Au cœur de la marche de l’opposition guinéenne | Alog News | www.africalog.com
home

Au cœur de la marche de l’opposition guinéenne

Feb 20, 2013
Au cœur de la marche de l’opposition guinéenne

Le 18 février, l’opposition réunie au sein du Collectif des partis politiques pour la finalisation de la Transition, de l’Alliance pour la démocratie et le Progrès et le Club Des Républicains, comme annoncé, a marché sans incidents majeurs, sur l’autoroute Fidel Castro de Conakry. AfricaLog était dans la chaleur de la marche. Un communiqué du gouvernement indique que 4000 agents des forces de l’ordre ont été déployés pour canaliser les manifestants.

Le cortège des opposants : Cellou Dalein Diallo, le président de l’UFDG, Faya Millimouno, président du BL (Bloc Libéral), Mouctar Diallo, le président des NFD (Nouvelles Forces Démocratiques), Jean-Marc Telliano, le président du Rassemblement Intégré pour le Développement de la Guinée, (RDIG), Boubacar Barry, le président de l’UNR (Union nationale pour le Renouveau), Aboubacar Sylla, le président de l’UFC (Union des Forces du Changement) et porte-parole de l’opposition, Charles Pascal Tolno, le président du PPG (Parti pour le Progrès de la Guinée) et Ibrahima Kassory Fofana de Guinée Pour Tous (GPT)s’est rendu au rond-point de l’aéroport international de Conakry-Gbessia. Les opposants y ont mobilisé leurs partisans pour marcher jusqu’à l’esplanade du Palais du peuple. De 10h aux environs de 15h.

La marche a paralysé quatre communes sur les cinq que connaît Conakry. Aucun véhicule ne roulait sur l’autoroute encore moins sur la route Leprince, les deux principales voies de la capitale guinéenne, même si le matin certains habitants se sont rendus à leurs différents lieux de travail.

Les manifestants exigent le départ de l’opérateur Waymark chargé de la révision du fichier électoral de 2010, mais qu’ils accusent d’avoir été recruté dans des conditions opaques. Ils réclament le vote des Guinéens de l’étranger, le fonctionnement normal de la CENI, l’organe chargé des élections en Guinée.

Les marcheurs se sont exprimés sur des pancartes, dont les slogans n’étaient pas favorables ni au gouvernement ni à Philippe Van Damme, le Chef de la Délégation de l’Union européenne en Guinée. Celui-ci est accusé d’être corrompu par le pouvoir. Les manifestants et le président du RDIG, Jean-Marc Telliano, ancien ministre de l’Agriculture récemment limogé par le Président Alpha Condé, ont même demandé que M. Van Damme soit chassé en Guinée comme il l’aurait été ailleurs.
Les milliers de partisans de l’opposition ont bravé le soleil et la soif, pour battre le pavé jusqu’au Palais du peuple de Conakry, en traversant plusieurs quartiers de cet axe, sur une dizaine de kilomètres.

Si les agents n’avaient pas accompagné les opposants lorsqu’ils se rendaient à l’aéroport à partir de la route Leprince, à partir de l’aéroport, au moins cinq pick-up des agents de sécurité ont suivi leur cortège, sans réprimer les manifestants.

Des partisans de la mouvance ont regardé la foule compacte passer, sans se résigner. Certains parmi eux ont tenté de perturber la marche quoique le ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Kalifa Gassama Diaby, les en avaient dissuadé dans la matinée. En disant qu’empêcher les autres de manifester est un signe de désobéissance civile. D’autant que le Président Alpha Condé, a autorisé la marche.

Kalifa Gassama Diaby a estimé que les partisans du pouvoir doivent respecter la décision du Président Alpha Condé. Arguant que manifester ne signifie pas avoir toujours raison. Mais sa consigne n’a pas été totalement suivie, puisque des partisans de la mouvance présidentielle à la Casse ont échangé des jets de pierre avec les marcheurs, endommageant les pare-brises de quelques véhiculés, stationnés dans les environs.

