On avait cru, certainement à tort, que le dossier BSGR devrait connaître très prochainement un dénouement heureux avec la rencontre annoncée entre le Président Alpha Condé et le milliardaire israélien Beny Steinmetz, patron de la société incriminée, BSGR.
En effet, dans une déclaration rendue publique le lundi, 10 mars 2014, le Ministère de la Justice a exprimé sa reconnaissance «aux États-Unis d'Amérique, et en particulier aux procureurs du ministère de la Justice et aux enquêteurs du Federal Bureau of Investigation (FBI)». Et pour cause. Les structures judiciaires de ce pays sont parvenues à obtenir les aveux du citoyen français Frédéric Cilins qui plaide finalement coupable «face à une accusation d'entrave à la justice, admettant qu'il avait offert de l'argent à un témoin (une dame) qui avait accepté de coopérer pour qu’elle puisse quitter le pays et éviter ainsi de répondre aux questions du FBI».
Il y a quelques semaines, deux agents guinéens [le Vice-président, Ibrahima Sory Touré “IST" et le chargé de la sécurité, Issiaga Bangoura] de BSGR étaient provisoirement remis en liberté suite à des démarches héroïques de leurs avocats qui avaient même menacé d’ester l’Etat en justice. Mais, le chargé de communication du Ministère de la Justice s’est empressé à dire ce mardi 11 mars 2014, que «Cela n’influence point le travail des magistrats qui sont chargés de faire découvrir la vérité». Ibrahima Béavogui a ajouté que «le Ministère de la Justice s’est inscrit dans la logique de sauvegarde du patrimoine de la Guinée. Ce qui explique la pleine coopération avec les institutions judiciaires américaines», l’a-t-il soutenu pour conclure.
De son coté, un des avocats d’IST, Me Momo Sakho joint au téléphone par AfricaLog ce mardi 11 mars 2014, se montre très serein et affirme que cette sortie du Ministère de la Justice «n’a aucun rapport avec nos clients». Par rapport au fait que Frédéric Clins ait plaidé coupable, Me Sakho soutient que «Les documents ne sont pas opposables à BSGR car, il [Frédéric Cilins ; NDLR] n’a pas reçu de mandat spécifique de BSGR».
Me Momo Sakho se veut catégorique: «Nos clients n’ont rien à y voir». Il explique l’acte d’inculpation qui avait suivi l’arrestation et la mise en taule, des mois durant, d’Ibrahima Sory Touré et Issiaga Bangoura: «Ils sont inculpés pour avoir été corrompus selon l’Etat. Alors qu’ils n’en sont pas fonctionnaires. L’infraction qui leur est reproché est donc, impossible». C’est ce qui explique, d’après lui, «le non- lieu pur et simple qui est demandé par la défense en leur faveur».
Sur un autre plan, Me Momo Sakho réagit à la recommandation du Comité technique de revue des titres et conventions miniers (CTRTCM) d’annuler les droits miniers de BSGR en Guinée: «C’est un non sens ! Il n’y a pas de titre d’exploitation sur le Simandou. D’ailleurs, BSGR est à la phase de recherche. Tout ce qu’on peut faire, en l’état actuel des choses, c’est de refuser le titre d’exploitation à la société. Techniquement le CTRTCM ne peut rien faire. C’est une aberration, c’est tout. C’est de la désinformation qu’ils sont en train de répandre. Et puis, c’est par rapport à quelle convention?», s’interroge l’avocat, dépité.
Leurs arrestations avaient fait suite à l’interpellation aux USA, le 14 avril 2013, de celui qui vient de passer aux aveux après avoir tout nié jusque-là .
AfricaLog propose ce "Statement", autrement dit, la déclaration du Ministère de la Justice de la République de Guinée. Déclaration faite en français et en anglais:
« Lutte contre la corruption : Le Ministère de la Justice guinéenne remercie les États-Unis pour leurs efforts décisifs pour clarifier l’affaire Simandou.
Dans une déclaration publiée aujourd'hui [lundi, 10 mars 2014 ; NDLR], le Ministre guinéen de la Justice, Maître Cheik Sakho, a déclaré: «La République de Guinée exprime à nouveau sa vive gratitude aux États-Unis d'Amérique, et en particulier aux procureurs du ministère de la Justice et aux enquêteurs du Federal Bureau of Investigation (FBI), pour le niveau élevé de professionnalisme dont ils font preuve dans l’enquête sur les allégations de corruption entourant l'octroi de licences pour les blocs 1 et 2 de Simandou. Ils viennent à nouveau d’effectuer d’importants progrès dans leurs efforts pour déterminer la vérité dans cette affaire et confondre les suspects devant la Justice».
Cette déclaration intervient après un développement majeur dans l’affaire Simandou. Plus tôt, dans la journée [du lundi, 10 mars 2014 ; NDLR], Frédéric Cilins, un ressortissant français qui a été arrêté aux Etats-Unis le 14 avril 2013 et accusé de subornation de témoin, d’entrave à la justice et de tentative de destruction de preuves relatives à une enquête fédérale sur la corruption, a plaidé coupable face à une accusation d'entrave à la justice, admettant qu'il avait offert de l'argent à un témoin (une dame) qui avait accepté de coopérer pour qu’elle puisse quitter le pays et éviter ainsi de répondre aux questions du FBI.
Les procureurs fédéraux ont convenu de recommander une peine d'emprisonnement de 36 à 47 mois, ainsi qu’une amende et la confiscation des biens.
Les accords dans le cadre de la reconnaissance de culpabilité sont communs dans les procédures de la justice pénale américaine. Ils permettent à un accusé qui plaide coupable d’éviter un procès. M. Cilins doit être condamné le 27 juin. Les recommandations des procureurs ne seront pas contraignantes pour le juge pour la condamnation.
Les détails de cet accord ont été communiqués lors d'une audience devant la Cour de district de Manhattan aujourd'hui.
Les Etats-Unis jouent un rôle de premier plan dans la lutte mondiale contre la corruption d'agents publics depuis l'introduction de la Foreign Corrupt Practices Act de 1977. «Cette affaire démontre le leadership et la vigilance permanente des États-Unis dans cette lutte», a déclaré Me Sakho. «Nous nous réjouissions de pouvoir soutenir nos homologues américains dans cet effort, et prévoyons de poursuivre ce soutien».
Selon Me Sako, «la transparence et la lutte contre la corruption sont essentielles pour les réforme mises en place par le Gouvernement guinéen. Il ne fait aucun doute que ces efforts ne peuvent réussir sans une coopération internationale forte. Nous saluons vivement, une fois de plus, le soutien sans relâche des Etats-Unis dans la lutte contre la corruption et la promotion de la transparence en Guinée. Ces mesures se font à la faveur de l’Etat de droit et d’un développement des ressources naturelles guinéennes qui profite le plus au peuple de Guinée ainsi qu’aux investisseurs respectueux des lois».
La Guinée a effectué une transition démocratique en 2010, après 50 ans de régimes autoritaires et de corruption. Depuis l'élection du premier Président démocratiquement élu Alpha Condé, la Guinée a engagé des réformes essentielles pour promouvoir la transparence, l’Etat de droit et attirer les investisseurs.
Le Ministère de la Justice se réserve de tout autre commentaire du fait des procédures pénales en cours.»
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