La police sud-africaine est intervenue vendredi à Pretoria pour prévenir des affrontements entre riverains et immigrés lors d'une manifestation contre les étrangers, cibles d'une nouvelle vague de violences xénophobes qui a mis le pays sur le qui-vive.
Depuis deux semaines, des dizaines de bâtiments occupés par des étrangers, notamment des Nigérians, et soupçonnés d'abriter des maisons de passe ou du trafic de drogue ont été brûlés par des habitants en colère à Johannesburg et dans la capitale.
Ces attaques, qui n'ont pas fait de victime, sont fréquentes en Afrique du Sud, nourries par le fort taux de chômage et la pauvreté qui affecte la population des townships.
Réunis à l'appel d'un collectif d'habitants de Pretoria, environ un millier de personnes ont marché dans la matinée sur le ministère de l'Intérieur, en accusant les immigrés de leur voler leur travail et d'encourager la criminalité.
«Les Nigérians sont très mauvais, ils répandent la drogue dans nos communautés», a dénoncé une manifestante, Aysha Ali.
Le passage du cortège a provoqué de vives tensions dans certaines rues. «Les gens disent que nous, les étrangers, nous vendons de la drogue. Personne ne pourrait vendre de la drogue ici», a protesté un Somalien, Mohamed Abdi, 31 ans, «qu'ils viennent fouiller nos magasins!».
La police est intervenue en fin de matinée avec des tirs de balles en caoutchouc et de grenades assourdissantes ou lacrymogènes pour éviter toute bataille rangée entre les deux groupes.
Les forces de l'ordre restaient déployées en nombre dans plusieurs quartiers de Pretoria pour prévenir d'autres confrontations.
«La situation est sous contrôle», s'est réjoui le commandant en chef de la police sud-africaine, Khomotso Phahlane. Un total 136 personnes ont été arrêtées pour des actes de pillage ces deux derniers jours dans la province du Gauteng, où se trouvent Johannesburg et Pretoria, a-t-il ajouté.
Muet jusque-là , le président Jacob Zuma est intervenu vendredi pour condamner les violences et appeler au calme.
Il a toutefois reconnu l'existence d'un «gros problème» de criminalité dans le pays. «Notre peuple ne peut plus continuer à vivre dans la peur comme ça», a-t-il ajouté en promettant de renforcer la lutte contre le crime et le travail au noir.
«La cause essentielle de ces violences xénophobes, c'est l'échec du gouvernement à créer des emplois et à fournir à notre peuple une éducation de qualité», lui a rétorqué le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA).
La récente vague de violences a suscité une crise diplomatique avec le Nigeria, dont les ressortissants sont souvent la cible.
Abuja a convoqué jeudi l'ambassadeur sud-africain pour lui faire part de sa «profonde préoccupation» et exiger des mesures de protection de «vies et des biens des étrangers».
Des étudiants nigérians ont défilé jeudi en représailles dans la capitale nigériane, notamment devant les sièges des entreprises sud-africaines Multichoice (fournisseur de télévision par satellite) et MTN (téléphonie mobile).
«Tous les Sud-Africains du Nigeria doivent partir sous quarante-huit heures, sinon nous ne serons plus en mesure de garantir leur sécurité», a menacé leur responsable, Aruna Kadiri.
De nombreuses ONG d'aide aux étrangers ont demandé en vain aux autorités sud-africaines d'interdire la manifestation de vendredi qui, selon elles, ne pouvait que «renforcer les attitudes xénophobes et les attaques».
«Nous avons peur parce que nous connaissons les Sud-Africains», a confié jeudi soir un immigré de Pretoria, Alain Bome, 47 ans, originaire de République démocratique du Congo. «Nous avons décidé de ne pas quitter notre domicile».
La fondation Nelson Mandela a, au nom de l'icône de la lutte antiapartheid, appelé les Sud-Africains à la «mesure» et au «dialogue».
Les flambées de violence anti-immigrés sont récurrentes en Afrique du Sud, qui accueille des millions d'étrangers venus de tout le continent, souvent illégalement.
En 2015, sept personnes sont mortes lors de pillages visant des commerces tenus par des étrangers à Johannesburg et à Durban. En 2008, des émeutes xénophobes avaient fait 62 morts. – AfricaLog avec agence