Mais les perturbateurs de la Casse ont été maîtrisés, sans violence, par les gendarmes et les policiers, qui étaient fortement déployés dans les environs. (Voir photo)


Le 20 septembre 2012, c’est à cet endroit qu’il y a eu plusieurs échanges de jets de pierre entre partisans de l’opposition et ceux du pouvoir. Les agents des forces de l’ordre sont intervenus pour disperser les assaillants à coup de gaz lacrymogène. Cette fois-ci la stratégie aura été de les maîtriser par une ceinture de sécurité.

C’est à 13h 50 que le cortège a fait son entrée à l’Esplanade du Palais du peuple, où dans une sono parfaite, d’autres militants attendaient les opposants. Parmi les responsables de partis politiques à la tribune, l’écrivain Tierno Monenembo qui s’est confié: «Je suis enthousiaste de voir le peuple de Conakry tout entier, sortir réclamer la liberté, la démocratie et des élections libres et transparentes. C’est un espoir pour l’avenir.» Il déclare qu’en tant que personne libre et indépendante, il se réclame de l’opposition en tant qu’individu: «Je suis en accord au point de vue des idées, de l’action, avec l’opposition Guinéenne. Voici la preuve ! Quand je dis que le président Alpha Condé n’a pas les compétences requises pour diriger un pays. La preuve est là ! Tous les Guinéens sont dehors aujourd’hui pour lui dire la même chose que moi. J’ai entendu dire : Alpha Condé, zéro. En deux ans et demi de pouvoir, cet homme n’a rien proposé de bon à la Guinée. C’est un mauvais gestionnaire. Il n’a pas de vision. Il est ethnostratégique, incompétent, mesquin et cruel.»

A l’Esplanade du Palais, ce sont au total huit leaders ou représentants de partis politiques qui se sont succédé au micro.

Charles Pascal Tolno, le président du PPG a demandé une minute de silence pour les victimes guinéennes pour l’instauration de la démocratie et pour les 11 officiers et sous-officiers qui ont péri le 11 février, dans un crash d’avion à Monrovia, au Libéria.

Aboubacar Sylla, le président de l’UFC a exhorté les partisans à la persévérance pour des élections libres et transparentes et la mise en place d’une Assemblée indépendante qui contrôle les actions du pouvoir. Et que leur mobilisation est un signal fort qu’ils adressent au pouvoir pour lui dire,«plus jamais la Guinée ne sera comme avant, plus jamais la Guinée ne sera un pays de dictature, un pays d’ethnocentrisme.» L’opposant espère que le message sera compris par le pouvoir, avant de menacer: «Dès la semaine prochaine, nous allons reprendre la rue.»

Jean-Marc Telliano, le président du RDIG a, entre autres, déclaré que la présente manifestation «n’est qu’un début du commencement» avant de poursuivre: «Nous voulons des élections transparentes, crédibles, nous voulons le départ de Waymark, le vote des Guinéens de l’étranger. Nous voulons le départ de Van Damme qui veut mettre le feu en Guinée. Van Damme a été chassé dans les autres pays, il faut qu’on le chasse ici. Aujourd’hui, ce système veut opposer les Guinéens, refusons cela (…) Le pays va mal. Quand le pays va mal, il faut faire un vrai changement. Et le changement, c’est avec le Collectif, l’ADP et le CDR. Préparez-vous pour lundi prochain.»

Ibrahima Kassory Fofana de GPT a plaidé pour l’unité nationale des Guinéens avant de dire: «La caravane que nous avons conduite de l’aéroport au Palais du peuple est une caravane respectable et respectée. La caravane est passé même si le chien a aboyé. Cette manifestation, dit-il, au-delà d’une marche, a des allures d’une insurrection civile. Le peuple de Guinée exige la démocratie, la transparence des élections. Il dit non au système de gouvernance actuelle, fondé sur l’exclusion (…) avec la mise en place des milices au service de la République». Kassory Fofana a dénoncé aussi la mise en «place dans l’administration d’un système RPG, totalement dictatorial». Le début du «changement a commencé,» a-t-il martelé.

Bakary Goyo Zoumanigui, le Secrétaire général de l’UFR, a invité les militants au nom de Sidya Touré, à rester mobilisés pour les «autres actions qui seront déterminées par l’opposition, parce que notre lutte est juste.»


