Le procureur général de la République de Guinée-Bissau a annoncé mercredi qu'il serait "très difficile de réunir suffisamment de preuves" dans l'enquête sur les assassinats du chef de l'Etat et du chef d'état-major des forces armées, les 1er et 2 mars.
Le président Joao Bernardo Vieira avait été sauvagement battu et tué par des militaires, quelques heures après la mort dans un attentat du chef d'état-major des armées, le général Batista Tagmé Na Waié. "Il ne faut pas se faire d'illusions. Il sera très difficile de réunir suffisamment de preuves. Il faut donc s'attendre à ce que les enquêtes soient longues", a dit le procureur général Luis Manuel Cabral. Selon la législation bissau-guinéenne, en cas de crime, les enquêtes doivent démarrer dans les 24 heures. "Cela n'a pas été le cas. Nous n'avons réuni l'équipe d'enquête qu'une semaine après les crimes. C'est compliqué", a déclaré M. Cabral. Le magistrat a expliqué que la formation de la commission d'enquête décidée par le gouvernement (composée de cinq policiers, trois magistrats et deux militaires) avait pris du retard parce que la liste des membres ne lui avait été communiquée que vendredi. Il a déclaré s'être rendu seulement le 7 mars au domicile du chef de l'Etat, théâtre de son assassinat. "Je me suis rendu compte que les lieux ont été soigneusement lavés, ce qui complique le recueil des traces", a-t-il dit. Dès le 5 mars, des proches du président avaient fait visiter la maison à des journalistes. Bien d'autres personnes se mêlaient aux visites. Puis une cérémonie funéraire y avait été organisée, lundi, à la veille des obsèques. Dès l'annonce des deux assassinats, de nombreux Bissau-Guinéens doutaient à haute voix que leurs auteurs soient un jour identifiés et arrêtés, au "pays de l'impunité". "Je n'accepterai pas que des gens interfèrent dans nos enquêtes", a affirmé M. Cabral, ayant souvent fait état de menaces contre sa personne depuis sa nomination en avril 2008. Le procureur général s'est souvent vu reprocher le classement d'affaires "faute de preuves", concernant notamment le trafic de cocaïne. "Ces dernières années, je n'ai jamais entendu dire qu'un criminel ait été arrêté et condamné dans aucune des grandes affaires qui ont agité le pays", soulignait mercredi un observateur étranger à Bissau. Les assassinats et tentatives d'assassinat de personnalités jamais élucidés ont ponctué l'histoire de la Guinée-Bissau, indépendante du Portugal depuis 1974. Le petit pays, déstabilisé depuis des décennies par les antagonismes personnels de ses dirigeants et la prépondérance des militaires, est devenu depuis 2005 un point de transit de la cocaïne sud-américaine vers l'Europe. - AFP