Au terme d'une longue audition qui aura duré douze heures, Nicolas Sarkozy s'est vu notifier le statut de témoin assisté par les juges bordelais chargés du dossier Bettencourt, échappant ainsi à une mise en examen qui aurait entaché son éventuel retour dans la vie politique française.
"C'est pour moi une victoire de la justice avant d'être la victoire d'un homme. Il n'y a pas de convocation prochaine", a déclaré sur RTL, l'avocat de M. Sarkozy, Me Thierry Herzog. "J'allais presque dire que c'est déjà, je l'espère, une affaire qui n'existait pas et qui n'existe plus". "C'est la fin judiciairement des soupçons, des mises en cause dans la presse, qui n'avaient aucun fondement". Les juges ont répondu "qu'il serait témoin assisté" dans cette procédure, a-t-il insisté. Ce statut de témoin assisté est un statut intermédiaire entre le simple témoin et le mis en examen. L'avocat a affirmé au passage que Nicolas Sarkozy est celui qui "n'avait rendu qu'une visite à Mme Bettencourt" à la différence "d'un certain nombre de personnalités politiques qui s'y rendaient beaucoup plus fréquemment que lui".
Sur BFM-TV, Patrick Balkany, député-maire de Levallois-Perret, a dit avoir eu au téléphone l'ancien président après son audition. "Il était content", a-t-il assuré, et avant il était "serein".
Après cette audition-marathon, l'ancien président de la République a quitté peu avant 21h40 le palais de justice de Bordeaux où il était arrivé à 9h15. Nicolas Sarkozy est sorti du palais de justice assis à l'arrière d'une voiture Espace, accompagné de Me Thierry Herzog. Sous le crépitement des flashes des photographes, les nombreux journalistes présents ont pu le voir au téléphone, les traits tirés.
Dans un bref communiqué, rendu public vingt minutes plus tard, le parquet de Bordeaux a fait savoir que M. Sarkozy avait été entendu de 9h30 à 21h30 par les trois juges d'instruction saisis de l'information judiciaire ouverte pour abus de faiblesse, abus de confiance aggravés, escroqueries aggravées au préjudice de la milliardaire Liliane Bettencourt, héritière de L'Oréal.
Ceux-ci cherchent à vérifier si la campagne présidentielle de M. Sarkozy a pu être éventuellement financée de façon occulte par des fonds provenant de la famille Bettencourt. Expertise médicale à l'appui, la justice considère que Mme Bettencourt n'avait plus toute sa lucidité à compter de l'automne 2006.
L'enquête a démontré que l'ancien gestionnaire de fortune des Bettencourt, Patrice de Maistre, mis en examen dans ce dossier, a fait rapatrier entre 2007 et 2009 quatre millions d'euros en espèce d'un compte suisse des milliardaires.
Une partie de cet argent aurait pu ensuite, selon les enquêteurs, être remise à M. Woerth, alors trésorier de l'Association de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy. Eric Woerth a été mis en examen pour recel d'abus de faiblesse dans ce dossier.
La comparaison des agendas de MM. de Maistre et Woerth, montre que le premier a reçu 400.000 euros le 5 février 2007. Deux jours plus tard, il rencontrait Eric Woerth, alors trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy.
L'ancien ministre du Travail, Eric Woerth, qui fut le trésorier de l'UMP et le trésorier de l'Association de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, a réfuté tout financement occulte. Au juge jean-Michel Gentil, qui lui demandait le 22 octobre s'il avait pu remettre à M. Sarkozy des espèces provenant de l'argent rapatrié de Suisse des Bettencourt, Eric Woerth a répondu par la négative.
M. Sarkozy conteste s'être rendu à plusieurs reprises au domicile des Bettencourt à Neuilly-sur-Seine, ville dont il était maire. Il reconnaît, agenda à l'appui, s'y être rendu le 24 février 2007.
Les juges cherchent également à déterminer dans quelle mesure l'exécutif a pu intervenir dans le dossier judiciaire lorsque celui-ci était chapeauté par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, présenté comme un proche de l'ancien président. Les deux hommes se sont rencontrés au moins à huit reprises entre septembre 2008 et mars 2009 à des moments clefs de l'affaire.
Plusieurs protagonistes du dossier, dont l'ancien conseiller en justice de M. Sarkozy à l'Elysée, ont justifié l'intérêt du chef de l'Etat pour l'affaire Bettencourt qui risquait de déstabiliser le pacte d'actionnaires du groupe L'Oréal, détenu à majorité par les Bettencourt.
Cette audition marathon de M. Sarkozy s'est déroulée sur fond de crise à l'UMP, après l'élection de Jean-François Copé à la présidence de ce parti, contestée par François Fillon. La médiation proposée par le maire de Bordeaux, Alain Juppé, afin de sortir le parti de la crise, a été acceptée par les deux bords.
Elle intervient également au moment où le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur les sondages commandés par l'Elysée à la société Publifact de l'un des conseillers de l'ancien président, Patrick Buisson. - AfricaLog avec agence