Le camp présidentiel et le principal parti d'opposition togolais ont chacun revendiqué vendredi la victoire à l'élection présidentielle, provoquant une montée de la tension dans le pays, en l'absence de tout résultat officiel plus de 24 heures après le scrutin.
Le principal opposant Jean-Pierre Fabre, candidat du parti UFC (Union des Forces de Changement), a été le premier à crier victoire vendredi après-midi, une attitude qualifiée d'"inacceptable" par le parti au pouvoir RPT (Rassemblement du peuple togolais) du président sortant Faure Gnassingbé, qui a mis en garde contre le risque de "violences". Mais quelques heures plus tard, le porte-parole du gouvernement Pascal Bodjona affirmait à son tour sur la radio RFI que le président sortant avait "largement remporté" l'élection. La Céni (Commission électorale indépendante) n'avait toujours pas communiqué de résultats vendredi soir. Des membres de la Céni ont évoqué "des problèmes techniques", et promis des résultats "ce soir tard ou demain (samedi)". "Nous avons gagné la présidentielle du 4 mars 2010", a affirmé Jean-Pierre Fabre lors d'une conférence de presse au siège de son parti, à Lomé.
"La compilation des procès verbaux des bureaux de vote en notre possession donne une avance confortable au candidat de l'Union des forces de changement", a poursuivi M. Fabre, qui a affirmé avoir recueilli "une moyenne entre 75 et 80% des voix". L'opposant a également évoqué des "irrégularités constatées" dans le processus de vote, notamment des "bourrages d'urnes". "Je pense que c'est une plaisanterie (...), je pense que l'UFC a connu une déroute totale au regard de tout ce qu'on a comme procès verbaux", a commenté un peu plus tard sur RFI le porte-parole du gouvernement. "Tous les résultats que nous avons nous confirment que le président Faure a largement, je dis bien largement, remporté cette élection", a déclaré M. Bodjona, également ministre de l'Administration du territoire. Auparavant, le secrétaire général du RPT, Solitoki Esso, avait mis en garde contre "l'annonce de résultats fantaisistes, dans la perspective de préparer les esprits à la violence".
Après une campagne électorale paisible et un scrutin qui s'est déroulé dans le calme jeudi, la tension semblait être montée d'un cran dans la capitale. A l'extérieur du siège de l'UFC, dans le quartier populaire Bè, des centaines de jeunes chantaient des chants de victoire après la déclaration de M. Fabre. "Nous sommes libérés" criait une femme, "nous les avons battus KO", chantait un autre. Il y a cinq ans, une vague de violences avait éclaté à Lomé après l'annonce de la victoire contestée à la présidentielle de Faure Gnassingbé, quelques mois après la mort de son père, le général Gnassingbé Eyadéma, qui a régné sans partage sur le Togo pendant 38 ans. Les violences avaient fait 400 à 500 morts selon l'ONU. Selon Amnesty international des militaires avaient attaqué les domiciles de présumés opposants avant et après le scrutin, les frappant à coups de gourdin ou les tuant par balles. Le scrutin de jeudi apparaissait donc comme un test pour le pays, où la situation politique s'était décrispée, et avec qui les bailleurs de fonds ont progressivement renoué depuis 2007. Le Togo est un petit pays de 6,5 millions d'habitants. La majeure partie de sa population vit encore sous le seuil de pauvreté. - AFP