Le président français François Hollande tentait mercredi de maintenir l'unité du pays face au risque de tensions religieuses après l'égorgement d'un prêtre dans une église perpétré par deux jihadistes, au moment où les appels à durcir l'arsenal sécuritaire se multiplient.
Réunis mercredi à l'Élysée, les représentants des différentes religions ont demandé au président socialiste une sécurité renforcée des lieux de culte et affiché leur unité.
Le recteur de la grande mosquée de Paris Dalil Boubakeur a fait part de la «sidération» des musulmans devant «un sacrilège blasphématoire». L'archevêque de Paris Monseigneur Vingt-Trois a estimé que les croyants de France «ne doivent pas se laisser entraîner dans le jeu politique» du groupe Etat islamique (EI) qui «veut dresser les uns contre les autres les enfants d'une même famille».
«En s'attaquant à un prêtre, on voit bien quel est l'objectif: jeter les Français les uns contre les autres, s'attaquer à une religion pour provoquer une guerre de religions», avait estimé dès mardi le premier ministre Manuel Valls.
François Hollande a également réuni mercredi un Conseil de sécurité et de défense pour étudier d'éventuelles nouvelles mesures de protection des lieux de culte. Mardi soir, le président, dont la tâche est compliquée par son impopularité, avait exhorté les Français à ne pas se diviser.
La presse française a demandé des «actes» au gouvernement et aux Français de «faire bloc» alors que les attentats se multiplient depuis dix-huit mois contre le pays, engagé dans la coalition militaire internationale contre l'EI en Irak et en Syrie. C'est la première fois qu'un lieu de culte catholique est attaqué en Europe par des jihadistes.
Moins de deux semaines après le carnage de Nice (84 morts, plus de 350 blessés) perpétré par un Tunisien et revendiqué par l'EI, deux assaillants ont égorgé mardi un prêtre de 86 ans, Jacques Hamel, dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, banlieue ouvrière de Rouen (nord-ouest). Parmi les agresseurs jihadistes, figure un Français de 19 ans connu des services antiterroristes et qui habitait à moins de deux kilomètres de l'église visée.
Au préalable, les deux assaillants, abattus par la police alors qu'ils criaient «Allah Akbar» (en arabe: «Dieu est le plus grand»), avaient pris dans l'église six personnes en otages, dont le prêtre, trois religieuses et un couple de paroissiens, dont l'homme a été grièvement blessé par les jihadistes.
La France, parfois qualifiée de «fille aînée de l'Église» catholique, est le pays d'Europe avec la plus forte communauté musulmane (environ 5 millions) et juive (plus de 500 000 personnes).
«Le vrai risque, c'est une radicalisation d'une partie de l'opinion catholique, dont une part non négligeable déjà vote Front national», le parti d'extrême droite, juge Odon Vallet, historien français des religions. «Désormais, il pourrait y avoir une opinion catholique, non pas unanime, mais assez importante qui demande des actes plus forts à l'égard de l'islamisme violent, avec le risque de s'en prendre à la communauté musulmane. Et c'est ce que cherche Daech (acronyme arabe de l'État islamique): diviser et dresser musulmans contre catholiques».
Mais sur le terrain politique, où la tension monte à l'approche de la présidentielle d'avril 2017, la polémique enclenchée au lendemain de l'attentat de Nice le 14 juillet a déjà rebondi: l'opposition de droite et d'extrême droite mettent chacune en cause l'efficacité de la politique antiterroriste du gouvernement.
Le seul jihadiste identifié à ce jour, Adel Kermiche, était déjà inculpé pour avoir tenté à deux reprises, en 2015, de se rendre en Syrie. Il était assigné à résidence avec un bracelet électronique depuis mars, après une dizaine de mois en prison. La police cherche toujours à identifier le deuxième assaillant.
L'ancien président de droite et chef du parti républicain, Nicolas Sarkozy, a de nouveau plaidé mercredi pour «un autre degré de riposte», dans un entretien au journal Le Monde. Il avait demandé la veille à l'exécutif «de mettre en oeuvre toutes les propositions» que la droite a «présentées depuis des mois» et de renoncer aux «arguties juridiques».
Tout en défendant son action, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a rejeté l'idée d'une mise en rétention des personnes fichées pour radicalisation: «c'est anticonstitutionnel» et par ailleurs «ce serait totalement inefficace».
Le président Hollande a lui-même affirmé mardi que «restreindre nos libertés, déroger à nos règles constitutionnelles, n'apporterait pas d'efficacité à la lutte contre le terrorisme», en dénonçant «les surenchères, les polémiques, les amalgames et les suspicions».
Frappée trois fois en 18 mois par des attentats jihadistes sans précédent (17 morts en janvier 2015, 130 le 13 novembre, 84 le 14 juillet), la France reste sous une «menace très élevée», a répété mardi François Hollande. – AfricaLog avec agence