Le Sénégal a symboliquement "repris" dimanche, cinquante ans jour pour jour après son indépendance, sa souveraineté sur les bases militaires françaises installées à Dakar, qui accueillent quelque 1.200 hommes, mais les négociations se poursuivent avec l'ex-puissance coloniale.
Cette décision "historique" mais sans grand effet concret à court terme, annoncée samedi soir dans un discours à la Nation par le président Abdoulaye Wade, est très symbolique pour un pays marqué par 350 ans de présence française et qui fut la plus première colonie française au sud du Sahara.
Dakar constitue une des trois installations permanentes de l'armée française en Afrique, avec Libreville et Djibouti.
Les troupes sénégalaises, accompagnées d'un contingent français, ont défilé en grande pompe dimanche dans la capitale sur le Boulevard du Général de Gaulle à l'occasion de la fête de l'indépendance et en présence de plusieurs chefs d'Etat africains.
Au passage des militaires français, la foule n'a manifesté aucun sentiment particulier, ni acclamation ni sifflet. Mais plusieurs Sénégalais ont exprimé leur volonté de voir partir les militaires français, comme Ousmane Fall, un maçon de trente ans.
"Je veux que les militaires français partent. Autrement, c'est comme si le Sénégal n'avait pas d'armée (nationale) pour assurer sa sécurité", a-t-il assuré.
"Maintenant que nous sommes indépendants, ils doivent partir. S'ils restent (au Sénégal), c'est comme si nous étions toujours colonisés" par la France, a renchéri Ass Mbow, un agent de sécurité d'une vingtaine d'années.
La France était représentée au défilé par son ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux et son ambassadeur à Dakar Jean-Christophe Rufin.
"Le point de presse de M. Hortefeux, initialement prévu le dimanche 4 avril à 18 heures (...), est annulé", a toutefois indiqué l'ambassade de France, sans donner d'explication. Selon l'entourage du ministre à Paris, cette décision est liée aux propos du président Wade sur les bases françaises.
Pour le président Wade, le fait de conserver des bases militaires, terrestre, aérienne et navale au Sénégal, un des rares pays du continent à n'avoir jamais connu de coups d'Etat, "a paru de plus en plus incongru et a été souvent ressenti (...) comme une indépendance inachevée".
"Je déclare solennellement que le Sénégal reprend à partir de ce jour 4 avril à 00H00 (locales et GMT) toutes les bases (militaires) antérieurement détenues sur notre sol par la France et entend y exercer sa souveraineté qui repose sur la présente déclaration", a-t-il poursuivi.
Mais selon plusieurs sources françaises, la question de la souveraineté ne se pose pas, car les terrains sont restés sénégalais, n'ont jamais été propriétés de la France mais seulement mis à sa disposition.
Lors d'une visite en Afrique du sud en février 2008, le président français Nicolas Sarkozy avait annoncé qu'il allait renégocier tous les accords militaires de la France sur le continent, jugeant que "l'Afrique (devait) prendre en charge ses problèmes de sécurité".
Le président sénégalais avait alors peu apprécié que cette annonce ait été faite depuis l'Afrique du Sud.
Après l'annonce présidentielle sénégalaise, "les discussions se poursuivent", a très vite réagi auprès de l'AFP à Paris le porte-parole du ministère français de la Défense Laurent Teisseire.
En février, les deux capitales s'étaient entendues pour fermer ces installations. Paris veut à la place créer un "pôle de coopération militaire à vocation régionale" mais avec seulement 300 militaires. Aucun calendrier de retrait n'a officiellement été communiqué. - AFP