Avec des relations sans éclats entre chrétiens de différents courants et adeptes d'autres religions, le Cameroun fait figure de terre de dialogue interconfessionnel, contrairement au Nigeria, pays voisin, régulièrement confronté à des violences opposant chrétiens et musulmans.
Aucun conflit inter-religieux n'a été signalé au Cameroun, où catholiques, protestants et musulmans animent des groupes de travail commun au plan national. L'imam Ibrahim Moubarak Mbombo, responsable de l'Union islamique du Cameroun (UIC), observe même plutôt des liens de solidarité. "Lorsque des chrétiens démunis s'adressent à nous, nous les assistons", témoigne-t-il. Selon lui, la communauté musulmane, très majoritairement sunnite, représente aujourd'hui entre 42 et 45% de la population, soit autant que la communauté chrétienne, dans ce pays de quelque 18,5 millions d'habitants. La communauté chrétienne sait aussi se montrer disponible, ajoute l'imam, citant le cas de Buea (sud-ouest), où un chrétien a aidé financièrement la communauté musulmane à construire une mosquée. Le mécène "s'était rendu compte que les catholiques et protestants de la ville avaient des églises mais que les musulmans n'avaient pas de mosquée, faute de moyens", raconte M. Mbombo. Dans les groupes de travail multi-confessionnels, on ne se rassemble pas pour parler de théologie mais pour "travailler sur des thèmes comme la lutte contre la corruption, les violences faites aux femmes et essayer ensemble de trouver des solutions", explique le sociologue catholique Pierre Titi Nwel. Dans un récent ouvrage, ce professeur à l'Université catholique d'Afrique centrale (Ucac) a cité le cas de la campagne de sensibilisation sur les "phénomènes de tribalisme et de corruption au Cameroun" organisée pendant sept semaines en 2001 par les responsables catholiques, protestants et musulmans. Pour l'imam Mbombo, cette coexistence pacifique s'explique en grande partie par le "côté multi-ethnique" du Cameroun, dont les 263 ethnies ont l'habitude de dialoguer depuis longtemps. Dans la vie quotidienne, les mariages inter-religieux sont ainsi à l'image des mariages inter-ethniques: naturels et courants, explique l'imam, citant l'exemple d'un ministre musulman originaire du Nord du pays dont une tante, originaire du Sud, est chrétienne. M. Mbombo remarque qu'il arrive néanmoins que des discours extrémistes "se transportent" au Cameroun, particulièrement dans les zones frontalières avec le Tchad et le Nigeria, vaste pays anglophone souvent en proie à des affrontements religieux marqués par des morts et destructions de lieux de culte. En décembre dernier, au moins 200 personnes avaient été tuées dans des violences du même genre à Jos (centre du Nigeria). Au Cameroun en 2004, un groupe de jeunes avait mis en circulation des tracts anti-chrétiens dans la province de l'Extrême-Nord, voisine du Nigeria, où les musulmans sont plus nombreux. Mais les responsables de la communauté musulmane avaient vite réagi et assuré les instances chrétiennes de leur soutien, étouffant le début de panique. "Les musulmans extrémistes sont contrôlés par les sunnites qui, eux, sont paisibles", analyse Pr Titi Nwel. L'imam Ibrahim Moubarak Mbombo prône un renforcement des liens interconfessionnels pour "protéger" le "pacifisme inter-religieux" du Cameroun: "Nous devons absolument mettre des chantiers communs de lutte contre la pauvreté pour empêcher les discours extrémistes, chrétiens comme musulmans, de se développer", déclare-t-il. - AFP