Le pouvoir camerounais a tenté de transformer en évènement majeur les fêtes du cinquantenaire de l'indépendance du pays, mais les célébrations ne semblent pas susciter de réel engouement dans la population.
Les autorités se sont montrées assez ambitieuses avec l'organisation d'une conférence internationale, un défilé plus grand que les parades annuelles ou des évènements qui se poursuivront jusqu'à fin 2011 pour marquer aussi le cinquantenaire de la "Réunification" du pays.
La "Réunification" a eu lieu en 1961, lorsque se sont regroupées la zone francophone et la partie sud de la zone britannique (la partie Nord avait choisi d'intégrer le Nigeria). Ex-protectorat allemand, le Cameroun avait été placé en 1919 sous mandat français pour sa partie orientale, et britannique pour l'occidentale. La France lui accorde son indépendance le 1er janvier 1960, après cinq ans de guerre contre les nationalistes.
Le programme officiel de ces "Cinquantenaires" peine cependant à gagner l'adhésion du grand public. Un des organisateurs d'un des spectacles tenu mi-mai a révélé à l'AFP avoir dû payer des étudiants 1.000 F CFA (1,5 euro) par personne pour que la salle soit remplie.
Pour le défilé de la fête nationale du 20 mai, marquant le point culminant des manifestations, les mesures de sécurité liées à la présence des chefs d'Etat -une dizaine étaient présents- n'ont pas permis d'en faire un évènement populaire.
Les populations ne se sentent pas forcément concernées notamment "parce qu'il y a des problèmes réels, liés à la pauvreté, à la mauvaise gestion des ressources, qu'on a éludés", témoigne un enseignant et haut fonctionnaire ayant requis l'anonymat.
"On a fait venir des gens pour la conférence de Yaoundé" --Africa 21, qui a rassemblé mardi et mercredi à Yaoundé de nombreuses personnalités internationales-- "sous prétexte que comme il y a la paix, tout va bien", dit-il.
"Pour les cinquantenaires des indépendances africaines, il y a eu concertation au niveau africain (des Etats) mais pas à l'intérieur des pays sur la question", ajoute-t-il.
La célébration de l'événement est devenue "une affaire des élites", estime le directeur d’une grande école, également sous couvert de l'anonymat.
"Il y a un problème spatial, dans la mesure où on n'a pas suffisamment décentralisé", estime-t-il. Un de ses collègues acquiesce: "si à Yaoundé la célébration des cinquantenaires est perceptible, ailleurs dans le pays, ça paraît lointain".
Pour le sociologue Christian Bios, "l'implication ne peut être que fonction de la position sociale de chacun. L'appropriation est fonction du niveau d'instruction des uns et des autres. Certains vont se sentir impliqués à cause du pagne des cinquantenaires (tissu spécialement imprimé à l'occasion de l'événement), d’autres en raison de l’histoire personnelle de leurs parents".
Il relève néanmoins que certains peuvent s'impliquer en raison des défis que cette célébration permet de remettre sur la table: "la lutte contre la pauvreté et le chômage", mais aussi "la stabilité future".
Elise Mballa Meka, intellectuelle, promotrice culturelle, défend l'action du gouvernement: "Les Africains ont aussi besoin de parler de leurs problèmes (...). Pendant deux jours (le temps de la conférence), le monde a été focalisé sur le Cameroun. C'est important. Les générations futures retiendront qu'il y a eu Africa 21".
Les musiciens camerounais se sont aussi rassemblés pour une chanson, dont le clip montre notamment des images d'archives de héros de l'indépendance et certaines atrocités commises. - AFP