Le frère du président togolais, le député Kpatcha Gnassingbé, arrêté mercredi matin devant l'ambassade américaine, a été inculpé dans la soirée de "complot" et de "tentative d'attentat contre la sûreté de l'Etat", dans ce qui semble être un nouvel épisode d'une profonde et ancienne rivalité familiale.
Dans un communiqué, le procureur de la république Robert Bakaï a indiqué que "les investigations ont révélé des indices graves et concordants impliquant l'honorable député comme organisateur" d'un complot. "Une information a été ouverte pour tentative d'attentat contre la sûreté de l'Etat, groupement de malfaiteurs, rébellion, violences volontaires avec usage d'armes à feu, et complicité de violences volontaires", poursuit le procureur selon lequel Kpatcha Gnassingbé "est à la disposition de la justice". C'est en se présentant à la mission diplomatique américaine que l'"honorable député" a été interpellé, malgré son immunité parlementaire. Dans une "mise au point" en français, l'ambassade a confirmé en soirée lui avoir refusé l'asile estimant que "cette affaire relève de la seule compétence interne togolaise". Une opération menée par des gendarmes fortement armés avait visé son domicile dans la nuit de dimanche à lundi, dans le but officiellement d'arrêter des personnes soupçonnées d'"atteinte à la sûreté de l'Etat". Une seconde expédition avait été menée tard mardi soir, mais Kpatcha avait pris le large avant l'arrivée des forces de l'ordre. Les autorités avaient renforcé mercredi le dispositif policier autour des missions diplomatiques à Lomé, visiblement pour éviter qu'il y trouve refuge. Selon un spécialiste du Togo, beaucoup de choses opposeraient Kpatcha et son président de frère, Faure Gnassingbé, depuis le décès de leur père, Gnassingbé Eyadéma en février 2005. Eduqué aux Etats-Unis, Faure, après des débuts difficiles (d'abord imposé par les généraux, il avait été élu lors d'une élection contestée marquée par des violences), a su décrisper une situation politique bloquée avec l'opposition. Des discussions sont d'ailleurs en cours avec les principaux partis d'opposition, surtout l'Union des forces de changement (UFC) de Gilchrist Olympio. Depuis l'assassinat en 1963 du père de ce dernier, Sylvanus Olympio, premier président du Togo indépendant, lors d'un coup d'Etat auquel avait participé le futur président Eyadéma, la politique togolaise était cadenassée par cette guerre entre les deux familles. Héritier du système politico-militaire de son père, Faure Gnassingbé a cependant réussi à imprimer une marque plus "moderniste" et "ouverte", indique un bon connaisseur du pays qui cite, pour preuve, la relative bonne tenue des législatives de 2007 et la reprise des relations avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, notamment l'Union européenne qui avait coupé les ponts en 2003 pour "déficit démocratique". Kpatcha représenterait en revanche l'aile plus "conservatrice" du système légué par celui qui avait dirigé fermement le pays pendant 38 ans. Elu en octobre 2007 député de la circonscription de Kara (nord), fief du parti au pouvoir RPT et surtout de la famille Eyadéma, il était jusque-là considéré comme un incontournable "poids lourd" du parti. Kpatcha, qui a un temps dirigé la zone franche du port de Lomé, a surtout été ministre de la Défense de 2005 à 2007, un poste sensible dans un pays où l'armée a un rôle important et dont il a été écarté. Signe de la gravité de la situation, le président avait décidé dès dimanche de reporter son départ dans la soirée pour Pékin. Il ne s'est pas encore exprimé sur cette affaire. - AFP