Il aura fallu plus de deux ans à la Guinée pour venir à bout de l'épidémie d'Ebola, méfiance entre autorités et populations et rumeurs ayant longtemps entravé la lutte contre la maladie, selon organisations internationales et analystes.
Deux ans après la mort dans le pays du premier cas d'Ebola en Afrique de l'Ouest, un bébé d'un an, la Guinée est officiellement débarrassée mardi de l'épidémie, six semaines après la guérison de son dernier patient, un nourrisson né avec le virus.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé mardi la fin de la transmission d'Ebola en Guinée, deux périodes de 21 jours - la durée maximale d'incubation du virus - s'étant écoulées depuis le second test négatif sur le dernier patient guéri.
«Le tissu social a été mis à rude épreuve», a souligné le représentant de l'OMS en Guinée, Mohamed Belhocine, dans une déclaration à Conakry, en référence aux relations, traditionnellement empreintes de suspicion, entre pouvoir et population dans ce pays, qui ont encore compliqué la lutte contre la propagation.
«La Guinée entre maintenant dans une période de surveillance renforcée de 90 jours», a ajouté l'OMS, rappelant que le risque persiste au-delà de ces 42 jours, en raison de la subsistance du virus dans certains liquides corporels, en particulier le sperme, où il peut survivre jusqu'à neuf mois.
Cette épidémie d'Ebola, la plus grave depuis l'identification du virus en Afrique centrale en 1976, a fait plus de 11 300 morts sur quelque 29 000 cas recensés, un bilan toutefois sous-évalué, selon l'OMS.
Les victimes se concentrent à 99% dans trois pays limitrophes: la Guinée, qui compte officiellement 2536 morts pour 3804 cas, la Sierra Leone, déjà déclarée exempte de transmission le 7 novembre, et le Liberia, où la fin de l'épidémie a été annoncée deux fois, en mai et septembre, avant de nouvelles résurgences.
«Pour la première fois» depuis deux ans, ces trois pays «ont arrêté les chaînes de transmission à l'origine de cette épidémie dévastatrice», a souligné Matshidiso Moeti, directeur régional pour l'Afrique à l'OMS.
«C'est le meilleur cadeau de fin d'année que le Bon Dieu pouvait offrir à la Guinée», a affirmé un survivant, Alama Kambou Doré.
Le dernier patient connu, une fille prénommée Noubia, née au centre de traitement d'Ebola de Médecins sans Frontières (MSF) à Conakry, où sa mère a succombé au virus, a été déclarée guérie le 16 novembre.
L'Unicef s'est félicité de la fin de l'épidémie, mais a rappelé dans un communiqué que «22 000 enfants ont perdu au moins un de leurs parents» dans un des trois pays et restent «traumatisés», voire stigmatisés.
Le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim a également salué «une étape importante» et s'est engagé à «continuer à soutenir la Guinée pour surmonter l'énorme coût humain et économique d'Ebola».
La France, par la voix de sa secrétaire d'État chargée du Développement, Annick Girardin, a elle aussi assuré la Guinée de son soutien dans «la tâche ardue de la reconstruction».
Les festivités officielles débuteront mercredi matin, avec une cérémonie en présence du président Alpha Condé et des 53 partenaires dans la lutte contre l'épidémie: MSF, OMS, Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), Croix-Rouge... ainsi que les pays donateurs.
Des survivants témoigneront de leur expérience et un hommage sera rendu aux 115 soignants emportés par Ebola, ainsi qu'aux huit membres d'une équipe de sensibilisation assassinés en septembre 2014 à Womey (sud-est) dans le Sud forestier, épicentre originel de l'épidémie.
Les célébrations se poursuivront dans l'après-midi avec un concert mémorial «Bye bye, au revoir Ebola», rassemblant des artistes africains de renommée internationale: Youssou Ndour, Tiken Jah Fakoly, Mory Kanté, Aïcha Koné, etc. pour saluer les efforts du peuple de Guinée.
Car pour en arriver là , depuis la mort du petit Émile Ouamouno, un an, à Meliandou (sud-ouest), la route s'est révélée particulièrement pénible.
«La Guinée revient de loin», a rappelé une survivante, Djénabou Barry: «J'ai perdu mon époux, j'ai perdu ma belle-soeur et j'ai été expulsée de la où j'habitais avec mes enfants après ces deux décès, j'ai été rejetée, stigmatisée...».
C'est en Guinée que les réactions à la campagne anti-Ebola - par déni du virus ou rejet de mesures sanitaires perçues comme autoritaires ou attentatoires à leurs coutumes - se sont manifestées le plus brutalement, culminant avec le massacre de Womey.
Ces «réticences», qui poussaient les malades à se cacher et les familles à continuer les pratiques funéraires traditionnelles, malgré les risques de contagion - ont longtemps masqué la persistance de chaînes de transmission insoupçonnées. – AfricaLog avec agence