La démission de David Petraeus, contraint d'abandonner son poste de directeur de la CIA à la suite d'une relation adultère, met un terme brutal et inattendu à la carrière prestigieuse d'un général renommé qui s'était illustré à la tête des troupes américaines en Afghanistan et en Irak.
Sa démission soudaine a secoué Washington. Salué comme le sauveur de la guerre en Irak, David Petraeus était le général américain le plus connu de la dernière décennie et son nom était même cité parmi les possibles présidentiables du parti républicain.
David Petraeus a reconnu avoir eu une liaison extraconjuguale et adressé jeudi une lettre de démission au président des Etats-Unis, Barack Obama qui l'a accepté le lendemain. Selon plusieurs responsables américains qui ont requis l'anonymat, il aurait eu une liaison adultère avec sa biographe Paula Broadwell, officier de réserve de l'armée américaine. Le FBI a découvert cette relation extraconjuguale en surveillant les emails du directeur de la CIA, d'après deux de ces responsables. Le bureau fédéral soupçonnait Broadwell d'avoir eu accès au compte mail personnel de David Petraeus.
Dans un communiqué, Barack Obama a tenu à souligner ses "extraordinaires services rendus aux Etats-Unis pendant des décennies". "Je suis entièrement confiant dans le fait que la CIA va continuer à exécuter sa mission essentielle avec succès", a poursuivi le Président des Etats-Unis.
L'intérim à la tête de la CIA sera assuré par l'adjoint de David Petraeus Michael Morell, l'un des hommes clés de la CIA à la Maison Blanche qui avait conseillé le président George W. Bush lors des attentats du 11 septembre 2001.
Cette démission intervient à un moment très sensible pour la CIA. L'agence fédérale et l'administration Obama ont eu fort à faire pour défendre l'action de la sécurité et du renseignement avant l'attaque du consulat américain de Benghazi qui a coûté la vie à quatre Américains, dont l'ambassadeur des Etats-Unis en Libye, le 11 septembre dernier. David Petraeus aurait dû témoigner la semaine prochaine à huis clos lors d'auditions devant le Congrès américain destinées à éclaircir le rôle et les manquements éventuels de la CIA dans cet épisode tragique. Michael Morell devrait vraisemblablement le remplacer lors de cette audition.
Petraeus, qui a eu 60 ans mercredi, est marié depuis 38 ans à Holly Petraeus qu'il avait rencontré lorsqu'il était élève officier à l'académie militaire de West Point (New York). Ils ont deux enfants dont l'un a servi en Afghanistan.
Holly Petraeus est connue pour son travail auprès des familles de soldats américains. Elle avait rejoint dernièrement un bureau spécialisé dans l'aide aux militaires ayant des problèmes financiers.
Dans un communiqué, le général à la retraite a estimé qu'il avait fait preuve d'un "manque extrême de discernement" en s'engageant dans cette relation extraconjugale. "Un tel comportement est inacceptable, à la fois en tant que mari mais aussi en tant que dirigeant d'une organisation comme la nôtre", a-t-il ajouté dans un communiqué adressé à son personnel.
Du côté de l'administration Obama, on précisait que la Maison Blanche avait été informée de l'affaire mercredi, lendemain de la réélection de Barack Obama. Le président fraîchement réélu, rentré de Chicago dans la soirée, n'a pas été tenu au courant avant jeudi matin.
Pour le directeur de la CIA, une relation extraconjugale est considérée comme une sérieuse atteinte à la sécurité nationale et une vraie menace pour le contre-espionnage. Si un gouvernement étranger avait eu vent de l'affaire, Petraeus et Broadwell auraient pu devenir la cible privilégiée de chantage. Des magistrats militaires américains estiment que des relations extraconjugales peuvent fonder d'éventuelles poursuites devant une cour martiale.
Petraeus, qui était devenu directeur de la CIA en septembre 2011, était considéré comme le sauveur de la guerre en Irak, qui avait permis aux Etats-Unis de sortir de l'enlisement. Ses qualités de commandant avait été saluée récemment dans un article de Newsweek écrit par Paula Broadwell elle-même, co-auteur de sa biographie, "All in : The Education of General David Petraeus." Cet article énumérait les "règles de vie" de Petraeus. "Nous faisons tous des erreurs. La clé est de les reconnaître et d'apprendre de ces erreurs, continuer à avancer et éviter de les refaire", pouvait-on lire en règle numéro 5.
James Clapper, directeur du renseignement national, a regretté "la perte d'un des serviteurs les plus respectés de notre nation". "Dans l'armée ou aux commandes de la CIA, Dave a redéfini ce que veut dire servir et se sacrifier pour son pays".
Petraeus n'est pas le premier directeur de la CIA à démissionner. Dans les années 90, Jim Woosley s'en était allé après la découverte d'une taupe du KGB. Et John Deutch avait dû démissionner après avoir avoué garder des informations classifiées dans son ordinateur personnel. – AfricaLog avec agence