Au regard de la nouvelle donne créée par le refus de Conakry d’accepter le rapatriement massif de ses compatriotes en situation irrégulière en Belgique, la tension a semblé monté notamment du côté de Bruxelles qui ne semble pas comprendre, donc accepter le "rétropédalage" des autorités guinéennes.
L’argument que ne cesse de brandir la Belgique, selon Mme Els Cleemput, porte-parole et Conseillère de presse de la Secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration Maggie De Block qui était en mission à Conakry, «les 3 et 4 février dernier, le Président Alpha Condé avait dit qu’on pouvait rapatrier les Guinéens en situation irrégulière s’ils sont clairement identifiés comme étant des Guinéens».
C’est ainsi que, 27 de nos compatriotes, après avoir été déboutés de leur demande d’asile et formellement identifiés comme étant des Guinéens, ont été déclarés "personae non gratta" sur le territoire belge et retenus en situation d’être expulsés sur Conakry à bord d’un avion militaire.
Et pour cela, Mme Els Cleemput affirme haut et fort, que ces ressortissants guinéens «en situation irrégulière seront expulsés d’une façon ou d’une autre malgré ce refus des autorités de Conakry». Surtout que, selon elle, «Lors de notre séjour à Conakry, il y a eu une commission technique belgo-guinéenne qui a travaillé sur les modalités techniques de l’expulsion de ces Guinéens. La partie guinéenne était d’accord sur toute la procédure».
Accusation ou révélation, elle affirme également que lors de ce séjour, «Je me souviens avoir rencontré le Ministre Sow [Sanoussi Bantama, Ministre Délégué aux Guinéens de l’Etranger ; NDLR] et j'ai travaillé avec lui, il était même d'accord sur la procédure de rapatriement. Quand nous avons été en Guinée, toutes les autorités avec lesquelles nous avons eu à travailler, étaient toutes d’accord sur la procédure».
La Secrétaire d'État à l'Asile et la Migration Maggie De Block a fermement soutenu que «le refus guinéen ne remettait pas en cause la politique de rapatriements par vols collectifs». Elle a même menacé que «si les accords passés ne sont pas respectés, nous envisagerons des mesures» et que «La politique des visas pour le pays d'Afrique de l'Ouest risque ainsi d'être revue».
Face donc, à la tournure ainsi prise, suite à la décision de Conakry, Bruxelles a convoqué l’ambassadeur de Guinée en Belgique. Selon la presse belge qui a rapporté les propos du diplomate guinée, Dr Ousmane Sylla aurait parlé de «divergences de vues en interne». Une façon d’atténuer l’acte de son gouvernement afin d’éviter tout bras de fer i-nu-ti-le.
C’est dans ce même élan, alors qu’il est décidé par Conakry de l’envoi d’une délégation de "haut niveau" en Belgique dans les prochains jours, «pour échanger avec les autorités belges sur des questions relatives aux sans-papiers guinéens» que le Ministre d’Etat, Ministre des Affaires étrangères et des Guinéens de l’Etranger, a fait une mise au point dans l’édition du journal télévisé de ce mercredi 19 mars 2014.
Dans cette intervention, Lousény Fall déclare: «Nous, en tant que gouvernement, notre responsabilité, c’est de faire en sorte que nous assumions la protection de tous nos compatriotes vivant à l’étranger. Cela fait partie d’ailleurs du travail du Ministère des Affaires étrangères et des Guinéens de l’Etranger.
Donc, sur ce sujet qui est un sujet important, il faut également dire qu’en dépit de cette position du gouvernement de protéger nos compatriotes, nous sommes tenus aussi, au respect de certains engagements que nous avons signés avec les gouvernements étrangers.
Il y a quelques années, la Belgique et la Guinée ont signé un mémorandum d’entente concernant la gestion de ces Guinéens. Il se trouve aujourd’hui que la question est au cœur du débat aussi bien à l’intérieur ici que dans les relations entre la Belgique et la Guinée.
Nous essayons, nous, de faire en sorte que nous puissions régler cette question par les voies pacifiques, parce qu’un bras de fer n’est pas à souhaiter. D’un côté, nous savons que la présence de nombreux étrangers sur le territoire d’un autre pays pose des problèmes intérieurs, tout comme aussi, le renvoi massif des Guinéens dans notre pays, pose aussi d’autres problèmes.
Nous essayons donc, avec les autorités belges, de faire en sorte que nous puissions nous entendre».
Toujours dans cette lancée, le Responsable en charge de la Diplomatie guinéenne précise: «Dans le mémorandum d’entente qui a été signé avec la Belgique, il était souligné que les gouvernements encouragent leurs compatriotes vivant en situation irrégulière dans ce pays, à rentrer par la voie pacifique, par leur volonté. Ce qui veut dire le rapatriement volontaire.
Et l’Organisation Internationale de la Migration a été mise à contribution pour que ces Guinéens qui acceptent de rentrer de leur propre gré, puisse bénéficier d’un montant qui puisse leur permettre d’être réinsérés en Guinée».
Justement, par rapport aux mesures d’accompagnement, Mme Els Cleemput est catégorique: «Ce n’est pas un retour volontaire, donc il n’y a aucune mesure prise dans ce sens. Arrivés sur place, les autorités guinéennes et les ONG doivent les prendre en charge. Quand un demandeur d’asile débouté demande de rentrer volontairement chez lui c’est différent, dans ce dernier cas, on peut parler des mesures d’accompagnement mais si c’est un retour forcé il n’y a rien».
En attendant, Conakry joue les apaisements: «Nous essayons de jouer avec toutes ces facettes. D’abord, les négociations avec le gouvernement belge pour que le maximum de Guinéens résidant en Belgique puissent être régularisés dans leur demande. Et si le gouvernement belge estime que ces personnes-là ont été déboutées, il faudrait que déjà , nous prenions les mesures pour assurer le retour de nos compatriotes mais, dans les conditions de dignité et nous insistons sur cet aspect, que l’on les ramène dans les conditions de dignité dans notre pays».
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