Arrestations de militants des droits de l'Homme, de journaliste et d'anciens députés: la tension monte au Niger où le président, qui vient d'obtenir une rallonge de son mandat, semble déterminé à faire taire toute forme d'opposition à l'approche des législatives.
"M. Tandja veut liquider les partis et tracer un boulevard pour ses enfants (...), tous ceux qui contrarient cet objectif sont arrêtés", a dénoncé cette semaine Mahamadou Issoufou, président du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), principale formation d'opposition. Jeudi, M. Issoufou a indiqué s'être vu interdire de quitter le territoire et confisquer son passeport par la police alors qu'ils se trouvait à l'aéroport de Niamey. Depuis que Mamadou Tandja a fait adopter par référendum le 4 août une nouvelle Constitution qui renforce ses pouvoirs et lui accorde au moins trois ans de plus à la tête du pays qu'il dirige depuis 10 ans, le Niger, secoué par une crise politique, vit au rythme des interpellations de figures clés de l'opposition et de la société civile. L'influent militant des droits de l'Homme Marou Amadou est ainsi incarcéré depuis la mi-août, après avoir appelé à la mobilisation contre la nouvelle Constitution. Il lui est officiellement reproché l'"administration d'une organisation non déclarée", le Front uni pour la sauvegarde des acquis démocratiques (Fusad), qu'il dirige. Le directeur de la revue privée Le Canard déchaîné, Abdoulaye Tiémogo est lui aussi détenu depuis près d'un mois, accusé d'avoir "discrédité une décision de justice" lors d'une intervention sur un média privé. M. Tandja, qui devait initialement se retirer en décembre sur un bilan politique et économique plutôt flatteur, a essuyé depuis l'annonce de son projet de référendum de vives critiques à domicile comme à l'étranger, auxquelles il semble indifférent. "Cette dégradation de la situation est la conséquence directe de la rupture de la démocratie (...) concrétisée par la promulgation le 18 août 2009 dune nouvelle Constitution", a estimé la présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de lHomme (FIDH), Souhayr Belhassen. Ces deux dernières semaines ont vu l'arrestation d'une trentaine de députés du parlement dissous en mai par Tandja, car il s'opposait au projet de référendum. De nombreux élus avaient indiqué vouloir "réhabiliter" leur Assemblée. Appréhendés pour de présumées malversations financières, les députés, pour la plupart des opposants, ont été libérés provisoirement sauf trois, écroués en début de semaine. L'opposition, qui accuse le président de vouloir instaurer une "monarchie" et dénonce une "chasse aux sorcières", estime qu'il s'agit de règlements de compte politiques à l'approche des législatives du 20 octobre. Par cette "cabale il (M. Tandja) veut disqualifier les hommes politiques", selon Bazoum Mohamed, un ex-député remis en liberté provisoire. "Il veut ôter toute crédibilité à ses opposants", a de son côté estimé Mamane Abou, directeur du principal hebdomadaire nigérien, Le Républicain. Mais pour le camp présidentiel, ces interpellations s'inscrivent dans une "opération main propre" du président, pour "l'assainissement de la vie publique". "Le développement du Niger en dépend, cette action doit être soutenue", a indiqué Issoufou Tamboura, porte-parole du parti au pouvoir, le Mouvement national pour la société de développement (MNDS). La Coordination des forces pour la démocratie et la république (CFDR), une coalition de partis politiques, ONG et syndicats opposés à l'action du président, affirme qu'une cinquantaine de ses militants sont détenus depuis des semaines. - AFP