Blaise Compaoré célèbre lundi ses 25 ans à la tête du Burkina Faso depuis le coup d'Etat du 15 octobre 1987, mais son régime est suspendu à la question lancinante de sa succession en 2015 et s'inquiète de la grave crise au Mali voisin.
Aucune manifestation officielle n'est prévue par le pouvoir et ses partisans pour ce quart de siècle, alors que des festivités avaient marqué les 20 ans. "C'est sûr qu'une fête privée sera organisée", confie toutefois un proche de la famille Compaoré.
En revanche, les fidèles de Thomas Sankara prévoient conférence de presse, dépôt de gerbes et discours dans un cimetière de Ouagadougou.
Arrivé au sommet de l'Etat par un putsch en 1983, le "père de la révolution" a été tué lors du coup d'Etat de 1987 qui a porté au pouvoir celui qui était son ami et compagnon d'armes, le capitaine Blaise Compaoré.
"Jusque-là, toutes les actions en justice ont été annihilées par le régime Compaoré, parce que toute vérité sur la mort de Sankara signe la fin du régime", affirme un haut magistrat requérant l'anonymat.
Devenu un symbole pour beaucoup de jeunes Africains, le charismatique Sankara et son tombeur Blaise Compaoré "dormaient sur la même natte mais n'avaient pas les mêmes rêves", résume Jonas Hien, président de la Fondation Thomas Sankara.
Son successeur, qui entendait "rectifier" la révolution sankariste "démocratique et populaire", s'est imposé en 25 ans comme l'homme fort du pays. Il se flatte d'avoir été l'artisan d'une "renaissance démocratique" en restaurant le multipartisme dans les années 1990, même si l'opposition - qui a crié à la fraude à la dernière présidentielle - reste d'une faiblesse criante.
Il a su reprendre les choses en main, à commencer par l'armée, mais une lourde incertitude plane sur "le pays des hommes intègres" (Burkina Faso, en langues locales), où la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté même si l'or constitue depuis peu une manne inespérée pour une économie très fragile.
A 61 ans, celui que ses compatriotes surnommaient le "beau Blaise" entretient le plus grand flou sur ses intentions, alors que son dernier mandat doit expirer en 2015.
Réviser la Constitution pour concourir encore dans trois ans? L'option a été ouvertement soutenue par son parti, mais a suscité l'ire de l'opposition et d'organisations de la société civile.
La question demeure. "Les Burkinabè nous ont sondés récemment sur ce qu'on penserait d'une révision", indique un diplomate français, qui précise que l'ex-puissance coloniale cherche à décourager un tel projet dans l'ancienne Haute-Volta.
La classe politique burkinabè se demande de plus en plus si le président Compaoré n'a pas une autre idée: mettre sur orbite son frère cadet François, son indispensable conseiller économique, en vue de lui confier en 2015 les clés du palais de Kosyam.
Cité dans l'affaire de l'assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998, pour lequel il n'a jamais été inquiété, François Compaoré est entré cette année à la direction du parti et est candidat aux législatives de décembre, tandis qu'ont été mis à l'écart des caciques du régime.
Blaise Compaoré "a remis le parti à son frère pour lui servir de piédestal dans la dévolution du pouvoir", avance le politologue et opposant Abdoulaye Ouédraogo.
Mais, ces temps-ci, le président burkinabè a un problème d'une autre ampleur.
Incontournable médiateur régional ces dernières années, il affronte son dossier le plus difficile au Mali, dont le Nord est depuis six mois aux mains d'islamistes armés alliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
M. Compaoré veut accélérer l'ouverture d'un dialogue toujours au point mort chez son voisin. Dans l'espoir d'éviter une intervention armée ouest-africaine au Mali, qu'il redoute mais pour laquelle il a promis des troupes. – AfricaLog avec agence