La situation au Gabon était toujours calme, mais tendue dimanche alors que les principaux «amis» du pays ont accueilli froidement la validation de la réélection du président Ali Bongo Ondimba.
Les forces de sécurité maintenaient quelques chicanes pour des contrôles routiers par des hommes en armes sur le front de mer de la capitale Libreville.
À la nuit tombée, les rues se sont vidées entièrement, comme samedi soir, dans les quartiers de Louis et Montagne-Sainte, pourtant des hauts lieux de la vie nocturne, surtout les fins de semaine.
«Quatre semaines que cela dure. Il est temps que cela cesse», se désolait samedi la gérante de l'Oxy, un restaurant-boîte de nuit entièrement vide.
Des violences meurtrières avaient éclaté le 31 août après la proclamation des premiers résultats en faveur d'Ali Bongo.
Trois semaines plus tard, aucun grand pays n'a encore félicité publiquement le chef de l'État pour sa réélection validée vendredi soir par la Cour constitutionnelle.
La Cour a rejeté la requête de son rival Jean Ping sans appel possible. Un «déni de justice», estime l'opposant, qui se proclame le «président élu» depuis le scrutin à un tour du 27 août.
M. Ping, ex-diplomate, ministre des Affaires étrangères et patron de l'Union africaine, a lancé samedi un appel à la communauté internationale, sans dire précisément ce qu'il en attend.
Entre toutes, une réaction a agacé l'exécutif d'Ali Bongo: «La France constate que l'examen des recours n'a pas permis de lever tous les doutes», a publiquement regretté le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault.
«Nous déplorons que le quai d'Orsay se soit déporté à Bruxelles», a réagi le porte-parole du gouvernement Alain-Claude Bilie-by-Nze. Libreville accuse Paris de reprendre la thèse des observateurs de l'Union européenne (UE), qui ont relevé des «anomalies évidentes» dans les résultats.
Les relations entre Paris et Libreville ne sont plus ce qu'elles étaient, notent à l'unisson les fins connaisseurs du «village» franco-gabonais (10 000 Français habitent au Gabon). François Hollande est le premier président français à ne pas avoir fait le voyage de Libreville pendant son mandat depuis Charles de Gaulle.
Bien que diplômé de l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Ali Bongo se montre bien moins francophile que son père et prédécesseur Omar, appréciant de mettre les Français en concurrence avec les géants asiatiques de la mondialisation.
Paris de son côté a vidé en partie le camp militaire De Gaulle de Libreville, préférant concentrer ses forces dans le Sahel, théâtre d'opérations anti-jihadistes.
Contrairement aux commentaires de la télévision d'État Télé Gabon, l'Union africaine (UA) n'a pas davantage félicité Ali Bongo, 57 ans, qui devrait être investi dans les dix jours pour un nouveau septennat.
Le président en exercice de l'UA, le président tchadien Idriss Deby Itno, a «pris acte de la décision de la Cour constitutionnelle», tout comme le Maroc, grand ami du Gabon.
Quant au secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon et aux États-Unis, ils ne font que «prendre note», une nuance sémantique qui donne des espoirs à certains opposants.
Ces absences de félicitations vont de pair avec des injonctions au nom de la paix civile dans ce petit pays de 1,8 million d'habitants riche en pétrole, ressources forestières et minières.
Les Nations unies ont demandé «la libération des personnes détenues de façon arbitraire».
«Personne n'est détenu de façon arbitraire», a rétorqué le porte-parole du gouvernement, estimant que les responsables arrêtés ces derniers jours comme Léon-Paul Ngoulakia se trouvent dans les délais légaux de garde à vue.
Paris demande aux autorités de ne pas s'éloigner «des normes internationales en matière de droits de l'Homme et d'État de droit».
L'ex-puissance coloniale demande aussi à Jean Ping et les siens «de poursuivre leurs revendications selon des voies qui ne remettent pas en cause la paix et le bien-être du pays».
Régnant dans son pays d'une main de fer, le président tchadien invite son homologue gabonais et l'opposition au «dialogue».
«Nous n'avons besoin de personne pour parler des problèmes du Gabon», a répliqué Ali Bongo sur la radio RFI. Et d'insister: «l'ingérence n'est pas une bonne chose».
Son ministre des Affaires étrangères Emmanuel Isozet Ngondet a pourtant invité samedi soir depuis la tribune des Nations unies la communauté internationale à soutenir l'appel d'Ali Bongo «à un dialogue inclusif, à la réconciliation et à l'unité». - AfricaLog avec agence