Le signal hertzien de la TV publique ivoirienne a été coupé dimanche dans la région d'Abidjan après l'"attaque" durant la nuit du centre émetteur dans un quartier où les forces fidèles au président sortant Laurent Gbagbo combattent des insurgés armés, a annoncé la chaîne.
Selon des habitants, de violents combats ont de nouveau opposé les Forces de défense et de sécurité (FDS), loyales à M. Gbagbo, et le groupe armé dans le quartier d'Abobo (nord), favorable à Alassane Ouattara - reconnu chef d'Etat par la communauté internationale - et théâtre d'affrontements cette semaine.
Situé à Abobo, le centre émetteur de la télévision publique RTI, média contrôlé par le régime Gbagbo, "a été l'objet d'une attaque ayant entraîné l'interruption des programmes de la télévision dans la zone d'Abidjan uniquement", selon un communiqué de la chaîne.
"Les techniciens de la RTI sont à pied d'oeuvre pour rétablir la situation dans de brefs délais", a-t-elle ajouté.
"L'un des émetteurs hertziens a reçu des balles", a rapporté à l'AFP un technicien.
"Quand on est sortis ce (dimanche) matin, il y avait de la fumée au niveau du centre émetteur", a raconté un habitant du quartier, précisant que deux véhicules des FDS étaient alors déployés dans la zone.
N'offrant qu'un écran gris en hertzien, la RTI pouvait cependant toujours être regardée via un bouquet satellitaire, et la radio publique RCI émettait normalement.
Le quartier populaire d'Abobo, le plus peuplé de la capitale économique avec un million d'habitants environ, s'est transformé depuis le milieu de la semaine dans certains secteurs en champ de bataille entre FDS et insurgés.
Le camp Gbagbo accuse ces "assaillants" d'être des "rebelles" des Forces nouvelles (FN), qui contrôlent le nord ivoirien depuis 2002 et sont désormais alliés à M. Ouattara. Le camp Ouattara a récusé toute implication.
Des milliers d'habitants ont fui ces affrontements meurtriers à la kalachnikov et au lance-roquettes notamment, dont le bilan restait impossible à établir. Après une accalmie vendredi et samedi matin, les combats avaient repris samedi après-midi puis avaient fait rage dans la nuit.
Engagés dans un bras de fer depuis la présidentielle controversée du 28 novembre, les camps Gbagbo et Ouattara se livrent notamment une bataille médiatique.
Au contrôle de la RTI par le régime Gbagbo, qui en a fait un instrument puissant contre l'adversaire ainsi que l'ex-puissance coloniale française et l'ONU, le camp Ouattara, retranché au Golf hôtel d'Abidjan, a répliqué en lançant d'abord une radio pirate.
Une chaîne, "Télévision Côte d'Ivoire" (TCI), que l'on peut capter via un décodeur, a aussi commencé récemment à diffuser les messages d'Alassane Ouattara et de ses partisans.
Tirs à l’arme lourde à Abidjan, l’exode continue
Les tirs à l`arme lourde ont repris samedi dans le quartier d’Abobo à Abidjan, que les familles fuyaient après une semaine d`affrontements entre forces fidèles au président sortant Laurent
Gbagbo et insurgés armés qui ont laissé la Côte d’Ivoire au bord de l’explosion.
Selon ces témoins, les tirs ont repris en début d’après-midi aux environs du secteur "PK-18", au cœur des combats qui ont transformé en champ de bataille ce quartier nord favorable à Alassane Ouattara, reconnu chef de l`Etat par la communauté internationale après la présidentielle contestée du 28 novembre.
Selon des habitants, les tirs avaient pratiquement cessé depuis vendredi mais "Bagdad", comme est désormais surnommé Abobo, gardait les traces de ces journées de feu et de sang. "Ce matin j'ai vu des corps, des civils apparemment, que personne n'avait récupérés", a raconté à l'AFP un chauffeur, sans pouvoir préciser quand ils avaient été tués.
Un bilan des combats restait impossible à établir mais de nombreux témoins ont fait état d'affrontements très meurtriers.
"Le travail continue" à Abobo, a déclaré à des journalistes le général Philippe Mangou, chef d'état-major des Forces de défense et de sécurité (FDS) loyales à M. Gbagbo.
Pendant ce temps, l’exode se poursuivait. "Le quartier se vide", a dit une habitante après une nuit sous couvre-feu, mesure instaurée pour le week-end par le régime Gbagbo dans toute la moitié sud du pays sous son contrôle. "Les mini-cars ont pu entrer et sont pris d`assaut" par des mères et leurs enfants, a raconté cette jeune femme, elle-même partie rejoindre de la famille dans le quartier de Yopougon (ouest).
Baptisé par la presse locale "commando invisible", le groupe, armé notamment de lance-roquettes, qui a attaqué depuis janvier les FDS à Abobo avant de redoubler d`activité ces derniers jours, continue de susciter les interrogations.
Pour les FDS, il est composé d`éléments infiltrés de la "rébellion" des Forces nouvelles (FN), qui tient le nord du pays depuis son putsch manqué de 2002 et s'est alliée à Alassane Ouattara au commencement de la crise née du scrutin de novembre.
Mais dans le camp Ouattara on récuse toute implication, affirmant qu'il s’agit d'habitants ayant pris les armes ou de FDS ayant fait défection. Dans la capitale politique Yamoussoukro, théâtre pour la première fois d'affrontements à l`arme lourde dans la nuit de jeudi à vendredi, le calme était revenu samedi.
La ville "reprend timidement ses activités, beaucoup de boutiques sont fermées et il y a peu d'affluence au marché", a raconté dans la matinée un journaliste local. Dans le "Grand Ouest", région instable proche du Liberia, la situation était incertaine au lendemain de la prise par les FN de deux localités aux confins de la zone sud. Les FDS assuraient samedi en avoir chassé l`ennemi.
La semaine écoulée a donné un caractère presque irréel aux efforts de médiation menés par l`Union africaine pour résoudre la crise, qui a déjà fait au moins 315 morts selon l'ONU et poussé des dizaines de milliers d'Ivoiriens à fuir le pays.
Quatre chefs d`Etat - Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Jacob Zuma (Afrique du Sud), Idriss Deby Itno (Tchad) et Jakaya Kikwete (Tanzanie) - ont rencontré les rivaux ivoiriens en début de semaine à Abidjan. Chargés au départ d'élaborer des solutions "contraignantes" pour les parties d`ici fin février, ils se concerteront de nouveau le 4 mars à Nouakchott. "Nous ne sommes pas au bout de nos peines", avait convenu le président mauritanien. - AFP