Créateur et promoteur de la « négritude », Aimé Césaire l'est. Ce mouvement littéraire qui a vu le jour à Paris dans les années 30 à la faveur de sa rencontre avec Senghor et Damas. En 1932, les écrivains martiniquais se révoltent contre la poésie française qu'ils considèrent comme surannée et publient une revue révolutionnaire « Légitime Défense », grand cri nègre dans laquelle ils revendiquent leur identité culturelle. Deux ans plus tard, ils dénoncent la ségrégation raciale et revendiquent leurs droits à la dignité et à la culture négro-africaine dans « L'étudiant noir ». « La négritude est la simple reconnaissance du fait d'être noir et l'acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture », clarifie Aimé Césaire. Ces jeunes étudiants noirs, que sont Léopold Sedar Senghor, Birago Diop, Aimé Césaire, Ousmane Socé, Léon Gontran Damas venus d'Afrique et des Antilles, mobilisés en France sont à l'origine du concept littérature négro-africaine. Déployée à travers le monde et concernant toute la diaspora noire, elle s'est officialisée à la fin de la première guerre mondiale dans le Harlem où les noirs, en l'occurrence Marcus Garvey remettent en question l'assujettissement des noirs par la race blanche.
Rencontres
Issu d'une famille rejetée à l'écume de la société, extrêmement misérable, fils de petit fonctionnaire et d'ouvrière, Aimé Césaire qui voit le jour le 25 juin 1913 à Basse pointe en Martinique trime dur et réussit au concours des bourses au lycée Schoelcher de Fort-de-France. Dans lequel il fait la connaissance en terminale de Léon Gontran Damas, avec qui il lie de sincères amitiés. Il se rend en France après son baccalauréat, fréquente au lycée Louis le Grand où il retrouve son vieux camarade du lycée Schoelcher, Senghor, et Ousmane Socé. Ensemble, ils mettent sur pied une réflexion sur le sort du nègre colonisé. Puis fondent « Légitime Défense », journal qui ne paraît qu'en un seul numéro, car interdit par les autorités françaises qui le trouvent très violent. En 1935, le défenseur de la cause noire entre à l'école normale supérieure et contribue à l'éclosion de la négritude. Il en sort malheureusement les mains vides, après avoir échoué son agrégation de lettres. A la veille de la 2e guerre mondiale, Césaire rentre en Martinique et rencontre André Bretton, chef de file du mouvement surréaliste français qui renforce sa tendance surréaliste. Parallèlement il enseigne au lycée Schoelcher où élèves et professeurs lui vouent un respect ineffable. A la suite de la libération de la France, le promoteur de la négritude retourne à Paris comme député de la Martinique à l'Assemblée nationale française. Il démissionne du parti communiste français en 1956 par la fameuse « Lettre à Maurice Thorez ». Depuis lors, il participe à divers festivals internationaux et défend la cause des noirs. Chef de son parti, il est aussi maire de Fort-de-France.
Ecrivain pluridimensionnel
La négritude césairienne est essentiellement révolutionnaire et tournée vers l'avenir. Il mène une activité culturelle appréciable. Et se présente comme l'un des écrivains les plus respectés et les plus étudiés à travers le monde. Il dénonce l'esclavage, l'europeocentrisme. En 1995 et 1997, les 187 Etats membres présents à la conférence générale de l'Unesco ont tenu à ce que ses œuvres soient le ferment qui alimente l'ensemble des programmes de l'organisation. Ecrivain pluridimensionnel et prolixe, l'homme s'est essayé au théâtre et à la poésie : Cahier d'un retour au pays natal (1939) ; Les armes miraculeuses (1946) ; Soleil cou coupé (1948) ; Corps perdu (1949) ; Ferrements (1960); Cadastre (1961). Moi Laminaire (1982) ; Et les chiens se taisaient (1956) ; La tragédie du roi Christophe (1963) ; Une saison au Congo (1967) ; Une tempête (1969) ; Discours sur le colonialisme (1955, essai) ; Toussaint Louverture (1962, oeuvre historique) ; Oeuvres complètes ; Lettre à Maurice Thorez. Depuis sa Martinique natale, Aimé Césaire avançait modestement : « je crois honnêtement avoir contribué à remettre le peuple martiniquais sur le chemin de la liberté, de la dignité et de la responsabilité. C'est ma contribution à l'histoire ». Aimé Cesaire est mort le 17 Avril 2008 à Fort-de-France
Extrait du "Cahiers du Retour au Pays Natal"
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir …Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... » - AfricaLog