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Guinée-Bissau: un "putsch" au sein de l'armée sur fond de trafic de cocaïne

Apr 02, 2010

Le coup de force de militaires, jeudi en Guinée-Bissau, qui s'apparente à un "putsch" au sein des forces armées, intervient sur fond de trafic de cocaïne, ce petit pays instable étant devenu un important point de transit et de stockage de la drogue sud-américaine.

Le chef d'état-major, le général José Zamora Induta, a été "renversé" par son adjoint, le général Antonio Indjai, qui a immédiatement pris la direction de l'armée, institution toute puissante dans cet Etat régulièrement secoué par les crises et assassinats politico-militaires.
Le Premier ministre Carlos Gomes Junior, considéré comme un proche du général Induta, a été arrêté, menacé de mort et placé en résidence surveillée. Par contre, le chef de l'Etat Malam Bacai Sanha n'a jamais été inquiété. Les mutins ont très vite affirmé qu'ils se soumettaient à son autorité.
Pour le directeur de projets pour l'Afrique de l'Ouest du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) Richard Moncrieff, le coup de force de jeudi remet en lumière la "prépondérance de l'armée" dans le pays.

"C'est un facteur très déstabilisant. Ils (les militaires) ne s'impliquent pas au niveau politique comme en Guinée-Conakry mais leur rôle est primordial", a-t-il souligné.
Les derniers événements étaient "prévisibles", selon lui, car le général Induta "n'a jamais eu une autorité solide sur l'armée, c'était évident dès le début. Le général Antonio Indjai était de plus en plus puissant".

De plus, il y a une "imbrication entre militaires et hommes politiques de plus en plus évidente depuis deux ans" et "c'est ce genre d'alliance qui a fait exploser l'équilibre politique à Bissau".

Le coup de force de jeudi a ainsi replacé sur le devant de la scène un personnage aussi puissant que controversé: l'ex-chef de la Marine, le contre-amiral José Américo Bubo Na Tchute, qui est apparu aux côtés du nouveau "patron" de l'armée, le général Indjai.

Il est accusé par la justice d'avoir voulu faire un coup d'Etat en août 2008 et d'avoir commis un attentat contre le chef d'état-major des forces armées, le général Batista Tagmé Na Waie, tué en mars 2009, quelques heures avant l'assasinat du président Joao Bernardo Vieira par des militaires.
Mais l'ex-chef de la Marine est aussi soupçonné d'être impliqué dans le trafic de cocaïne sud-américaine en Guinée-Bissau. De nombreux observateurs ont noté qu'il avait acquis très rapidement et d'une manière mystérieuse une grande fortune.

Les énormes flux financiers générés par le trafic de la drogue dans un des pays classé parmi les plus pauvres du monde alimentent la corruption, notamment au sein des forces de sécurité et de l'armée, sous équipées et sous payées.

Et "quand c'est porté à un niveau aussi élevé, il y a une criminalisation de l'Etat", souligne à Dakar la responsable régionale de Human Rights Watch Corinne Dufka.
En Guinée-Bissau, le salaire moyen d'un fonctionnaire de police est de seulement 35 euros par mois, celui d'un soldat de 30 euros contre 800 euros pour un officier supérieur.
"L'armée est la véritable gangrène de la Guinée, elle contrôle, régule et rend une justice expéditive", indique vendredi la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO), basée à Dakar.

Une vaste réforme des forces armées, avec notamment la mise à la retraite de nombreux militaires, est soutenue par la communauté internationale. L'armée compte officiellement entre 6.000 et 9.000 hommes mais, selon des estimations officieuses, ce chiffre pourrait être deux fois supérieur.
La réforme prévoit de ramener ce chiffre à 3.800 hommes. Mais pour l'instant, elle n'a pas dépassé la phase préliminaire. - AFP