Le gouvernement camerounais a émis lundi des doutes sur l'identité et les motivations des ravisseurs des 10 personnes, enlevées dans la région de Bakassi, ravisseurs qui affirment être prêts "garder les otages" jusqu'à l'ouverture de négociations.
"L'existence médiatique de ce fameux groupe --des Bakassi Freedom Fighters (BFF)-- est avérée mais il faut maintenant vérifier son existence réelle et savoir ce qui se cache derrière: s'agit-il, par exemple, d'un groupe de trafiquants?", a affirmé à l'AFP une source proche de la présidence camerounaise sous couvert de l'anonymat. "Beaucoup de missions de la Commission des Nations unies (chargée du suivi du processus de rétrocession de la péninsule de Bakassi) sont descendues sur le terrain, mais à aucun moment, on n'a relevé l'existence d'un groupe qui s'appellerait les BFF", a-t-elle ajouté alors que la radio gouvernementale annonçait dans son journal du matin que le gouvernement ne connaissait pas le mouvement. "Elles (les autorités camerounaises) disent ne pas me connaître? C'est de la diplomatie politique", a rétorqué le chef des BFF, le commandant Ebi Dari, joint par l'AFP par téléphone depuis Libreville. "Elles ne veulent pas admettre le fait qu'il y a une lutte à Bakassi. Il y a une lutte et elles le savent", a-t-il ajouté, rappelant que son groupe avait "déjà tué des soldats". Les BFF avaient notamment revendiqué les attaques de juin et juillet dans la péninsule qui avaient coûté la vie à 7 soldats camerounais et un sous-préfet. "Les autorités ne nous ont toujours pas contacté. J'ai été clair: je garderai les otages tant que le gouvernement du Cameroun ne me contacte pas et ne parle pas avec moi", a-t-il conclu. Le quotidien privé Le Jour croit savoir que "des +officiels camerounais+ sont rentrés en contact avec les Bakassi Freedom Fighters, courant avril et juillet 2008", mais s'interroge: "Qui sont ces +officiels+?". La France a estimé samedi qu'il était "de plus en plus crédible" que les BFF détenaient bien les 10 otages, employés du secteur pétrolier. Toutefois, Paris se montre très discret et le ministre de la Défense Hervé Morin a notamment déclaré dimanche: "Le mieux est d'en dire le moins possible. Nous suivons la situation avec beaucoup d'attention, une cellule de crise a été constituée. Nous avons un dialogue avec l'armateur, avec les autorités politiques locales et nous examinons la situation heure par heure. Mais permettez-moi de considérer que moins on en dit, mieux on se porte." Selon la radio nationale camerounaise, l'ambassadeur de France Georges Serre s'est entretenu lundi pendant 40 minutes avec le président camerounais Paul Biya sur l'affaire des otages. Les 10 otages ont été capturés dans la nuit du 30 au 31 octobre sur un navire du groupe français Bourbon, le Bourbon Sagitta, opérant sur un terminal pétrolier, au large de la péninsule de Bakassi. Sept des otages sont français, dont un franco-sénégalais, deux sont camerounais et le dernier est tunisien. Les ravisseurs ont déclaré à plusieurs reprises que ceux-ci étaient "en bonne santé". La péninsule de Bakassi, dont les eaux sont potentiellement riches en pétrole et gaz, est une région de mangrove instable dans le delta du fleuve Niger où de nombreux groupes armés sont actifs. Elle a été rétrocédée au Cameroun par le Nigeria le 14 août après quinze ans d'un différend frontalier. Les BFF estiment que cette rétrocession s'est faite sans consulter les populations. Un représentant des BFF avait menacé le 31 octobre d'exécuter les otages avant que le commandant Dari ne revoie la position du groupe. Au Nigeria voisin, des groupes armés multiplient depuis 2006 enlèvements d'employés du secteur pétrolier, attaques d'installations et sabotages dans le Delta du Niger, région pétrolière du sud du pays.