La situation est de plus en plus confuse à Madagascar, où la mutinerie s'étend au sein des forces de sécurité et des soldats dissidents encerclent la résidence du Premier ministre.
Dans un message à la radio nationale, jeudi, le président Marc Ravalomanana a exhorté l'armée et la police à "assumer leurs responsabilités" dans la lutte de pouvoir qui l'oppose à l'opposition et a fait 135 morts depuis le début de l'année. Les mutins rassemblés devant le siège du gouvernement ont déclaré négocier avec les gardes du corps pour que soit investi un nouveau Premier ministre désigné par le chef de l'opposition Andry Rajoelina. Le bras de fer entre Ravalomanana et Rajoelina s'est doublé ces derniers jours d'une situation incertaine au sein de l'état-major, au point que personne ne sait plus exactement qui contrôle les forces de sécurité. Mercredi, le leader d'une mutinerie s'est proclamé chef d'état-major de l'armée, écartant de cette fonction le général Edmond Rasolomahandry qui avait donné à la classe politique trois jours pour résoudre la crise. Dans la soirée, l'entourage de Rajoelina a semblé approuver pour la première fois l'action des mutins, disant : "Les forces de sécurité ont pris leurs responsabilités et n'ont pas voulu souiller leur honneur militaire par des actions de répression." L'AMBASSADEUR AMÉRICAIN ALARMISTE Le chef de la gendarmerie a apporté jeudi son soutien aux mutins. "Nous travaillons avec l'armée et la police nationale avec le nouveau chef d'état-major de l'armée. La priorité est de rétablir l'ordre", a déclaré le général Pily Gilbain. Prié de dire si la gendarmerie interviendrait contre des manifestants civils, il a répondu : "Les protestations populaires sont des protestations politiques. Nous, les forces armées, ne sommes pas politiques, nous ne nous mêlons pas de politique." "Notre priorité est de rétablir l'ordre public. J'appelle les forces de sécurité à assumer leurs responsabilités, à protéger la population, et à le faire dans la dignité", a pour sa part déclaré le chef de l'Etat à la radio nationale. Lundi soir, l'Onu a placé sous sa protection dans une résidence diplomatique Andry Rajoelina, entré dans la clandestinité voici quelques jours de crainte d'être arrêté. Les médiateurs espéraient organiser ce jeudi un tête à tête entre le chef de l'Etat et Rajoelina mais ce dernier a refusé d'y participer. "Le dialogue a été reporté en raison de problèmes de dernière minute", a commenté le médiateur des Nations unies, Drame Tiebile, sans autres détails. L'ambassadeur des Etats-Unis, qui a estimé que le pays était "au bord de la guerre civile", encourage ses diplomates et ressortissants à quitter l'île. La crise secoue depuis décembre une île qui est la quatrième du monde par les dimensions et dont la croissance économique dépend du tourisme ainsi que des investissements extérieurs dans l'exploration de ses vastes réserves pétrolières et minières. Beaucoup de Malgaches estiment toutefois que les retombées de la croissance engrangées sous la présidence de Ravalomanana ne leur ont pas profité. Rajoelina, ancien disc-jockey de 34 ans passé à l'action politique, a capitalisé sur ce mécontentement. Le président Ravalomanana, magnat de l'industrie laitière aujourd'hui âgé de 59 ans, a qualifié Andry Rajoelina de fauteur de troubles. Le chef de la mission de l'Union européenne à Madagascar, Jean-Claude Boidin, a prévenu que tout coup d'Etat aboutirait à une suspension immédiate de l'aide au pays. "Ce n'est pas une possibilité, c'est une règle fixée par les accords de Cotonou." A Antananarivo, sur la place du 13-Mai, épicentre des révoltes populaires depuis l'indépendance de la France en 1960, les boutiques sont restées fermées. – Reuters