La journaliste soudanaise Loubna Ahmed al-Hussein a été condamnée lundi pour le port jugé "indécent" d'un pantalon, mais sans écoper des 40 coups de fouet prévus par une loi décriée devant la cour par une centaine de manifestants réprimés par la police.
La journaliste a été condamnée par la cour de Khartoum-Nord à verser une amende de 500 livres soudanaises (200 USD). En cas de non paiement, elle devra purger une peine d'un mois de prison, ont indiqué à la sortie du tribunal des témoins aux journalistes, qui n'ont pas eu accès à la salle d'audience. "Je ne vais pas payer l'amende, je préfère aller en prison", a dit Mme Hussein à l'AFP par téléphone. Ses avocats ont toutefois déclaré qu'ils tentaient de la convaincre de s'exécuter. Plus d'une centaine de personnes se sont rassemblées en matinée devant le tribunal dans le centre de Khartoum pour soutenir la jeune femme. "Liberté, liberté", scandaient des manifestants, alors que d'autres brandissaient des pancartes sur lesquelles était écrit "Non à la flagellation". Un dispositif de sécurité renforcé était déployé devant le tribunal. Les policiers ont interdit aux photographes et aux caméramans de filmer la manifestation. Criant "Allah Akbar", des islamistes ont infiltré la manifestation et s'en sont pris verbalement à des partisans de Loubna Hussein. Munis de boucliers et de bâtons, des policiers ont frappé des manifestants, dispersé la foule et arrêté une quarantaine de femmes, selon un correspondant de l'AFP. "Nous sommes 48 à avoir été arrêtées. Certaines d'entre nous sont blessées et l'une saigne", a déclaré Hadia Hassabala, jointe sur son téléphone portable après son arrestation. Les 48 personnes arrêtées ont plus tard été relâchées, a indiqué à l'AFP Yasser Arman, haut responsable du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, ex-rebelles sudistes). Loubna Hussein mène un combat contre l'article 152 du code pénal soudanais de 1991, entré en vigueur deux ans après le coup d'Etat de l'actuel président Omar el-Béchir et qui prévoit une peine maximale de 40 coups de fouet pour quiconque "commet un acte indécent, un acte qui viole la moralité publique ou porte des vêtements indécents". Or, soutient la journaliste devenue activiste, cet article viole la Constitution soudanaise et l'esprit de la loi islamique (charia) en vigueur dans le Nord du Soudan, majoritairement musulman. "Cette loi est mauvaise. Il n'est pas dans nos traditions et notre comportement à nous, peuple soudanais, de flageller les femmes", a soutenu une autre manifestante. Loubna Hussein écrivait des billets pour le journal al-Sahafa (La Presse) et travaillait à la section médias de la mission des Nations unies au Soudan (Unmis) au moment où elle avait été arrêtée. La jeune femme a quitté ce poste et refusé d'invoquer l'immunité diplomatique. Elle a reçu plusieurs appuis à l'étranger dans son bras de fer contre l'article 152, mais sa cause ne défraye pas la chronique dans la presse locale malgré quelques manifestations en sa faveur. "Nous ne sommes pas autorisés à mentionner le nom de Loubna", a déclaré à l'AFP le rédacteur en chef d'un important journal à Khartoum, soulignant que ce dossier "embêtait" les autorités. L'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International a exhorté ce week-end les autorités soudanaises à abroger la loi. "Cette loi est rédigée de telle sorte qu'il est impossible de savoir ce qui est décent ou indécent", ce qui laisse place à l'arbitraire des policiers, ajoute l'organisation, qualifiant cette loi de "discriminatoire". - AFP