Le discours de Cellou Dalein Diallo, le principal opposant du pouvoir, a clos la rencontre. Sur un ton révolté voire menaçant, il a déclaré à ses amis du Collectif, de l’ADP et du CDR, qu’ils ont de quoi se réjouir, au regard de la forte mobilisation. Aux jeunes et aux femmes de Conakry qu’il a remercié, il a dit: «En vous mobilisant comme vous l’avez fait, vous avez adressé un message à M. Alpha Condé. J’espère qu’il pourra le déchiffrer et prendre les dispositions nécessaires pour que notre pays aille, dans un climat apaisé, à des élections libres et transparentes. La manifestation d’aujourd’hui qui a été suivi dans l’ensemble du territoire, n’était qu’une opération test. Parce que depuis septembre, nous n’avons pas fait de manifestation. Parce que nous avions voulu faire confiance à la CENI qui venait d’être mise en place et nous pensions que M. Alpha Condé allait reprendre le chemin du dialogue et de la concertation afin qu’il soit évité à notre peuple des affrontements susceptibles de déboucher sur des violences incontrôlées.» Il a réaffirmé au nom de l’opposition: «Nous voulons par cette marche, dénoncer l’exclusion dont le pouvoir de M. Alpha Condé est coutumier depuis qu’il est au pouvoir. Nous voulons un pouvoir qui cultive et fait prospérer la fraternité entre les ethnies, entre les citoyens de ce pays. Nous ne voulons pas que notre Guinée soit divisée. Nous voulons l’instauration de l’Etat de droit.»

Le leader de l’UFDG a regretté que le Président qui a juré de respecter et de faire respecter la constitution, la viole, refuse le «dialogue et insulte l’opposition en traitant les leaders comme des chiens. Nous sommes des citoyens dignes de respect de considération. Il n’a pas le droit de nous traiter de chiens en disant que nous sommes en train d’aboyer. Nous lui demandons de faire preuve de sagesse, de se considérer comme le Président de tous les Guinéens, de cultiver l’entente, la solidarité et la fraternité, d’arrêter l’exclusion qu’il pratique depuis qu’il est au pouvoir.»
Cellou Dalein Diallo a même menacé: «Si le pouvoir n’arrête pas le fait accompli, le forcing auquel il est en train de se livrer dans le cadre de la préparation des élections législatives, nous allons reprendre la rue la semaine prochaine…» Et d’ajouter : «Si M. Alpha Condé s’obstine à violer les lois, on demandera son départ.»

Soulignons que l'entrée de Kaloum, située au niveau du quartier Tombo I, était complètement bouclée par des policiers et des gendarmes. Ces agents filtraient toutes les entrées. (Voir photo)
L'appel à la ville morte de ce 19 février a été très peu suivi, dans la commune de Ratoma, le fief à Conakry, de l'opposant Cellou Dalein Diallo. Plusieurs boutiques et magasins du grand marché Madina de Conakry sont restés fermés.

Bilan

A Conakry, un bilan fait état de six blessés. Un autre a parlé de sept. Mais des deux cas, aucune hospitalisation n’a été signalée par nos différentes sources médicales auprès des deux principaux hôpitaux de Donka et d’Ignace Deen.

A Kankan, une source sous le couvert de l’anonymat, nous a indiqué que le siège du PEDN de M. Lansana Kouyaté, situé dans le quartier Kabada 1, a été saccagé par des militants du RPG (Rassemblement du Peuple de Guinée). Les mécontents seraient contre le ralliement du leader du PEDN à l’opposition alors qu’il a été un allié fidèle de l’alliance Arc-en-ciel au second tour de la présidentielle de 2010. Une source témoigne qu’une partie des équipements du siège du PEDN a été brûlée, les hangars des alentours aussi.

Notre source affirme que la scène s’est passée sous l’indifférence des autorités ainsi que des agents de sécurité. Cette information a néanmoins été démentie par une autre source qui a affirmé que les gendarmes et les policiers ont bel et bien intervenu pour disperser les jeunes en colère. Cette source a malheureusement confirmé l’attaque du siège du PEDN.

AfricaLog.com