Bien malin celui qui pourrait prédire l'issue du premier tour de scrutin de l'élection présidentielle française, qui se tiendra dimanche prochain. Car pour une rare fois dans l'histoire de la France, quatre candidats peuvent prétendre finir dans le peloton de tête en vue du second tour du scrutin, qui couronnera le ou la présidente de la République.
Les Français voteront une première fois dans quelques jours. Puis, le 7 mai, ils éliront l'une des deux personnes qui auront remporté le plus de voix parmi les 11 candidats officiels.
«Jamais une élection présidentielle française n'a été aussi incertaine», a souligné le directeur du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal (CÉRIUM), Frédéric Mérand, en entrevue téléphonique.
Les derniers sondages placent la candidate d'extrême droite Marine Le Pen et le centriste Emmanuel Macron en tête, tandis que le candidat conservateur François Fillon et le chef d'extrême gauche Jean-Luc Mélenchon se disputent la deuxième place.
Selon M. Mérand, c'est du jamais-vu en France. Il y a bien sûr eu des surprises, comme en 2002 lorsque le père de Mme Le Pen, Jean-Marie, avait fini deuxième au premier tour contre le président sortant Jacques Chirac. Mais rarement aura-t-on vu autant d'incertitude à l'aube d'un premier tour, selon le politologue.
«D'autant plus que l'incertitude porte vraiment sur les quatre candidats. Ce n'est pas seulement une incertitude sur qui va arriver deuxième. C'est sur les quatre. Marine Le Pen et Emmanuel Macron voient leurs votes se tasser un peu depuis plusieurs jours», a-t-il expliqué.
Le duel du second tour est bien difficile à prédire pour plusieurs raisons.
D'abord, selon Frédéric Mérand, Jean-Luc Mélenchon pourrait brouiller les cartes puisque des sondages démontrent qu'il a grugé les votes du candidat socialiste Benoît Hamon, mais aussi ceux d'Emmanuel Macron récemment.
«On est dans un scénario où ce qu'il faut avoir pour le deuxième tour, c'est entre 20 et 24 pour cent des voix et oui, M. Mélenchon est en mesure d'obtenir ces 20-24 pour cent», a indiqué M. Mérand.
Claire Durand, une spécialiste des sondages, dit qu'elle serait «énormément» étonnée que M. Mélenchon se rende au deuxième tour, notamment parce que traditionnellement, en France, la gauche est surestimée dans les sondages.
La professeure au département de sociologie de l'Université de Montréal suggère par ailleurs que les coups de sonde pourraient avoir sous-estimé l'appui à Marine Le Pen et possiblement à François Fillon, en plus d'avoir surestimé l'appui aux candidats de gauche comme ce fut le cas par le passé en France.
«Lors des élections françaises de 2002, tout le monde disait que Lionel Jospin et Jacques Chirac passaient au deuxième tour. Jean-Marie Le Pen, qui était passé au deuxième tour, avait été beaucoup sous-évalué. Ça pourrait être le cas, en ce moment, que (Marine) Le Pen soit sous-évaluée», a-t-elle soutenu.
«Là où ça pourrait se corser, c'est si Fillon aussi est sous-évalué, et ça aussi c'est une possibilité», a-t-elle ajouté.
La spécialiste souligne d'ailleurs que l'appui des candidats en tête est souvent surévalué dans les sondages lors du premier tour de l'élection en France.
Lorsque les Français auront choisi les deux principaux candidats qui se disputeront la présidence, la course sera loin d'être finie, et encore une fois, le résultat est difficile à prédire. Mais ce qui est certain, c'est qu'il ne faut pas exclure la possibilité d'une victoire de la candidate controversée Marine Le Pen.
Selon M. Mérand, avec ses appuis qui ont reculé, Emmanuel Macron pourrait avoir des problèmes pour rallier les électeurs anti-Le Pen, tout comme François Fillon, qui est englué dans les scandales de présumés emplois fictifs offerts à sa famille. Quant à Jean-Luc Mélenchon, M. Mérand voit mal comment il pourrait l'emporter alors qu'il est décrit comme un communiste par ses opposants.
«On ne peut pas exclure une victoire de Le Pen dans aucun de ces scénarios, même si cela ne demeure pas le plus probable dans l'état actuel des choses», a-t-il indiqué.
M. Mérand souligne par ailleurs qu'il peut se passer beaucoup de choses entre le résultat du premier tour et la tenue du second. «Il va y avoir un repositionnement des acteurs, les gens vont commencer à imaginer ce que ça veut dire un avenir sous une présidence Le Pen, Mélenchon, Macron ou Fillon», a-t-il conclu. - AfricaLog avec agence