La tempête a fini par avoir raison de l'insubmersible Joseph Blatter: le patron de la FIFA a annoncé mardi qu'il renonçait à la présidence de l'instance, secouée par une série de scandales de corruption, mais qu'il continuera à exercer ses fonctions jusqu'à la désignation de son successeur.
M. Blatter, 79 ans, en poste depuis 1998 et pourtant réélu vendredi pour un cinquième mandat, a indiqué qu'il allait convoquer un congrès extraordinaire au cours duquel un nouveau patron sera désigné.
Ce congrès devrait se tenir entre décembre 2015 et mars 2016.
Le New York Times et ABC News ont fait état mardi d'une enquête du FBI visant directement le Suisse, la télévision américaine précisant qu'il est dans le collimateur pour les faits de corruption et de pots-de-vin qui ont mené aux arrestations de mercredi dernier.
Au fil des ans et des affaires, Sepp Blatter a souvent filé la métaphore du capitaine qui n'abandonne pas son navire, quelle que soit la violence des éléments contraires. Mais cette fois, c'en était trop. La mise en cause directe de son bras droit, Jérôme Valcke, N.2 de l'instance, a précipité sa démission.
«Bien que les membres de la FIFA m'aient conféré ce mandat, ce mandat n'a pas le soutien de l'intégralité du monde du football, j'entends par-là des supporters, des joueurs, des clubs et de tous ceux qui vivent, respirent et aiment le football autant que nous tous à la FIFA. C'est pourquoi je remettrai mon mandat à disposition lors d'un Congrès électif extraordinaire», a déclaré M. Blatter en français lors d'une courte conférence de presse.
Très rapidement, Michel Platini, président de l'UEFA et ennemi déclaré de Blatter, a fait part de sa satisfaction. «C'était une décision difficile, une décision courageuse, et la bonne décision», a dit le Français, dont le nom va inévitablement resurgir comme possible futur président.
Valcke mis en cause
Le départ annoncé de celui que l'on pensait insubmersible a par ailleurs provoqué nombre de réactions, très largement positives. «C'est une excellente nouvelle», a ainsi jugé le président de la fédération anglaise (FA) Greg Dyke.
«Bonne nouvelle» aussi pour le Néerlandais Michael Van Praag, un temps candidat pour le scrutin de vendredi dernier, lors duquel Blatter avait obtenu un cinquième mandat face au prince jordanien Ali Bin Hussein. L'équipe de celui-ci a d'ailleurs assuré qu'il était «prêt à prendre la tête de la FIFA à tout moment, si on lui demande».
De son côté, le Portugais Luis Figo, lui aussi un temps prétendant à la succession de Blatter, a salué «un bon jour pour la FIFA et le football. Le changement arrive enfin».
La Concacaf, Confédération d'Amérique du Nord, centrale et Caraïbes, s'est dite prête à aider à la «reconstruction» de la FIFA et la Confédération sud-américaine de football (Conmebol) a appelé à «l'unité»pour oeuvrer à la rénovation de la FIFA.
Plusieurs commanditaires de la FIFA --Coca-Cola, Adidas, Visa et McDonald's-- ont également salué «un pas dans la bonne direction» pour restaurer une confiance ébranlée, tandis que le président du Comité international olympique (CIO) Thomas Bach a dit «respecter» la décision et s'est félicité des «réformes nécessaires» que le Suisse dit vouloir lancer d'ici à son départ.
Car en attendant ce congrès extraordinaire, M. Blatter se dit «libre des contraintes qu'impose inévitablement une élection» et «en mesure de se concentrer sur la mise en oeuvre des ambitieuses et profondes réformes qui transcenderont nos premiers efforts en la matière».
Domenico Scala, le président du comité d'audit et de conformité de la FIFA, a précisé que ce congrès extraordinaire se tiendrait entre décembre 2015 et mars 2016. Le prochain congrès ordinaire était prévu au Mexique en mai 2016, une date jugée trop lointaine par Blatter.
La démission du Suisse intervient quelques heures à peine après de nouvelles accusations du New York Times visant cette fois le Français Jérôme Valcke, secrétaire général de la FIFA et bras droit du président.
Le quotidien américain a accusé Valcke d'être le responsable d'un virement de 10 millions de dollars sur des comptes gérés par l'ancien vice-président de l'organisation Jack Warner, mis en cause par la justice américaine dans un scandale de corruption.
Dans un communiqué mardi matin, la FIFA avait tenté de dégonfler ces accusations en affirmant que Valcke n'était en rien en cause dans ce virement et qu'il ne s'agissait que d'un projet d'aide à la diaspora africaine dans les Caraïbes, au nom de l'Afrique du Sud.
Mais la dernière réplique du tremblement de terre de mercredi dernier a donc été la plus terrible. Ce jour-là , tout avait commencé vers six heures du matin, lorsque des policiers suisses opérant à la demande des autorités américaines ont interpellé à leur hôtel de Zurich sept des principaux dirigeants de la FIFA.
Pas indestructible
Ces interpellations, à deux jours du scrutin présidentiel à la FIFA, ont été orchestrées par la justice américaine enquêtant sur des faits de corruption remontant à près de 25 ans. Au final, neuf élus de la FIFA et cinq partenaires de l'instance mondiale du football ont été inculpés.
Le même jour, les locaux de la FIFA avaient été perquisitionnés, cette fois dans le cadre d'une procédure pénale suisse distincte pour soupçon «de blanchiment d'argent et gestion déloyale» entourant les attributions des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar.
Blatter était pourtant resté debout. Mieux, il avait été réélu vendredi, tout juste contraint à un deuxième tour par son seul challenger, le prince Ali, qui annonçait son retrait avant même ce deuxième tour.
Entré à la FIFA en 1975 comme directeur des programmes de développement, Blatter la dirigeait depuis 1998. Il a traversé tellement de crises, du scandale MasterCard aux attributions des Mondiaux 2018-2022 en passant par l'affaire ISL, que beaucoup le pensaient indestructible.
L'ère Blatter est donc sur le point de finir mais les procédures pénales en cours, elles, continuent. Dans un communiqué, les autorités suisses ont indiqué que sa démission n'avait «pas d'incidence» sur l'enquête en cours.