Les tractations politico-militaires en cours en Guinée-Bissau, deux semaines après les assassinats du chef d'état-major et du président, pourraient amener l'ex-parti unique et l'armée à conclure une nouvelle alliance pour contrôler le pouvoir.
Un nouveau chef d'état-major général des forces armées a été nommé, officiellement pour assurer "un intérim", en attendant l'élection d'un nouveau président, seul habilité à nommer le dirigeant de l'armée. Le capitaine de frégate José Zamora Induta a été désigné "sur proposition du gouvernement, acceptée par l'armée, pour éviter un vide au sommet des forces armées", a affirmé à l'AFP dimanche une source à l'état-major. Son poste est des plus exposés. Les trois derniers chefs de l'état-major général ont été tués: le général Ansumane Mané en 2000, le général Verissimo Correia Sabra en 2004 et le général Batista Tagmé Na Waié, mort dans un attentat à la bombe le 1er mars. Quelques heures plus tard, le président Joao Bernardo Vieira était assassiné par des militaires. Et c'est justement Zamora Induta qui annonçait le décès du chef de l'Etat, "tué par l'armée". Il l'avait alors accusé d'avoir été "un des principaux responsables" de la mort du chef d'état-major et d'avoir "bloqué tous les élans" dans le pays. L'ascension de cet officier quadragénaire suscite questions et spéculations. Il est réputé très proche de Carlos Gomes Junior, président de l'ancien parti unique PAIGC (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert), nommé Premier ministre en décembre par Vieira en dépit de leur profonde inimitié. Comme le Premier ministre, le nouveau chef de l'armée n'appartient pas à la génération des anciens guérilleros de la "guerre de libération" contre les colons portugais, aux commandes du pays depuis l'indépendance (1974). "Il y a tout un ensemble de manoeuvres pour renforcer Carlos Gomes Junior, dont tout indique qu'il va être candidat à la présidentielle", juge un acteur du jeu politique, interrogé sous couvert d'anonymat depuis Dakar. "Il a fait nommer ce chef d'état-major en toute illégalité, alors qu'en aucun cas un dirigeant de l'armée ne peut être désigné en période intérimaire", déplore-t-il. Le scrutin présidentiel est censé se tenir dans les 60 jours suivant la prestation de serment du chef de l'Etat par intérim, Raimundo Pereira, qui a eu lieu le 3 mars. Mais ce délai paraît déjà bien difficile à respecter. Le PAIGC, qui a dominé la vie politique quasiment sans interruption depuis 35 ans, part en tout cas favori, même s'il n'a pas encore choisi son candidat. Depuis qu'il a largement remporté les législatives de novembre, 67 députés sur 100 sont membres du PAIGC, tout comme l'ensemble des membres du gouvernement. L'autre grande formation du pays - le Parti de la rénovation sociale (PRS) de l'ex-président Kumba Yala (2000-2003), 28 députés - entretient aussi des liens étroits avec l'armée. "Pour l'instant, les militaires ont affiché une position d'équidistance avec toutes les formations. Quelques politiciens continuent encore à nous contacter, mais nous, militaires, n'avons pas de candidat", affirme un haut gradé, joint par téléphone. Ce que le responsable d'une organisation de la société civile contredit, sous couvert d'anonymat: "Les militaires ont le pouvoir réel dans notre pays et appuieront celui qui fera leur affaire". - AFP