La Guinée-Bissau a emprunté mardi la voie constitutionnelle choisissant le président de l'Assemblée nationale Raimundo Pereira comme chef d'Etat par intérim, après l'assassinat la veille de Joao Bernardo Vieira.
M. Pereira, jusque là président de l'Assemblée, a prêté serment mardi en fin d'après-midi comme chef de l'Etat par intérim, devant les députés, en présence du Premier ministre Carlos Gomes Junior et d'une délégation de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) à qui il s'est notamment adressé dans son discours d'investiture. "Au CPLP (Communauté des pays de langue portugaise), à la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), l'UA (Union africaine), l'ONU et la communauté internationale en général, je vous demande de ne pas abandonner la Guinée-Bissau", a-t-il déclaré. "Je vais assumer les fonctions de chef d'Etat jusqu'à l'organisation des prochaines élections qui marqueront le retour de la Guinée-Bissau à une vie constitutionnelle normale", a précisé ce juriste de formation, âgé de 52 ans. Selon la Constitution, les présidentielles doivent être organisées dans les 60 jours dans ce pays pauvre et instable déjà fragilisé par le trafic de cocaïne sud-américaine à destination de l'Europe. Outre la mission de la Cédéao, une délégation de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) est arrivée à Bissau pour discuter d'un "appui (...) dans l'organisation des élections". Le président Vieira, démocratiquement élu en 2005 après avoir dirigé le pays d'une main de fer de 1980 à 1999, a été tué par balles par des militaires lundi à l'aube, quelques heures après un attentat à la bombe qui a coûté la vie au chef d'état-major de l'armée, le général Tagmé Na Waié. Une minute de silence a été observée au début de la cérémonie d'investiture, à leur mémoire. M. Pereira a rendu "un vibrant hommage" à ces "deux valeureux combattants de la libération de notre pays", ancienne colonie portugaise. Mardi, 70 des 100 députés de l'Assemblée ont voté en faveur de l'application de la Constitution, malgré les critiques de la principale formation d'opposition, le Parti de la rénovation sociale (PRS), qui juge que le président par intérim aurait dû être choisi par "consensus national". Le président de la Commission de l'Union africaine (UA) Jean Ping avait dénoncé lundi un "coup d'Etat", mais le ton a changé mardi. "Nous ne considérons pas que nous avons encore affaire à un coup d'Etat au stade actuel. Il s'agit de l'assassinat d'un chef d'Etat (...)", a déclaré le président du Conseil de paix et de sécurité de l'UA, Bruno Nongoma Zidouemba, après une réunion extraordinaire à Addis Abeba. "A partir du moment où la Constitution a prévu cette situation, c'est un événement malheureux que le peuple bissau-guinéen va devoir dominer", a-t-il estimé. Dès lundi, des officiers de l'état-major avaient assuré que l'armée "respecterait l'ordre constitutionnel et la démocratie". Les circonstances des deux assassinats, sur lesquelles l'UA a demandé une enquête, n'étaient pas totalement éclaircies mardi. Un médecin légiste qui a participé à l'autopsie du corps du président a affirmé, sous couvert de l'anonymat, que la victime avait été "sauvagement battu avant d'être achevée par plusieurs balles". Dans le même temps, un soldat disant avoir participé à son assassinat a affirmé qu'un commando de militaires l'avait "liquidé" pour "venger" la mort du général Na Waié. Le dispositif militaire a été allégé dans la capitale et les soldats n'étaient plus visibles qu'autour de points stratégiques comme les casernes. - AFP