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La tension monte à Abidjan

Dec 13, 2010

La communauté internationale ne doit pas agiter le chiffon rouge des sanctions contre la Côte d'Ivoire pour essayer d'installer Alassane Ouattara au pouvoir, déclare le ministre des Affaires étrangères de Laurent Gbagbo

Dans une déclaration transmise mardi à Reuters à Paris, Alcide Djédjé dénonce "l'instrumentalisation" du Conseil de sécurité de l'ONU et de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) "à des fins partisanes" selon lui.

L'Union européenne a décidé lundi d'imposer des sanctions ciblées contre le président de la Côte d'Ivoire sortant, Laurent Gbagbo, qui conteste à son adversaire Alassane Ouattara la victoire à l'élection présidentielle du 28 novembre.

Comme l'UE, les Etats-Unis, l'Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations unies ont tous reconnu la victoire d'Alassane Ouattara. Le président américain Barack Obama s'est dit lui aussi prêt à prendre des sanctions.

Laurent Gbagbo, qui s'est maintenu au pouvoir cinq ans après le terme de son mandat à mesure que le scrutin présidentiel était repoussé, rejette les pressions exercées sur lui en les qualifiant d'ingérences étrangères.

"La France, les États-Unis, l'ONU et l'Union Européenne ne doivent pas agiter le chiffon rouge des sanctions contre le président de la République de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo", dit Alcide Djédjé.
Il répète que Laurent Gbagbo "est la victime d'un complot international ourdi par un candidat malheureux soutenu diplomatiquement, financièrement et militairement par ses parrains occidentaux".

"L'Union Européenne ne doit pas se rendre complice d'une forfaiture constitutionnelle en appuyant les éternels faiseurs de coups d'État", ajoute-t-il.

Pour Alcide Djédjé, Laurent Gbagbo est "le seul garant de la paix" en Côte d'Ivoire et peut s'appuyer sur l'appareil d'Etat.

"L'armée, la police et la gendarmerie demeurent républicaines (...) et fidèles à leur chef, malgré les agitations des diplomates français, américains et onusiens";

"Devant cette tentative obstinée d'installer par la force un candidat malheureux au sommet de l'État, le peuple de Côte d'Ivoire résistera", ajoute-t-il.

Le risque d’un choc

Le camp d'Alassane Ouattara, l'un des deux présidents proclamés de Côte d'Ivoire, se préparait à tenter de prendre dans la semaine la télévision et le siège du gouvernement, une épreuve de vérité
après le bref face-à-face armé de lundi avec les forces de son rival Laurent
Gbagbo.

Désigné vainqueur de la présidentielle du 28 novembre par la Commission électorale et reconnu président légitime par la communauté internationale, Alassane Ouattara veut se saisir de leviers actuellement aux mains du sortant Laurent Gbagbo, proclamé président par le Conseil constitutionnel.

Le temps presse pour l'ex-opposant, retranché dans un grand hôtel d'Abidjan avec son propre gouvernement dirigé par Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui tient le nord du pays depuis le putsch raté de 2002.

M. Gbagbo, lui, siège au palais présidentiel et son Premier ministre Aké N'Gbo travaille à la Primature.

Guillaume Soro a affirmé lundi qu'avec ses ministres il allait investir jeudi les locaux de la radio télévision publique RTI --un atout majeur dans le jeu de Laurent Gbagbo-- pour y installer un nouveau directeur général.

Vendredi, il compte réintégrer les locaux qu'il occupait comme Premier ministre de M. Gbagbo de 2007 à 2010 et y réunir son cabinet.

Mais ces deux lieux stratégiques étant sous bonne garde des forces fidèles à son adversaire, le camp Ouattara semblait pris dans une alternative: soit faire un coup d'éclat sans parvenir à ses fins, soit prendre le risque d'une confrontation violente.

"Ca va se faire", a assuré mardi , laconique, un proche de M. Soro.

