Au Guatemala, Sandra Torres, candidate en lice au second tour de l'élection présidentielle dimanche, espère bien devenir le nouvel exemple d'une tendance marquante, ces dernières années, en Amérique Latine: la montée au pouvoir des Premières dames. En Argentine, en Uruguay, au Honduras ou encore au Pérou, d'autres Premières dames ont déjà été considérées comme exerçant le véritable pouvoir, dans l'ombre de leurs époux, explique l'analyste Luis Linares, de l'Association d'enquêtes et d'études sociales (Asies). Cette tendance est aussi présente aux Etats-Unis où l'ancienne Première dame, Hillary Clinton, est candidate à l'investiture démocrate pour les prochaines élections présidentielles américaines. Dans le cas de Mme Torres, 60 ans, qui jouera son destin politique dans les urnes dimanche, à l'occasion d'un second tour l'opposant au comédien Jimmy Morales, les racines politiques sont profondes. Elle appartient à une famille où la politique a toujours été présente, et avait déjà manifesté cette vocation avant de se marier avec l'ancien président Alvaro Colom, dont elle a divorcé pour pouvoir légalement se présenter. Contrairement à la candidate guatémaltèque, les autres Premières dames de la région doivent leur ascension "à l'omnipotence de leurs maris, qui n'avaient confiance en personne pour laisser le pouvoir, à part au cercle familial", estime Luis Linares. "Sandra, déjà avant d'être Première dame, avait son avenir politique en tête, c'est pour cela qu'elle a pris un rôle important et qu'elle figurait dans le gouvernement de son mari", où elle était en charge des programmes sociaux, précise-t-il. Mais le politologue guatémaltèque Renzo Rosal estime que l'importance des Premières dames dans la région émane aussi d'un "courage et d'une bravoure" qui leur a permis de sortir d'un système dominé par les hommes. "L'élément important c'est qu'elles ont cessé d'avoir des rôles symboliques et elles ont pris le devant de la scène, et pour cela il fallait de l'ambition politique" ajoute-il. Pour lui, cette sortie de l'ombre trouve sa source il y a plus de cinquante ans en Argentine avec Eva Peron et a trouvé un nouveau souffle avec l'actuelle présidente Cristina Kirchner. La charismatique dirigeante argentine est arrivée au pouvoir en succédant à son mari Nestor Kirchner en 2007, avant d'être réélue pour un second mandat en 2011. Au Nicaragua, Rosario Murillo, l'épouse du président Daniel Ortega, est considérée comme la personne la plus importante du gouvernement et son mari admet volontiers qu'il partage 50% du pouvoir avec elle. Même si pour le moment, une candidature de la Première dame n'a pas été évoquée, des proches du gouvernement expliquent à demi-mot qu'elle exerce son pouvoir comme un Premier ministre avec des attributions étendues, donnant les orientations à suivre. Elle est également le porte-parole officielle du gouvernement et très peu de sujets échappent à son contrôle. Au Pérou, l'épouse du président Ollanta Humala se démarque aussi, jouissant d'une grande popularité et se plaçant déjà comme une candidate sérieuse pour succéder à son mari en 2016. Elle ne nie pas ses ambitions présidentielles, mais les récentes accusations de blanchiment d'argent à son encontre pourraient freiner son ambition. "Les hommes ont gouverné pendant des années, et les hommes ont été accusés de corruption et d'inefficacité, donc une femme, dans l'imaginaire latinoaméricain, concentre ce vote anti-politique", souligne Marcio Palacios, directeur de l’École de sciences politiques de l'université de San Carlos, à Guatemala. La population "croit au concept de la femme plus disciplinée, plus engagée, qui possède les qualités politiques que l'homme n'a pas su démontrer durant le temps qu'il a passé au pouvoir", précise l'universitaire. Le renforcement de l'option féminine en politique "est également un message pour la lutte contre le racisme, la discrimination et le machisme dans la région". Le cas Clinton aux États-Unis "est un cas à part, parce que là-bas il existe une tradition d'héritage dans l'accession au pouvoir, ce n'est pas le cas au Mexique ni plus au sud", ajoute M. Palacios. Selon lui, les femmes d'Amérique Latine se sont élevées grâce "à leur capacité à diriger, à la lutte et au militantisme. C'est cela qui a ouvert la brèche pour accéder à l'espace politique". Et dans cette région pourtant réputée machiste, trois femmes sont déjà présidentes: en Argentine, au Chili et au Brésil. – AfricaLog avec agence