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Gabon: Les quartiers populaires de Port-Gentil, dévastés après les pillages

Sep 07, 2009

"On dort par terre par peur que les balles nous tuent pendant la nuit", affirme un Béninois résidant à Tournant Sindara, un quartier populaire de Port-Gentil (ouest), la capitale pétrolière du Gabon, marquée par des violences post-électorales.

"On a peur. On entend beaucoup de tirs. On ne sait pas si ce sont de vraies balles ou du lacrymo, mais on ne prend pas de risque", ajoute-t-il.

Si la situation semblait revenir lundi progressivement à la normale à Port-Gentil, les résultats controversés de l'élection présidentielle d'Ali Bongo, fils du président Omar Bongo décédé en juin après 41 ans au pouvoir, ont donné lieu à trois nuits de pillages dans ce fief de l'opposition.

"Des petits groupes se forment, pillent. On les disperse, on les attrape quand on peut. C'est dangereux: certains ont des armes, des fusils de chasse", affirmait dimanche un militaire qui assure n'utiliser que des grenades lacrymogènes.

Si certains symboles de la France et du pétrole (consulat de France, Total) ont été touchés, ce sont surtout les quartiers populaires qui ont subi les assauts des pillards.

A Grand-Village, où travaillent des centaines de petits commerçants, c'est la désolation. "J'ai tout perdu", affirme désemparée Justine Obame, dont l'échoppe a été pillée. Foulant oignons et choux brûlés, elle tente de vendre les bananes qui ont échappé aux flammes.

"La première nuit, ils ont tout brûlé dans le quartier. Le lendemain soir, ils sont revenus pour prendre ce qui n'avait pas été pris." Les dégâts se montent à 1,7 million de FCFA (2.200 euros). "Je ne sais pas ce que je vais faire. J'ai 13 enfants", soupire-t-elle.

"1.500 cartons d'oeufs ont été brûlés. Il y a 360 oeufs par carton", souligne Ewanana Jeffrey, un Camerounais. Le prix de l'oeuf est passé de 120 à 200 FCFA (18 à 30 centimes d'euro). "C'est du banditisme. J'ai tout perdu", crie Udonsi Ebeka, commerçant nigérian. "Comment on va faire maintenant?"

Un peu plus loin, des forces de police protègent une boulangerie. "J'ai fait 3 heures de queue pour acheter cette baguette", témoigne un chauffeur de taxi béninois. "Mes trois enfants me demandent du café et du pain le matin. Je n'ai rien à leur donner", déplore un autre Béninois.

Au marché de la Balise, le spectacle est le même: "Les jeunes ont pillé, et après les militaires arrivent et pillent à leur tour", assure Carole, une commerçante gabonaise.

Plus loin, au Château, là où le commissariat a brûlé, les revendications sont plus politiques. "Regardez la route, elle est défoncée. Le caniveau... Tout est pourri! De l'autre côté, tout est parfait", crie David, un jeune, soulignant la différence visible entre les quartiers "blancs", riches, et les quartiers populaires.

"Ils tirent le pétrole mais nous, on a rien. Dites à vos amis blancs, on va les...", menace un autre, faisant mine de se trancher la gorge.

"On veut pas d'Ali. C'est Mamboundou qui a gagné l'élection. C'est tout", clame un autre, relayant les accusations lancées par l'opposant Pierre Mamboundou, classé troisième de la présidentielle, dont Port-Gentil est un bastion. "40 ans de Bongo et rien n'a été fait. Que va nous apporter Ali? Rien!", crie un autre jeune.

Pendant la campagne, Ali Bongo a promis de faire du pays, 4e producteur de pétrolier subsaharien, un "petit Dubaï". Comme en réponse, à Grand-Village, sur la porte d'un magasin brûlé, quelqu'un a écrit: "On veut du petit Dubaï". - AFP