C’est pour s’enquérir de la réalité des prisons de cinq pays dont la Guinée, que la Coopération technique allemande, la GTI - ancienne GTZ - a initié un projet régional.
Ce projet dénommé «Promotion de l’état de droit et de la justice» est axé sur cinq domaines parmi lesquels la qualification du personnel judiciaire et l’appui aux réformes de la justice. La réalisation de ce projet passe par l’établissement d’un état des lieux des prisons du pays.
C’est dans ce cadre que la GIZ a appuyé financièrement l’Inspection Général des Services Judiciaires dans le but de dépêcher une mission de vérification des geôles guinéennes et voir les conditions de travail du personnel judiciaire.
La mission était conduite par l’Inspecteur général en personne et s’est rendue du 7 mai au 7 juin 2012 à l’intérieur du pays pour constater de visu l’état des cours et tribunaux mais également la situation carcérale. Conakry n’était pas concernée par cette mission.
Pour présenter les résultats de cette tournée de travail, atelier de restitution a été lancé mercredi 25 juillet 2012.
L’Inspecteur général des services judiciaires, Mamadou Dian Souaré a présenté un tableau plutôt sombre des juridictions du pays:
Situation carcérale
- prévenus criminels : 299,
- condamnés criminels : 29,
- prévenus correctionnels : 509,
- condamnés correctionnels : 443.
Situation pénale
- dossiers de flagrant délit : 1258,
- dossiers criminels : 299,
- dossiers en information : 772,
- dossiers de citation directe : 152,
- dossiers classés sans suite judiciaire : 178.
Etat des affaires dans l’ensemble des juridictions inspectées
- en matière correctionnelle : 753
- en matière civile : 540.
La mission souligne l’état vétuste des cours et tribunaux s’ils ne sont pas vandalisés par endroits ou sans archives dans d’autres. Les cellules où sont détenus les prisonniers seraient sans dossier judiciaire.
Au regard du triste constat, l’Inspecteur général a plaidé pour un renforcement des capacités de travail du personnel judiciaire comme la formation, la mise à disposition de moyens de déplacement pour les chefs des juridictions: «il apparait dès lors que les activités quotidiennes menées au sein des cours et tribunaux ont besoin d’être suivies et contrôlées par les différentes hiérarchies, en particulier par l’Inspection générale des Services judiciaires qui demeure à l’évidence, l’organe de contrôle consacré des juridictions à l’exception de la Cour suprême» a relevé l’Inspecteur général. M. Souaré a également souhaité que soient accompagnés les efforts des partenaires techniques. Il n’a pas hésité de dénoncer l’interférence des administrateurs territoriaux dans les affaires judiciaires.
Au nom du partenaire financier, Mamadou Alpha Diallo a mis en évidence l’importance de la rencontre pour la GIZ: «elle [la rencontre] nous permet de nous imprégner non seulement de l’état des lieux dans les différentes juridictions du pays mais, aussi et surtout des conditions de travail de l’Inspection générale des services judiciaires. Ce séminaire de restitution peut servir de plate-forme pour l’approfondissement de la réflexion sur la façon de travailler de l’inspection judiciaire et de voir comment enrichir et améliorer les acquis».
Il s’agira, devait inviter M. Diallo, «de se pencher sur tous les aspects abordés et de formuler des propositions. Ceci permettra de nourrir les débats et lever, sans complexe, les obstacles qui entravent la mission de l’inspection générale des Services judiciaires. Car, les décisions stratégiques du ministère de la Justice reposent certes, en grande partie, sur la qualité des informations statistiques et des recommandations pertinentes issues des inspections judiciaires».
Avant de conclure, l’orateur a souhaité l’amélioration du traitement et l’interprétation professionnels des chiffres rapportés par la mission. M. Diallo n’a pas manqué d’inviter à une prise en compte effectives des recommandations de cette rencontre pour qu’elles puissent "booster" le processus de réforme de la justice.
De son côté, l’Ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne a encouragé «le département de la Justice qui, faut-il le souligner, est confronté à d’énormes défis de modernisation, de fonctionnement et de professionnalisation de ses institutions.».
Hartmut Krausser a félicité «les services judiciaires qui, en dépit des conditions difficiles de travail, viennent de produire un document qui de référence». Il a par ailleurs réaffirmé «l’engagement de la République Fédérale d’Allemagne à accompagner la Guinée dans les domaines tels que l’Education, la Santé et l’Hydraulique» tout comme «dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité des populations guinéennes».
Pour le Plénipotentiaire allemand, son pays «prône la paix, la sécurité, les droits de la femme, de l’enfant ainsi que des personnes handicapées. Ces valeurs, constituent la clé de la stabilité politique en Guinée» a-t-il fait remarquer.
Ouvrant les travaux de l’atelier, le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, a exprimé sa «conviction» que «Seule la justice réconcilie. Seule la justice permet le pardon. Seule la justice permet de protéger le faible. Seule la justice permet de limiter le plus fort et ses excès».
Me Christian Sow s’est réjoui du fait que «l’Allemagne affiche, en dépit de la différence de langues, une volonté de coopération hardie, généreuse et efficace dans le cadre de la réforme du secteur de la justice en Guinée».
Il a ainsi salué «les efforts déployés par l’Allemagne tant au plan bilatéral que multilatéral pour appuyer la politique d’assainissement de la Justice guinéenne qui présente encore de larges et pathologies graves comme l’insuffisance de la formation du personnel judiciaire (magistrats et greffiers), les lenteurs abusives dans les règlements des affaires, la vétusté, l’exigüité voire le manque de locaux judiciaires. Pour ne citer que ces quelques maux».
S’adressant aux cadres de son ministère, Me Christian Sow a reconnu: «je sais bien que l’Etat est encore débiteur à votre endroit ; débiteur de vos conditions de travail ; mais aussi, débiteur de vos conditions de vie. Sans lesquels, vous pouvez difficilement atteindre l’excellence».
Mais, devait conseiller le Ministre de la Justice, «vos actions seraient tellement méritoires, si vous acceptez, pour ce moment, de considérer votre métier, que dis-je, votre mission, comme un sacerdoce».
Les résultats de cette tournée de l’Inspection générale des Services judiciaires devraient donc constituer le "tableau de bord" du ministère de la Justice pour la gestion efficiente des ressources humaines de ce département ainsi que pour la définition de la carte judiciaire et pénitentiaire.
Ce travail, ainsi qu’on devrait le comprendre, traduit la volonté du gouvernement guinéen de promouvoir une justice indépendante et équitable en vue de mettre en confiance et d’attirer les bailleurs et investisseurs internationaux.
AfricaLog.com