Le projet de résolution sur le Mali proposé par la France à ses partenaires du Conseil de sécurité de l'ONU presse la Cédéao et l'Union africaine de préciser dans les 30 jours les modalités d'une intervention militaire pour reconquérir le nord du pays.
Le texte, invite aussi le gouvernement malien et les rebelles touareg à "ouvrir dès que possible un processus de négociation crédible afin de rechercher une solution politique viable respectant la souveraineté, l'unité et l'intégrité territoriale du Mali".
Le secrétaire général de l'ONU devra se concerter avec la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) et l'Union africaine pour présenter dans un délai de 30 jours des "recommandations détaillées" en vue d'une intervention, notamment "un concept opérationnel" et une liste de troupes.
Le texte, qui peut encore faire l'objet d'aménagements, dénonce les violations des droits de l'homme dans le Nord et demande aux groupes rebelles de se dissocier, sous peine de sanctions, des "organisations terroristes" comme Al-Qaïda au Maghreb islamique.
Bamako a demandé officiellement à l'ONU un mandat pour une "force militaire internationale" avec un déploiement au Mali de troupes ouest-africaines qui l'aideraient à reconquérir le nord du pays, contrôlé par des extrémistes islamiques dont certains sont liés à Al-Qaïda.
Mais le Conseil de sécurité réclame en vain depuis six mois des détails sur les modalités de cette intervention (objectifs, troupes, commandement, besoins logistiques, etc.).
Une réunion se tiendra le 19 octobre à Bamako avec les principaux acteurs (Cédéao, Union africaine, Union européenne, ONU) pour tenter de mettre au point une "stratégie cohérente", selon un diplomate. Paris a promis une aide logistique à l'opération.
En attendant, le projet de résolution invite les pays membres de l'ONU et les organisations comme l'Union européenne à commencer à entraîner et équiper l'armée malienne, qui devra prendre la tête de la reconquête du Nord. La France espère une adoption de ce texte dans les prochains jours.
"Le Conseil est plutôt uni sur le Mali (..) il y a quelques ajustements à faire (sur le texte) mais pas de gros problèmes de fond", estime un diplomate européen. "Nous sommes prêts à autoriser une intervention militaire quand nous disposerons d'un concept opérationnel crédible", souligne-t-il, ajoutant cependant que "la question clé sera celle du financement".
Ce n'est que dans un deuxième temps, au mieux fin novembre, et par le biais d'une deuxième résolution, que le Conseil pourra donner son feu vert formel au déploiement d'une force qui prendra de toutes façons plusieurs mois.
Pour l'instant, il s'agit de "maintenir l'élan et de mobiliser la communauté internationale", commente un diplomate.
Dans le même ordre d'idées, l'ONU vient de nommer un envoyé spécial pour le Sahel en la personne de l'ancien chef du gouvernement italien, Romano Prodi.
C’est au moment que le Conseil de sécurité de l'ONU examine les contours de la crise malienne qu’un document de 26 pages dit rapport d’experts travaillant pour l’ONU relate que des contacts ont été établis entre des exilés proches de l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et Ansar Dine, un groupe islamiste armé du nord du Mali.
Il tend à montrer que des exilés du camp Gbagbo, défait en avril 2011 après une crise post-électorale de quatre mois ayant fait quelque 3.000 morts, cherchent des appuis dans la région pour déstabiliser le régime d'Alassane Ouattara à Abidjan. Selon le document, ils pilotent et financent également depuis le Ghana des attaques meurtrières menées ces derniers mois en Côte d'Ivoire.
Une réunion entre un membre du camp Gbagbo et un représentant d'Ansar Dine s'est tenue "à la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal, pour discuter d'une possible coopération future en vue de menacer la paix et la sécurité dans la sous-région et de fournir une possible assistance technique militaire au moyen de mercenaires", indique le rapport, qui fait état d'échanges de textos.
Ansar Dine est l'un des groupes islamistes armés alliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui ont pris le contrôle du nord du Mali à la suite du coup d'Etat militaire du 22 mars à Bamako.
Par ailleurs, "fin juin 2012, une réunion a eu lieu dans un camp militaire à Bamako" entre des représentants des exilés pro-Gbagbo et des membres de l'ex-junte militaire malienne, dont son chef, le capitaine Amadou Haya Sanogo, affirment ces experts.
Les putschistes maliens, toujours influents, ont fait part à cette occasion de leur "intérêt" à soutenir des opérations de déstabilisation qui affaibliraient la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et son président en exercice, M. Ouattara, selon le rapport, qui souligne aussi une "fréquente" circulation d'armes à la frontière ivoiro-malienne.
Le Ghana est également ciblé : des exilés pro-Gbagbo - nombreux dans le pays - y ont mis en place un "commandement stratégique" et de là "planifient" et "financent" des attaques commises dans leur pays, avancent les experts.
Le 12 juillet 2012, une réunion s'est tenue à Takoradi (sud du Ghana), où plusieurs groupes de partisans de l'ancien régime "ont décidé d'unir leurs efforts" pour reprendre le pouvoir en Côte d'Ivoire, expliquent-ils.
Parmi les personnalités qui seraient impliquées dans le financement du "réseau" figure, selon le document, le porte-parole de l'ancien président, Justin Koné Katinan, en détention au Ghana et visé par une procédure d'extradition. Charles Blé Goudé, qui fut le chef des "patriotes" (un mouvement de jeunesse pro-Gbagbo), est également cité, avec d'autres.
Interrogé par, le ministre ghanéen de l'Information, Fritz Baffour, a mis en doute la "véracité" du rapport. En visite à Abidjan début septembre, le président ghanéen John Dramani Mahama avait assuré que son pays ne servirait pas de "base arrière" pour déstabiliser son voisin.
Enfin, l'est du Liberia est devenu "une plateforme de recrutement et une base arrière" dotée de camps d'entraînement pour des groupes armés pro-Gbagbo, alertent les experts.
La Côte d'Ivoire connaît depuis août son plus grave regain de tension depuis la fin de la crise, avec une série d'assauts meurtriers contre les forces de sécurité, notamment dans l'Ouest - frontalier du Liberia - et à Abidjan. Le régime Ouattara a accusé le camp Gbagbo, qui dément.
Les exilés pro-Gbagbo ont condamné en termes virulents le rapport. Bernard Houdin, conseiller spécial de M. Gbagbo, a dénoncé une "manipulation grossière" et assuré que son camp rejetait toute "aventure subversive". Charles Blé Goudé a fustigé un "programme d'éradication des pro-Gbagbo".
Il faut rappeler que président de la Cédéao Alassane Ouattara et le médiateur de la crise malienne, Blaise Compaoré ont proposé un plan militaire de conquête du Mali qui a été rejeté par les Etats-Unis et l’Algérie. – AfricaLog avec agence