Le premier ministre français Manuel Valls a tenté jeudi de désamorcer plusieurs jours de polémique en payant le voyage de deux de ses fils, emmenés avec lui à bord d'un avion gouvernemental pour assister à Berlin à une finale de football.
«Si c'était à refaire, je ne le referais pas», a admis M. Valls, resté jusque-là immuable devant les charges des éditorialistes et de l'opposition de droite. «Et pour lever tout doute, j'ai décidé d'assumer la prise en charge pour mes deux enfants, soit 2500 euros», a-t-il ajouté, en marge d'une visite dans l'île française de La Réunion dans l'océan Indien.
Le responsable socialiste, amateur de football, n'a pas pour autant changé sa ligne de défense: la présence de ses fils sur le vol «n'a pas coûté un euro supplémentaire», a-t-il fait valoir. Et il s'agissait d'un «déplacement officiel», pour discuter avec le président de l'UEFA Michel Platini de l'organisation de l'Euro-2016 de football par la France, a-t-il réaffirmé, alors que des questions demeurent sur le caractère professionnel ou récréatif du voyage.
Dans une France en crise, l'escapade à Berlin samedi du chef du gouvernement pour assister au triomphe du club de Barcelone, son club de soccer fétiche, lors de la finale de la Ligue des Champions, a laissé un goût amer. Plus de trois Français sur quatre (77 %) se sont dits «choqués» par l'épisode, selon un sondage publié mercredi.
«Je suis sensible, bien sûr, à la réaction des Français, je me dois d'incarner un comportement parfaitement rigoureux», a reconnu M. Valls.
Reste à savoir si ce geste suffira à éteindre la polémique, venue d'un responsable politique qui a toujours érigé l'exemplarité, l'intégrité en valeurs cardinales.
«Personne n'a oublié les propos solennels de Manuel Valls, en juillet 2014 : «Quand on gouverne, on doit être exemplaire (...) Le premier ministre aurait été bien inspiré de s'appliquer à lui-même cette règle élémentaire d'éthique», a souligné le quotidien Le Monde.
La «faute» est d'autant plus «désastreuse», selon plusieurs éditorialistes, qu'elle renforce l'idée d'une classe politique déconnectée des réalités.
«L'effet s'avère dévastateur et accrédite l'impression que, décidément, il y a les puissants et les autres, ceux qui voyagent dans les Falcon de la République et ceux qui les regardent passer», relevait jeudi le quotidien régional L'Est républicain.
«Le jet privé c'est un symbole. Comme à une époque les cigares, ou la taille des appartements», souligne Arnaud Dupui-Castérès, expert en communication, président de la société Vae Solis. «Il y a des sujets sur lesquels l'opinion publique est d'une extrême sensibilité».
L'image de Nicolas Sarkozy a ainsi été durablement marquée par sa décision de fêter son élection à la présidence en 2007 au luxueux restaurant Fouquet's, avant de partir en croisière à bord d'un yacht prêté par l'homme d'affaires Vincent Bolloré.
En mettant la main à la poche, Manuel Valls a dit vouloir «mettre un point final à cette polémique pour (se) concentrer sur l'essentiel».
Son chef de la diplomatie et ex-premier ministre, Laurent Fabius, a évoqué une décision «sage» et le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, a salué un geste «symboliquement fort».
L'opposition s'est montrée moins convaincue.
«Que Valls rembourse tout, la demi-mesure n'a pas de sens», a réclamé sur Twitter l'un des vice-présidents du parti d'extrême droite Front national, Florian Philippot.
Les 2500 euros correspondent au tarif moyen sur un vol commercial aller-retour pour deux personnes, selon l'entourage du premier ministre. Mais le coût total de l'affrètement de l'avion gouvernemental est estimé entre 12 000 et 15 000 euros.
Manuel Valls «invente un nouveau dicton : faute avouée est à moitié remboursée», a brocardé Xavier Bertrand, l'un des responsables du parti d'opposition de droite Les Républicains.
Une association de lutte contre la corruption, le Front républicain d'intervention contre la corruption (FRICC), a annoncé son intention de déposer plainte contre Manuel Valls pour détournement de fonds publics. – AfricaLog avec agence