Après la tension, l'heure est à l'apaisement entre leaders ivoiriens mais le déblocage du processus électoral reste à confirmer et la présidentielle n'en finit plus de se faire attendre après ses reports en série depuis 2005.
Les images étaient belles: le président Laurent Gbagbo rendant visite la semaine dernière à son prédécesseur Henri Konan Bédié, puis lundi dernier à l'autre grand opposant, l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara, c'était la consécration du "dialogue direct interivoirien", selon des médias locaux.
Ces tête-à-tête inhabituels ont fait naître l'espoir d'une relance du processus électoral, qui avait calé en début d'année pour cause de controverse autour de la Commission électorale indépendante (CEI). La dissolution de la CEI en février par le chef de l'Etat, qui l'accusait de "fraude" sur la liste des votants, avait plongé le pays dans la tourmente.
L'élection est attendue depuis la fin du mandat de M. Gbagbo en 2005 pour clore la crise née du putsch manqué de 2002, qui a coupé le pays en un sud loyaliste et un nord contrôlé par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN).
Les récentes rencontres au sommet "décrispent la situation", souligne auprès de l'AFP une source diplomatique occidentale.
Le rendez-vous avec M. Bédié survenait dans un climat tendu par l'annonce par la jeunesse d'opposition de manifestations le 15 mai à Abidjan et dans le pays.
La marche devait servir à réclamer une date pour le scrutin, mais certains allaient jusqu'à souhaiter chasser M. Gbagbo du pouvoir, faisant craindre une confrontation, voire un bain de sang.
Finalement, les deux opposants et leaders du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ont annoncé le "report" sine die de la manifestation.
Mais la potion est amère pour la jeunesse RHDP, désavouée par ses "aînés" et livrée à la colère d'une base très remontée.
Autant de bonnes nouvelles pour Laurent Gbagbo, qui pourra accueillir sereinement les assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) fin mai. Une échéance majeure pour Abidjan, qui aspire à récupérer le siège de l'institution, délocalisé à Tunis après 2002.
Si le tête-à-tête Gbagbo/Ouattara est venu renforcer le sentiment d'apaisement, un observateur prévient: gare à "l'illusion lyrique"!
Il reste à confirmer que la machine électorale a bien redémarré.
Après des mois de blocage, le processus a enfin repris cette semaine. Mais la relance du traitement des contentieux sur la liste électorale provisoire dite "grise" - quelque 1,033 million de "cas litigieux" ayant à prouver leur nationalité - est encore timide et partielle.
Le plus dur reste cependant à venir: formaliser un accord sur la liste "blanche" (5,3 millions d'inscrits). Elle semblait au départ plus consensuelle, mais le camp présidentiel exige qu'elle soit "nettoyée" des "fraudeurs", alors que la question de la nationalité reste explosive.
"On est arrivé à l'heure fatidique", observe une source proche de l'exécutif, jugeant impossible de fixer une date pour l'élection tant que ces obstacles n'ont pas été franchis.
Laurent Gbagbo a promis le scrutin pour 2010. Octobre, qui le verrait boucler son deuxième "mandat", est dans tous les esprits. Mais certains, jusque dans l'entourage du Premier ministre et chef des FN Guillaume Soro, en doutent déjà...
D'ici là, un autre défi est à relever: celui de la réunification, avec notamment l'encasernement des éléments FN qui n'ont été ni démobilisés ni reversés dans des brigades mixtes.
Prévu à Korhogo (nord), le lancement du regroupement est annoncé comme imminent depuis des semaines. Très coûteuse, l'opération doit être achevée deux mois avant l'élection. - AFP