Près de quatre décennies après sa disparition, les véritables causes de la mort du principal opposant au régime marocain Mehdi Ben Barka, demeurent inélucidées. Un flou juridique, entretenu aussi bien par les autorités marocaines que françaises continue de persister. Tout au plus, on ne connaît que la version rapportée par le quotidien français Le Monde et l'hebdomadaire marocain Le Journal. Après plusieurs mois d'enquêtes et de recherches approfondies. Selon elles, l'opposant exilé au Caire ou à Genève, qui se savait en danger de mort fut attiré à Paris par ses ravisseurs sous un grossier prétexte. Sollicité pour servir de « Conseiller » à un film sur la décolonisation, intitulé "Basta", Ben Barka avait accepté le rendez-vous avec les promoteurs du projet cinématographique au Drugstore, sur le boulevard Saint-Germain.
Le Vendredi 29 octobre 1965 à 12h30, Ben Barka est interpellé devant la brasserie Lipp par deux policiers français au service des commanditaires marocains. Il fut torturé à mort dans une villa de Fontenay-le-Vicomte par le Général Oufkir, alors ministre de l'Intérieur de Hassan II et par son adjoint, le commandant Dlimi. Son corps fut ensuite acheminé vers Orly, transporté au Maroc et dissous dans une cuve remplie d'acide.
Militantisme
Né en 1920 à Rabbat, de Ahmed , un père « fait tout », Ben Barka s'inscrit d'abord à l'école coranique comme il est de tradition, avant d'intégrer l'école française grâce au concours d'un notable de la région. Il gravit très rapidement les échelons et se retrouve au Collège puis au lycée Gouraud de rabat où il décroche son Bac mathématiques en 1938. Parallèlement, il adhère au Parti national sans que l'on ne sache exactement ce qu'il voulait vu son adolescence. Au bout du compte, c'est un Ben Barka intrépide en politique et en études qu'on voit naître.
Il parvient à obtenir sa licence en mathématiques-physique à la Faculté d'Alger en 1942. Qui lui ouvre la porte de l'enseignement. Il dispense les cours au Collège Royal de Rabat et retrouve dans sa classe le futur roi du Maroc, Hassan II. Auparavant, son militantisme le conduit à la vice-présidence de l'AEMAN (Association des Etudiants Musulmans d'Afrique du Nord). A plusieurs reprises, il est incarcéré par l'administration coloniale qui lui reproche non seulement son activisme au sein de l'Istiqlal, principal parti national marocain, mais son appartenance à l'armée de libération nationale du Maroc (ALN).
Après l'indépendance du Maroc en 1956, Mehdi Ben Barka se brouille avec Allel el Fassi, chef de l'Istiqlal, pour divergences de vues. En collaboration avec Abderrahmane Bouabid, il fonde l'UNFP (Union Nationale des Forces Populaires). Les ruptures se poursuivent. Son chemin et celui de Mohamed V, puis de Hassan II ne se croiseront plus.
En 1960, il est l'un des pères fondateurs de la Tricontinentale, mouvement afro-asiatique, anti-impérialiste. Il recommande ouvertement l'abolition du « régime féodal et personnel ». En 1962 au congrès de l'UNFP, il conseille la solidarité avec la « Révolution algérienne ». Lorsque déclenche la guerre Algérie-Maroc, Ben Barka est déclaré persona non grata, ennemi du peuple marocain. Hassan II décrète l'état d'urgence et fait arrêter 5000 militants du leader de l'opposition qui se réfugie à Alger et rencontre Che Guevara.
Le 22 Novembre 1963, il est condamné à mort par contumace pour complot et tentative d'assassinat contre le roi. Commence alors sa descente aux enfers qui le conduit tour à tour au Caire, Rome, Genève. C'est au cours d'une de ses péripéties que la machine à broyer marocaine mise sur pied par les autorités parvient à le faire sortir de sa cachette et à l'écraser, par un stratagème bien huilé. Aujourd'hui, sa famille revenue au Maroc après trente quatre ans d'exil crie sur tous les toits pour que la lumière soit faite sur cet assassinat d'un opposant devenu trop gênant. - AfricaLog