Roch Marc Christian Kaboré, ancien baron du régime l'ex-président Blaise Compaoré passé dans l'opposition, a été élu président du Burkina Faso à l'issue du premier tour de la présidentelle de dimanche, a annoncé lundi soir la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
M. Kaboré a obtenu la majorité absolue avec 53,49% des suffrages (1 668 169 voix) contre 21,65% (924 811 voix) recueillis par son plus sérieux rival Zephirin Diabré, qui avait reconnu sa défaite quelques minutes avant l'annonce de la Céni. Acclamé par plusieurs milliers de personnes réunies devant le siège de son parti, M. Kaboré a déclaré à ses partisans: «Nous devons nous mettre au travail immédiatement. C'est tous ensemble que nous devons servir le pays.»
«Aux jeunes, aux femmes et aux anciens», M. Kaboré a promis sa «détermination pour ouvrir des opportunités de lendemains meilleurs».
Le prochain président a aussi adressé ses «chaleureuses félicitations aux organes de la transition», mis en place après la chute du régime de Compaoré et qui ont organisé le scrutin.
Homme de consensus, mais aussi taxé d'opportunisme par ses adversaires, Roch Marc Christian Kaboré, élu nouveau président du Burkina Faso, est un ancien baron du système de Blaise Compaoré qui a changé de camp juste avant la chute du régime.
Sa victoire dès le premier tour illustre bien sa personnalité: M. Kaboré a su rassembler aussi bien des anciens du régime que ses opposants, les paysans d'un pays très rural mais aussi les citadins des grandes villes, Ouagadougou et Bobo Dioulasso.
Cadre du système de Compaoré resté 27 ans au pouvoir et ancien dirigeant du parti de l'ancien président chassé par la rue, M. Kaboré est perçu comme «intelligent et cohérent» mais aussi comme un homme d'appareil reconnu pour ses qualités d'organisateur
Issu de l'ethnie majoritaire Mossi (53% de locuteurs), catholique pratiquant dans un pays à majorité musulmane (60%), cet ancien banquier de 58 ans au physique imposant est un personnage affable et modéré «sachant écouter» et adepte du consensus. Ses détracteurs l'accusent de manquer de poigne.
Souvent habillé en boubou bazin ou en Faso Danfani («made in Burkina»), M. Kaboré est un bon vivant, selon ses proches.
Fils de ministre, «né avec une cuiller d'argent dans la bouche» pour ses détracteurs, Roch, comme on l'appelle le plus souvent, a toutefois adhéré jeune à des idéaux de gauche, s'engageant après son retour d'études en France, à Dijon, à l'Union de lutte communiste-reconstruite. Il profite de l'accession de Thomas Sankara, le père de la révolution d'inspiration marxiste pour devenir directeur de la Banque internationale du Burkina (BIB), avant même son 30e anniversaire.
Après l'assassinat de Sankara en 1987, Compaoré prend le pouvoir et Roch accomplit une carrière fulgurante auprès du «Beau Blaise». Plusieurs fois ministre, il devient un des personnages clé du régime occupant les fonctions les plus prestigieuses comme Premier ministre, période pendant laquelle il gère la dévaluation historique du Franc CFA, ou président de l'assemblée nationale. Il ne néglige toutefois pas les postes stratégiques comme président du Congrès pour la démocratie et le Progrès (CDP), le parti-état qui remporte tous les scrutins et dont on dit qu'il «gère le pays». C'est le temps du «tuuk giili» («rafle tout» en langue mooré).
Considéré comme le plus probable successeur de Compaoré, M. Kaboré a même été en 2010 un des initiateurs du projet de révision constitutionnelle qui devait permettre à Compaoré de briguer un nouveau mandat, mais qui sera finalement à l'origine des journées d'insurrection d'octobre 2014 et l'écroulement du régime.
En 2012, Roch tombe brutalement en disgrâce pour des raisons obscures et se retrouve confiné au rang de «conseiller politique» du parti. Il claque ensuite la porte en janvier 2014 pour fonder le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) avec d'autres anciens caciques du régime. Cette disgrâce sera son tremplin.
Aujourd'hui, il défend que «la social-démocratie est la voie pour le développement» tout en fédérant derrière son MPP une vingtaine de petits partis d'obédience socialiste et même un parti sankariste.
Disposant de moyens colossaux, il a été omniprésent pendant la campagne et a su faire fructifier son image de rassembleur et d'homme d'expérience.
«Nous avons l'expérience de l'ancien système et nous savons comment améliorer les choses», dit-il tout en assurant être «en rupture totale avec l'ancien système».
Bassolma Bazié, secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), principale centrale syndicale du Burkina, est lui sceptique: «Roch a occupé de hauts postes auprès de Compaoré. On ne peut pas dire qu'il n'est pas comptable du régime. Compaoré avait une ligne politique social-démocratie et Roch est resté dans la même logique, de ce point de vue on ne peut pas s'attendre à un changement quelconque».
Le nouveau président lui promet de s'attaquer au chômage des jeunes, endémique dans le pays, de moderniser le système de santé promettant notamment la gratuité des soins pour les moins de 6 ans, et de mettre l'accent sur l'éducation. – AfricaLog avec agence