L'armée est intervenue dans la lutte pour le pouvoir à Madagascar en se rangeant aux côtés de l'opposition et en faisant entrer deux chars dans le palais présidentiel.
Deux chars ont pénétré de force lundi dans l'enceinte du palais présidentiel, tandis qu'une forte explosion et des tirs étaient enregistrés dans le centre de la capitale, Antananarivo. Des soldats ont pris position autour du palais. Le président Marc Ravalomanana, dont l'ancien maire de la capitale, Andry Rajoelina réclame l'arrestation, ne se trouvait pas sur place. Il a trouvé refuge dans un autre palais, situé à une dizaine de km de la capitale. "Impatient" de prendre le pouvoir, le chef de file de l'opposition a demandé à la police et à l'armée d'arrêter le chef de l'Etat. "Je demande à l'armée et à la police, et à tous ceux qui le peuvent, de mettre en oeuvre l'injonction du ministre de la Justice, parce qu'Andry Rajoelina est impatient de prendre ses fonctions", a-t-il dit en parlant de lui à la troisième personne devant ses partisans rassemblés, mais en moins grand nombre qu'auparavant, dans la capitale. Christine Razanamahasoa, nommée "ministre de la Justice" dans le gouvernement parallèle mis sur pied par l'opposition, avait annoncé un peu plus tôt devant le même rassemblement qu'elle ordonnait aux procureurs d'arrêter le chef de l'Etat. Le chef d'état-major de l'armée malgache a déclaré que les militaires de la Grande Ile de l'océan Indien soutenaient "à 99%" Andry Rajoelina. "Nous sommes ici pour le peuple malgache", a déclaré lors d'une conférence de presse le colonel André Ndriarijaona. "Si Andry Rajoelina peut régler le problème, nous sommes derrière lui". La police et la gendarmerie étaient également représentées à la conférence de presse. Auparavant, l'ex-maire de la capitale, démis de ses fonctions par son rival, avait rejeté la proposition du président d'organiser un référendum pour sortir le pays de la crise, qui a fait au moins 135 morts depuis le début de l'année. "Le référendum est d'ores et déjà fait. La population s'est déjà exprimée. Il n'y a pas lieu d'organiser un référendum", a déclaré Rajoelina à la télévision nationale. "La démission de Ravalomanana, voilà la solution!", a-t-il ajouté. TGV Rajoelina, surnommé TGV pour son tempérament de fonceur, qualifie Ravalomanana d'autocrate dirigeant le pays comme une entreprise privée, tandis que ce dernier accuse son rival d'être un fauteur de troubles voulant s'emparer du pouvoir illégalement. L'opposition a pris samedi possession de la Primature, les bureaux du Premier ministre, déclarant qu'elle assumait le pouvoir et promettant des élections d'ici deux ans. Une mutinerie a éclaté il y a une semaine dans une importante caserne des environs d'Antananarivo, le Capsat, où des mutins ont réclamé le départ de l'actuel président tout en excluant la formation d'une junte militaire. Lors d'une réunion d'urgence consacrée à la situation à Madagascar, l'Union africaine a condamné lundi une "tentative de coup d'Etat". De leur côté, les Nations unies ont dépêché Tiébilé Dramé, ancien ministre malien des Affaires étrangères, pour jouer un rôle de médiation. Dramé a appelé lundi de ses voeux la constitution d'un gouvernement d'union nationale. "A l'issue de cette crise, Madagascar aura besoin d'un gouvernement de consensus qui devra aller au-delà de Ravalomanana et de Rajoelina", a-t-il dit à Reuters. "Madagascar doit tourner le dos au cycle de violence. La seule voie possible pour trouver une solution est celle du dialogue et de la démocratie". Les troubles de ces derniers mois risquent de porter un coup très grave au secteur-clé du tourisme, qui rapporte 390 millions de dollars de devises par an, et de faire fuir les investisseurs étrangers présents notamment dans la prospection pétrolière et minière. L'"Ile rouge" est, malgré ses immenses richesses agricoles et minières, l'un des pays les plus pauvres de l'Afrique où une bonne partie de la population vit sans électricité ou eau potable, avec moins de deux dollars par jour et par habitant. - Reuters