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L’industrialisation condition de développement en Afrique?

Nov 23, 2012
L’industrialisation condition de développement en Afrique?

 
Par Emmanuel Martin

Le 20 novembre est célébrée la journée de l’industrialisation de l’Afrique. L’industrialisation est traditionnellement prônée sur la base de l’argument qu’elle est le meilleur atout pour sortir les populations de la pauvreté. Dans quelles conditions ? Et, est-ce toujours vrai ?

Cette thèse remonte à l’idée d’industrie industrialisante (Gérard De Bernis)
elle-même largement inspirée de celle de pôle de croissance (François
Perroux) ayant des effets d’entraînement sur les autres secteurs. L’idée,
développée plus avant notamment par Nicholas Kaldor, est que les secteurs
industriels jouissent naturellement de fortes économies d’échelle : le
potentiel de hausse de productivité – et donc, in fine, de développement -
est bien plus élevé que pour le secteur tertiaire par exemple. L’exemple de
l’Allemagne ou des dragons asiatiques illustre facilement le propos.

Pour autant, un élément essentiel du développement économique est le climat
des affaires qui permet (ou pas, s’il est mauvais) aux entreprises
d’émerger. Il est aussi un facteur explicatif de l’attraction des
Investissements Directs Étrangers qui peuvent être un facteur
d’industrialisation du pays.

Malheureusement bien souvent en Afrique, l’économie de rente a tendance à
bloquer l’instauration d’un climat relativement sain des affaires. Cela est
vrai de la rente des ressources naturelles qui, par la « malédiction des
ressources » qu’elle génère, garantit malheureusement bien souvent la
mauvaise gouvernance, la corruption et la pauvreté pour la majorité, exclue
du gâteau de la rente. Cela est aussi vrai de la rente issue d’un
quasi-monopole de quelques grandes entreprises entre les mains du pouvoir
politique : en étouffant ainsi la concurrence et en assurant l’inefficacité
d’un secteur protégé, on s’interdit en définitive l’industrialisation tant
désirée, qui est –rappelons-le – un processus « schumpétérien » reposant sur
l’émergence de nouvelles entreprises spécialisées.

Un point rarement soulevé est celui de la question même de
l’industrialisation de l’Afrique comme source de développement. Cette
réflexion irait évidemment un tant soit peu à l’encontre de l’idée de cette
journée, mais il convient d’en évoquer la substance.

En effet, il pourrait être problématique de se focaliser uniquement sur
l’industrialisation : elle n’est peut-être pas l’unique recette du
développement. Le développement est fondé sur la capacité à créer de la
valeur (à travers toute la population). Et l’industrie n’est pas la seule
source de création de valeur. En Afrique, l’exemple du Zimbabwe avant les
réformes de 2000 – et le contre-exemple de la destruction du secteur après
ces réformes - semble montrer que l’agriculture a un effet très positif sur
le développement. En Nouvelle Zélande, le développement de l’agriculture a
permis le développement industriel agroalimentaire. Au Luxembourg, ce sont
très majoritairement les services (plus de 85%) qui tirent l’économie du
pays jouissant du premier PIB per capita de la planète selon la Banque
mondiale (2011).

Plus profondément encore, la mondialisation des échanges aujourd’hui fait
qu’un T-Shirt n’est plus, en dépit de l’étiquette, Made in China ou Made in
USA, mais Made in the World. La fragmentation des processus de production à
l’échelle mondiale fait que la production des différentes composantes,
matérielles et immatérielles (services), sont réparties à travers la planète
en fonction de ce que les acteurs dans les différents pays peuvent offrir.
Voilà donc une chance unique pour les africains de se saisir d’opportunités
dans les chaines de valeurs mondialisées, en matière de production
extra-industrielle. Mais il faut, là aussi, au minimum, un climat des
affaires accueillant.

Dans cette nouvelle configuration de la division internationale du travail,
si se focaliser sur « l’industrialisation » consiste en des stratégies des
années 50 – de planification centralisée qui plus est, alors cette stratégie
est vouée à l’échec. Elle a échoué en Algérie par exemple dans les années
60, et elle échouera d’autant plus dans le monde du vingt-et-unième siècle.

Avant l’industrialisation en tant que telle, le développement en Afrique
passe avant tout par sa libération : état de droit et climat sain des
affaires. L’industrialisation suivra - si elle doit suivre.

 

 

 

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