En décidant de diffuser sur les réseaux sociaux des photos de jeunes disparus, la police de Washington était loin d'imaginer que cela déclencherait une folle rumeur sur fond de tensions raciales.
Les avis de recherche officiels ont été mis en ligne sur Twitter autour de la deuxième semaine de mars: ils concernent quelques adultes mais principalement des adolescents et des adolescentes. Les filles sont majoritairement noires, souvent âgées de 13 à 15 ans. Pour chacune est mentionné le dernier endroit où elle a été vue.
La police municipale de la capitale américaine a expliqué avoir choisi une stratégie dynamique de recours à internet «afin de capter immédiatement l'attention du public pour les jeunes portés disparus».
Cet objectif peut sembler avoir été atteint si on considère le tumulte généré par ces tweets, agrégés ensemble et repostés des centaines de milliers de fois.
Les choses ont toutefois dévié vers le «fake news», si envahissant depuis la campagne électorale de Donald Trump, quand les échanges ont commencé à évoquer des enlèvements, la traite des êtres humains et un soi-disant silence volontaire des médias.
L'émotion a été portée à son comble par un message publié sur Instagram, annonçant faussement: «14 filles noires ont disparu à DC en 24 heures». Le district de Columbia (DC) est l'autre nom de Washington.
Dès lors les réseaux sociaux se sont littéralement emballés, cette affirmation erronée se propageant comme un feu de paille avec les mots clés #BringBackOurGirls (Ramenez nos filles), #MissingDCGirls (les cialisfrance24.com filles disparues de DC) ou #FindOurGirls (Retrouvez nos filles).
«La traite des êtres humains et l'esclavage sexuel sont omniprésents. Ne présentez pas nos disparues de Washington comme des fugueuses afin d'éviter de les rechercher», a tweeté Bernice King, la fille de Martin Luther King.
Plusieurs joueurs des Wizards de Washington, l'équipe de basket-ball de la capitale fédérale, ont également repris sur leur compte Instagram la fausse information, lui offrant une formidable caisse de résonance. Ou encore Chris Paul, autre vedette de la NBA des Clippers de Los Angeles, dont le compte Twitter a 6 millions d'abonnés.
Entre psychose et réalité, ces appels se sont propagés sur un terreau fertile: de nombreux Afro-Américains sont convaincus qu'une vie noire ne bénéficie pas de la même attention qu'une vie blanche en Amérique, notamment quand la police est en cause.
Le Metropolitan Police Department de Washington s'est donc retrouvé dans l'oeil du cyclone. La semaine dernière, une réunion publique dans un quartier noir a été houleuse.
Les Noirs représentent le premier groupe de population de la capitale, avec 48% du total des habitants, devant les Blancs (36%) et les Hispaniques (10%).
Le groupe des élus afro-américains du Congrès a de son côté demandé que le FBI s'implique dans les recherches. Le procureur général des États-Unis Jeff Sessions est au courant de la requête, a indiqué son porte-parole.
Accusées de chercher à dissimuler un scandale ou de ne pas en faire assez, les autorités de Washington ont tenu vendredi une conférence de presse.
«Le nombre de personnes portées disparues n'augmente pas», a assuré Chanel Dickerson, responsable de la jeunesse au sein de la police municipale.
De fait, les statistiques montrent une relative stabilité du nombre de mineurs portés disparus à Washington, autour de 2200 à 2400 chaque année. Mais les enlèvements sont rarissimes par rapport aux fugues. Environ 95% des dossiers sont clôturés, les personnes étant localisées ou rentrées chez elles.
Ainsi, en 2017 à Washington, sur 523 disparitions de mineurs ayant fait l'objet d'une enquête, seulement 13 restent non résolues.
La mairesse de Washington, Muriel Bowser, a cependant annoncé vendredi la création d'une unité spéciale chargée de déterminer l'aide sociale dont pourraient bénéficier les enfants fugueurs. Elle a promis de renforcer le nombre de policiers spécialisés dans la recherche des disparus.
«Nous ne disposons pas de preuves que ces cas soient liés à la traite des êtres humains», a voulu rassurer Mme Bowser.
«Tous les faits recensés en 2017 sont des enfants qui ont fui leur domicile», a-t-elle précisé sur MSNBC, en réfutant tout kidnapping.
Emballement infondé ou pas, certaines organisations comme le National Center for Missing & Exploited Children ont en tout cas salué un coup de projecteur bienvenu sur le problème des enfants disparus. – AfricaLog avec agence