Amadou Toumani Touré ne briguera pas un troisième mandat. L’ultime mission du soldat de la démocratie est de s’assurer une paisible succession dans une élection qui s’annonce très ouverte.
L’hypothèse d’un troisième mandat a été rapidement écartée après les conclusions de la réflexion sur la démocratie qu’il avait confiée à Daba Diawara, qui laissent en l’état l’article 30 de la Constitution qui stipule que le mandat du président de la République est de cinq ans, renouvelable une fois. Le compte à rebours pour la fin de l’ultime mandat de ATT a donc commencé. Il n’est qu’à mi-mandat, mais le temps lui est désormais compté. Tous les acteurs politiques n’ont plus d’yeux que pour la succession, et l’autorité du président s’en ressent forcément. Le temps du bilan sonne ainsi avant l’heure. Son bilan se jaugera d’abord à l’aune de la politique, de la vie institutionnelle du Mali, la porte par laquelle il est entré dans l’histoire du Mali en mars 1991 en mettant un terme à la répression sanglante et au régime du président Moussa Traoré. Général charismatique, auréolé du statut de tombeur de la dictature, peu le voyaient rendre le pouvoir aux civils, comme il s’y était engagé. Invariablement, il répondait aux questions sur ses ambitions pour le Mali : « Réussir ma mission de neuf mois pour mettre en place les bases de la démocratie, organiser la Conférence nationale en juin, faire en sorte que le Mali ait une Constitution démocratique, organiser les élections dans la transparence et la dignité. Puis, pour couronner le tout, défiler, le 20 janvier 1992, anniversaire de l’armée, devant un président de la République régulièrement et dignement élu, avant de retourner à la caserne. » Cheikh Modibo Diarra, le mythique ex-astrophysicien de la NASA, ne cache plus ses ambitions. Pari tenu. Mais nul n’ignorait qu’il reviendrait le moment venu. Ce ne fut pas à la fin du premier mandat de son successeur Alpha Oumar Konaré en 1997, alors que plus rien, constitutionnellement ne s’y opposait. Y a-t-il eu un deal avec lui ? La suite des événements semble le corroborer. En 2002, alors qu’il ne peut plus se présenter, Konaré ne soutient aucun des candidats de son parti, divisé il est vrai, contre ATT. Ce ne fut pas pour rien dans la victoire difficile contre le candidat officiel du parti. Plébiscite Le jugement des Maliens sur ATT est dans sa réélection dès le premier tour en 2007 avec 71,20% des suffrages. Un vrai plébiscite pour un président sans parti politique qui a réussi la prouesse de réunir pratiquement toute la classe politique autour de lui. La réussite politique du « soldat de la démocratie » ATT est donc incontestable. Il a réussi à préserver la démocratie malienne. La rébellion s’est de nouveau emparée de la région de Kidal, au nord-est en mai 2006, mais sa responsabilité personnelle n’est pas en cause. Il a même réussi, en calmant les ardeurs des va-t-en-guerre, à signer plusieurs accords. Alger le 4 juillet 2006 et Tripoli le 2 avril 2008. Rien ne permet de croire qu’ils connaîtront un meilleur sort que ceux de Tamanrasset du 6 juin 1991 ou du Pacte national du 11 avril 1991.
Course ouverte Il lui reste néanmoins un ultime obstacle à franchir dans son parcours, passer le flambeau à son successeur. En l’absence d’un président sortant, la course s’avère particulièrement ouverte. La classe politique rumine encore ses défaites de 2002 et 2007 face au « sans-parti ». Ils fourbissent leurs armes depuis. A commencer par Ibrahim Boubacar Keita, IBK, défait à deux reprises. Premier ministre de Konaré pendant six années, l’avenir du pays lui semblait promis jusqu’à sa rupture avec son ancien compagnon à qui il avait succédé à la tête du parti ADEMA en septembre 1994, pour ne le quitter qu’en octobre 2000 afin de créer, le 30 juin 2001, le Rassemblement pour le Mali (RPM). Sa lourde défaite à la présidentielle en 2007, puis aux législatives, semble hypothéquer la suite de sa carrière politique. Autre prétendant déclaré, l’homme du deuxième tour de 2002. Présenté par son tombeur à la présidence de la commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), Soumaïla Cissé semble également avoir passé un marché avec lui. Il lui avait laissé porte ouverte en 2007, en escompte, probablement, d’un renvoi d’ascenseur. Après le timide soutien de l’ADEMA en 2002, il en avait claqué la porte pour créer en 2003 l’Union pour la république et la démocratie (URD). De Ouagadougou, il veille sur son destin présidentiel. Un Mouvement des démocrates pour ce destin est déjà né qui estime que « son expérience politique, sa connaissance de l’appareil d’Etat, son sens du patriotisme, sont autant d’atouts qu’il est important de mettre au service de son pays ». L’actuel Premier ministre, Modibo Sidibé, ne dit encore rien officiellement. Mais, Premier ministre d’un président sortant, l’ambition de lui succéder vient naturellement et ses partisans se multiplient et travaillent déjà pour lui. Sans-parti Hors des partis politiques, les candidats se multiplient aussi. Ils misent sur la désaffection des 12 millions de Maliens pour les partis, ainsi que le laisse croire la double victoire d’ATT. Cheikh Modibo Diarra, le mythique ex-astrophysicien de la NASA, ne cache plus ses ambitions. « J’ai toujours fait de la politique. Au sens étymologique du mot, politique veut dire résoudre les problèmes de la cité... Rien ne m’interdit de briguer la magistrature de mon pays ». Il peut déjà compter, en plus de sa réelle aura, sur les partisans de l’ancien chef de l’Etat, Moussa Traoré, dont il a épousé la fille. Autre prétendant, Soumana Sacko. Un autre mythe. Rigoureux ministre des Finances sous Moussa Traoré, il avait démissionné avec fracas. Pendant la transition, il s’est imposé presque naturellement comme Premier ministre. Ecarté de la course pour la présidentielle de 1992, il avait fondé, sans succès, un parti en 1997, la Convention parti du peuple (CPP). Rentré au pays, il se rappelle au bon souvenir de ses compatriotes en initiant des actions citoyennes. Reste à savoir s’il saura retrouver son aura oubliée. – Les Afriques