L'ex-président tchadien Hissène Habré, jugé à Dakar par un tribunal spécial africain, a été reconnu coupable lundi de crimes contre l'humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement, et condamné à la prison à perpétuité.
L'ex-président dispose de quinze jours pour interjeter appel.
Hissène Habré, la Chambre (le tribunal spécial, NDLR) vous déclare coupable (...) des crimes contre l'humanité de viol, d'esclavage forcé, d'homicide volontaire, de pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvement de personnes suivi de leur disparition, de tortures et d'actes inhumains, a déclaré le président du tribunal, le Burkinabè Gberdao Gustave Kam.
Il a ajouté que M. Habré a aussi été reconnu coupable de crimes autonomes de tortures et des crimes de guerre d'homicide volontaire, de torture, de traitement inhumain et détention illégale ainsi que des crimes de guerre de meurtre, de torture et de traitement cruel conformément à certains articles du Statut portant création du tribunal.
Il a en revanche été acquitté des crimes de guerre, détention illégale visés dans d'autres articles du même document.
En conséquence et compte tenu de l'extrême gravité des faits, a poursuivi le magistrat Kam, Hissène Habré, la Chambre vous condamne à la peine d'emprisonnement à perpétuité.
Après l'énoncé du verdict, l'accusé, en turban et boubou blancs, lunettes noires, demeuré imperturbable depuis l'ouverture de l'audience, a levé les bras en saluant ses partisans et crié: A bas la Françafrique!.
Auparavant, le juge avait en outre expliqué que le tribunal a été convaincu par le témoignage de Khadija Hassan Zidane, qui a affirmé pendant le procès avoir été violée par Hissène Habré. Le juge a fait état de rapports sexuels non consentis à trois reprises et d'un rapport buccal non consenti imposée à Mme Zidane par M. Habré.
Hissène Habré a dirigé le Tchad pendant huit ans (1982-1990) avant d'être renversé par un de ses anciens collaborateurs, l'actuel président Idriss Deby Itno, et de se réfugier au Sénégal en décembre 1990.
Arrêté le 30 juin 2013, il était jugé depuis le 20 juillet 2015 par les Chambres africaines extraordinaires (CAE), créées en vertu d'un accord entre le Sénégal et l'Union africaine (UA), qu'il récuse et devant lesquelles il refuse de s'exprimer ou de se défendre.
Une commission d'enquête tchadienne estime le bilan de la répression sous Hissène Habré à quelque 40.000 morts, dont 4.000 identifiés nommément.
Sans surprise, le verdict a été salué par les parties civiles et des organisations de défense des droits de l'Homme qui les soutiennent, et décrié par des partisans de M. Habré, dont des proches, ayant assisté à l'audience au Palais de Justice de Dakar.
La condamnation de Hissène Habré pour ces crimes atroces 25 ans plus tard représente une immense victoire pour les victimes tchadiennes, a affirmé dans un bref message à la presse Reed Brody, cheville ouvrière de cette procédure au sein de Human Rights Watch (HRW).
A l'opposé, pour Mahamat Togoi, du collectif de soutien à Hissène Habré: ce qu'on a vu aujourd'hui ce n'est pas de la Justice, c'est un crime contre l'Afrique, a-t-il lancé. – AfricaLog avec agence