"Nous disposons de moyens, nous ne comptons pas sur les Forces impartiales" (Casques bleus de la mission onusienne Onuci et force française Licorne), a-t-il dit.

Mais ce projet renforce la tension à Abidjan, déjà vive lundi durant le blocus de plusieurs heures de l'hôtel servant de QG à M. Ouattara.

Les Forces de défense et de sécurité (FDS) de M. Gbagbo avaient pris le contrôle de la route d'accès au Golf hôtel tandis que des membres des FN accompagnés de Casques bleus gardaient l'entrée principale, jusqu'à la levée du blocus lundi soir.

La situation aux alentours de l'hôtel était calme mardi et le bâtiment de nouveau accessible en dépit de barrages filtrants tenus par des FDS et des Casques bleus.

Devant l'entrée de l'établissement de luxe situé au bord de la lagune, une dizaine de chars de l'Onuci étaient positionnés mais aucun membre des FN n'était visible.

L'origine de ce face-à-face très tendu restait obscure mais il semblait s'agir bien davantage d'un incident que de la première étape d'une confrontation.

Selon les journaux pro-Gbagbo, des éléments FN ont forcé un barrage des forces de l'ordre et en ont profité pour voler des armes qu'ils auraient emportées à l'hôtel. Des renforts FDS auraient alors été dépêchés sur place.

Les quotidiens pro-Ouattara racontent qu'un barrage FDS se serait rapproché du complexe hôtelier, mouvement qui aurait inquiété les FN. Le camp Ouattara a d'ailleurs dénoncé une "provocation".
L'incertitude et la tension actuelles - illustrées par le maintien du couvre-feu nocturne en zone sud à partir de mardi, même si la mesure est allégée de deux heures - continuaient d'engendrer des mouvements de populations.

Depuis le scrutin, quelque 3.700 habitants de l'ouest ivoirien ont fui pour rejoindre essentiellement le Liberia mais aussi la Guinée, selon un nouveau bilan du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR).

Des soldats ivoiriens se déploient autour du QG de Ouattara

Des soldats ivoiriens armés de mitrailleuses et de lance-grenades se sont déployés lundi autour de l'hôtel d'Abidjan gardé par des casques bleus de l'Onu utilisé comme quartier général par Alassane Ouattara, désigné président élu par la Commission électorale indépendante (CEI).

A l'issue de l'élection présidentielle du 28 novembre, Alassane Ouattara et le président sortant, Laurent Gbagbo, qui se targue d'une décision du Conseil constitutionnel contrôlé par son camp, revendiquent tous deux la victoire.

L'armée, qui a fait allégeance à Laurent Gbagbo, n'a fait aucun commentaire dans l'immédiat sur ce déploiement.

Un porte-parole de Ouattara a déclaré que ce déploiement avait été précédé d'une première tentative des militaires d'installer un poste de contrôle près de l'hôtel Golf, où réside Ouattara, mais que les forces rebelles qui soutiennent ce dernier s'y étaient opposées.

"Les rebelles des Forces nouvelles ont démantelé le poste de contrôle. Il y a eu des tirs mais ils ont tiré en l'air", a déclaré par téléphone le porte-parole, Patrick Achi.

L'UE décide de sanctions contre Laurent Gbagbo

L'Union européenne va décider lundi d'imposer des «mesures restrictives» contre Laurent Gbagbo et les siens en Côte d'Ivoire en raison de leur refus de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara à l'élection présidentielle, ont indiqué à l'AFP des sources diplomatique.

«Ces mesures incluront une interdiction de visas et un gel des avoirs», indique un projet de déclaration, adopté lundi matin à Bruxelles par les ambassadeurs des pays de l'UE.

Il souligne que l'Union «a décidé d'adopter sans délai des mesures restrictives ciblées à l'encontre de ceux qui font obstruction aux processus de paix et de réconciliation nationale et en particulier menacent le bon aboutissement du processus électoral».

