 40 pour le Sud).
Nous allons continuer nos manifestations jusqu'à ce samedi soir. Si les autorités ne revoient pas la répartition des sièges, nous allons envisager d'autres mesures, a prévenu l'un des leaders, Ibrahim al-Jadhran.
A 1.000 km de Tripoli, Benghazi a été pendant de longs mois la capitale de la rébellion lancée en février 2011, qui s'est transformée en conflit armé et a abouti, grâce à un appui militaire international, à la chute de Tripoli en août et à la mort de Kadhafi en octobre.
Pour tenter de calmer la colère des militants de l'Est, le CNT a ôté à la prochaine assemblée l'une de ses principales prérogatives, celle de désigner les membres du comité chargé de rédiger la future Constitution.
La composition de ce comité devrait faire l'objet d'un nouveau scrutin, et chacune des trois régions y enverra 20 membres.
En attendant, le Congrès général national sera chargé de choisir un nouveau gouvernement et de gérer une nouvelle période de transition, en prenant le relais du CNT qui devrait être dissous lors de la première session de l'assemblée. – AfricaLog avec agence