Un document du Vatican dont la publication coïncide avec la visite du pape au Cameroun accuse des "forces extérieures" de dévaster l'Afrique avec la complicité de dirigeants corrompus, en attisant les guerres pour favoriser le trafic d'armes et en soutenant certains hommes politiques au mépris des droits de l'homme et de la démocratie.
Sans entrer dans les détails, le document s'en prend à des "organisations multinationales" qui, main dans la main avec des dirigeants africains, ont envahi le continent pour convoiter ses richesses naturelles. Benoît XVI a distribué ce document de 60 pages aux évêques au terme de la messe qu'il a célébrée jeudi dans un stade de Yaoundé, en présence de dizaines de milliers de fidèles. "Des forces extérieures, avec la complicité d'hommes et de femmes sur le continent africain, exploitent les faiblesses du coeur humain (...)", lit-on dans ce document de travail, préparé par une commission du Vatican en vue d'un synode des évêques catholiques d'Afrique, qui se tiendra en octobre au Saint-Siège. "Elles (ces forces) attisent les guerres afin de pouvoir vendre des armes. Elles soutiennent ceux qui sont au pouvoir, au mépris des droits de l'homme et des principes démocratiques, afin de garantir des profits économiques comme l'exploitation des ressources naturelles(...). Elles menacent de déstabiliser des pays entiers et d'éliminer les personnes qui souhaitent s'affranchir de l'oppression qu'elles exercent", lit-on. Le document évoque "un processus organisé pour détruire l'identité africaine" par la modernité. Restant général, il ne désigne pas avec précision les forces extérieures en question et ne donne aucun nom de dirigeant "corrompu" incriminé. Nombre de pays africains disposent d'énormes gisements de minerais et d'hydrocarbures, dont la valeur, en théorie, suffirait à financer des projets d'infrastructures, à créer nombre d'emplois et à élever le niveau de vie général. Mais, selon certains, de hauts responsables africains détournent ces richesses à des fins d'enrichissement personnel. Par exemple, la compagnie nationale pétrolière nigériane Nigerian National Petroleum Corporation, est depuis des décennies au centre d'affaires de corruption. Des milliards de "pétrodollars" seraient détournés par une poignée d'hommes d'influence alors que le reste de la population vit avec moins de deux dollars par jour et par personne. VIOLENCES INTERRELIGIEUSES "Des organisations multinationales continuent d'envahir systématiquement le continent en quête de ressources naturelles. Avec la complicité des dirigeants africains, elles oppriment les entreprises locales, achètent des milliers d'hectares de terres et exproprient les populations", lit-on encore dans le document. Le pape, qui continue vendredi son voyage africain par l'Angola, gros producteur de pétrole, a appelé par ailleurs jeudi chrétiens et musulmans d'Afrique à en finir avec les violences interreligieuses. Le souverain pontife a rencontré 22 dirigeants de la communauté musulmane, à la nonciature apostolique (ambassade) du Vatican à Yaoundé. Il a souligné que les deux grandes religions monothéistes devaient "rejeter toutes les formes de violence et de totalitarisme". "Puisse la coopération enthousiaste des musulmans, des catholiques et des autres chrétiens au Cameroun devenir l'exemple, pour les autres pays d'Afrique, de l'énorme potentiel d'engagement interreligieux en faveur de la paix, de la justice et du bien commun", a-t-il dit. Des affrontements entre bandes de musulmans et de chrétiens, provoqués par une controverse électorale, ont fait des centaines de morts en novembre dernier dans la ville de Jos au Nigeria, pays voisin du Cameroun. En janvier, les autorités soudanaises ont expulsé du Darfour, dans l'ouest du Soudan, une organisation humanitaire basée aux Etats-Unis, parce que des bibles en arabe avaient été découvertes dans ses locaux. Le pape s'emploie, lors de ses rencontres avec les musulmans, à activer la réconciliation avec cette communauté religieuse. Les relations entre chrétiens et musulmans se sont détériorées fortement en 2006 après le discours qu'avait prononcé Benoît XVI à Ratisbonne, dans lequel il avait sous-entendu que l'islam était un culte violent et irrationnel. Dans le monde entier, les musulmans avaient alors manifesté leur colère contre ce discours. – Reuters