Son combat lui a valu des procès, des séjours en prison et un passage à tabac en règle. Pendant quinze ans, Morgan Tsvangirai, décédé mercredi à l'âge de 65 ans, a incarné l'opposition au régime de fer de l'ex-président du Zimbabwe Robert Mugabe.
Premier ministre de "cohabitation" de 2009 à 2013, le chef du Mouvement pour un changement démocratique (MDC) a brigué à trois reprises la présidence. A chaque fois il a échoué, victime des fraudes ou des violences imputées au camp de son rival.
Nullement découragé, il voulait tenter sa chance une dernière fois cette année contre Emmerson Mnangagwa, qui a succédé à Robert Mugabe après sa démission en novembre.
Il a été emporté par la maladie avant cette tentative, victime d'un cancer du côlon qu'il combattait en Afrique du Sud.
Lors de toutes ses campagnes, Morgan Tsvangirai s'est présenté comme l'anti-Mugabe. Pourfendeur de la corruption du régime, il voulait aussi rompre avec les pratiques autoritaires de celui qui règne en maître absolu du pays depuis son indépendance en 1980.
Robert Mugabe lui a fait payer ces critiques très cher.
Poursuivi à plusieurs reprises pour "trahison" ou "complot contre le chef de l'Etat", l'opposant a fait plusieurs séjours en prison. Mais la justice l'a à chaque fois acquitté, au terme de longs procès.
Morgan Tsvangirai affirme aussi avoir fait l'objet de quatre tentatives d'assassinat.
En mars 2007, il a été arrêté et copieusement rossé par la police. La diffusion des images de son visage tuméfié soulève l'indignation de la communauté internationale, notamment des Etats-Unis et de l'Union européenne (UE).
"Ils ont brutalisé mon corps", a-t-il dit de son lit d'hôpital. "Mais ils ne briseront jamais mon esprit. Je me battrai jusqu'à ce que le Zimbabwe soit libre (...), il n'y a pas de liberté sans combat et il n'y a pas de liberté sans sacrifice".
L'année suivante, il passe tout près d'une victoire électorale historique. Au premier tour de la présidentielle, il rafle 47% des suffrages et devance Robert Mugabe (43%).
Aussitôt, les nervis du chef de l'Etat se déchaînent contre ses partisans, faisant quelque 200 morts dans leurs rangs. Face au risque d'embrasement, Morgan Tsvangirai préfère retirer sa candidature et laisser le champ libre à son rival.
Ce geste lui vaut les louanges du monde occidental. Son nom est même évoqué pour le prix Nobel de la paix.
D'autant plus qu'il accepte peu après de devenir le Premier ministre de Robert Mugabe, dans un gouvernement dit "d'union nationale", imposé par la communauté internationale soucieuse d'éviter une guerre civile au Zimbabwe.
Mais cette cohabitation contre-nature est un échec. Pendant quatre ans, Morgan Tsvangirai est incapable de faire entendre sa voix et de contester l'autorité du chef de l'Etat.
Robert Mugabe garde la main sur toutes les grandes décisions économiques et le contrôle exclusif de l'appareil sécuritaire, qui continue à réprimer ses critiques. Une expérience amère pour le MDC, qui en sort profondément divisé.
En 2016, Morgan Tsvangirai joue la transparence et annonce qu'il souffre d'un cancer du colon et suit une chimiothérapie.
Il a déjà été frappé par le destin en 2009. Trois semaines après avoir pris la tête du gouvernement, son épouse Susan est tuée dans un accident de voiture dont lui-même sort blessé.
Né le 12 mars 1952 dans une famille pauvre de la province orientale de Buhera, Morgan Tsvangirai est contraint de quitter adolescent l'école pour gagner sa vie et s'occuper de ses huit frères et soeurs plus jeunes.
Il commence à travailler comme tisserand puis devient contremaître.
Arrivé en politique par le syndicalisme, il n'a pas participé à la lutte des années 1970 pour l'indépendance du Zimbabwe, s'attirant le mépris de la génération Mugabe qui fonde sa légitimité sur ses faits d'armes contre l'ancien régime blanc.
Chef de la plus importante confédération du Zimbabwe (ZCTU), il acquiert la notoriété en organisant et en conduisant les grandes grèves nationales à la fin des années 1990.
En novembre dernier, Morgan Tsvangirai a surpris en s'affichant publiquement aux côtés d'Emmerson Mnangagwa, le successeur de son vieil ennemi Robert Mugabe. Lors de sa cérémonie d'investiture d'abord, puis en le recevant chez lui.
Mais il n'a pas renoncé à dénoncer les ambiguïtés du nouveau maître du pays, serviteur zélé du "camarade Bob".
"Il va devoir travailler très dur pour changer sa personnalité, de façon à pouvoir incarner l'avenir du pays et à se présenter en démocrate et en réformateur", avait-il prévenu. - AfricaLog avec agence