«Elles cibleront notamment les responsables qui ont refusé de se placer sous l'autorité du Président démocratiquement élu, dont une première liste devrait être adoptée rapidement», ajoute encore le texte, dans une claire référence à Laurent Gbagbo et à son entourage.

L'Europe promet aussi «de prendre des mesures en soutien des autorités démocratiquement élues» et invite sa chef de la diplomatie Catherine Ashton «à faire des propositions dans ce sens».
La décision doit encore être formellement validée par les ministres européens des Affaires étrangères, qui se réunissent dans l'après-midi à Bruxelles.

Alassane Ouattara a été donné vainqueur de la présidentielle du 28 novembre par la Commission électorale indépendante (CEI) avec 54,1% des suffrages mais le Conseil constitutionnel, acquis à Laurent Gbagbo, a invalidé ces résultats et proclamé ce dernier président avec 51,45% des voix.
Pour l'Europe, «à présent il s'agit d'envoyer un message politique: on veut sanctionner», a souligné un diplomate européen.

En plus des restrictions sur les visas ou le gel d'avoirs, l'UE a un levier important dans le domaine de la coopération. L'aide au développement actuellement programmée par l'UE en faveur de la Côte d'Ivoire, sur plusieurs années, s'élève à 254,7 millions d'euros.

Les États-Unis ont eux aussi brandi jeudi la menace de sanctions et l'Union africaine a suspendu la Côte d'Ivoire, renforçant la pression de la communauté internationale qui ne reconnaît pas la réélection de Laurent Gbagbo à la présidence.

Isolé au plan international, Laurent Gbagbo a fait une ouverture en appelant à la «discussion» et rejeté l'idée d'un conflit armé avec les partisans de son rival.

Mais, à la fois fort du très large soutien international et pour l'heure sans levier apparent pour exercer effectivement le pouvoir, le camp Ouattara ne paraît pas prêt à négocier avec le sortant, et vise le contrôle de l'appareil d'État.

La tension actuelle fait craindre une confrontation armée dans le pays, théâtre d'une quasi-guerre civile après le coup d'État manqué de septembre 2002, qui l'a coupé en un sud loyaliste et un nord tenu par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN).

Soro veut s'installer vendredi au siège du gouvernement

Guillaume Soro, Premier ministre d'Alassane Ouattara, l'un des deux présidents proclamés de Côte d'Ivoire, a affirmé lundi qu'il s'installerait vendredi avec ses ministres au siège du gouvernement à Abidjan.

Vendredi, «afin de faire face aux préoccupations des Ivoiriens et pour abréger les souffrances des populations, le gouvernement au complet tiendra le Conseil de gouvernement dans les locaux de la Primature au Plateau», quartier administratif de la capitale économique, déclare M. Soro dans un communiqué.

La veille, il se rendra avec son cabinet «dans les locaux de la RTI (télévision publique) pour y installer le nouveau directeur général», ajoute le texte.

Reconnu président par la communauté internationale, M. Ouattara siège pour l'instant avec son gouvernement au Golf hôtel d'Abidjan, dont les accès ont été bloqués lundi à la mi-journée par des forces fidèles à l'autre président proclamé de Côte d'Ivoire, le sortant Laurent Gbagbo.

M. Gbagbo est toujours au palais présidentiel tandis que ses ministres occupent leurs ministères.
La RTI est toujours contrôlée par des hommes fidèles à M. Gbagbo en dépit de la nomination par M. Ouattara d'un nouveau directeur général qui est restée sans effet.

Guillaume Soro, dont le communiqué a été publié à l'issue d'une réunion de son gouvernement au Golf hôtel, estime par ailleurs que la situation financière du pays est «catastrophique», en raison d'une «insécurité généralisée» qui «paralyse les régies financières». «Les salaires pour ce mois de décembre 2010 sont hypothéqués», assure-t-il.

«Dans ces circonstances, le gouvernement légal et légitime ne peut rester indifférent», indique M. Soro, car Alassane Ouattara «a été élu pour gouverner».  -  AfricaLog avec agence